Breakfast on Pluto de Neil Jordan***
Ne vous y trompez pas, cette jolie fille...
est un garçon .
Patrick est un garçon. Il vit dans un bled paumé irlandais. A la naissance il a été abandonné par sa jolie maman qui cache un secret trop lourd à porter dans cette Irlande ultra catholique... Elle s’est échappée pour vivre dans la ville qui l’a engloutie : Londres. Patrick est élevé dans une famille d’accueil pas très chaleureuse et pas très compréhensive. Patrick aime depuis tout petit s’habiller en fille et il fait un peu/beaucoup honte à sa maman d’adoption. Assez jeune, il s’enfuira lui aussi pour échapper à cette famille.
Patrick dès lors se fera appeler Pady, Kitten ou Patricia en assumant totalement son désir obsessionnel de changer de sexe. Il part à la recherche de lui-même beaucoup, de sa maman, énormément : « the phantom ladie », la femme adorée, idéalisée et de l’amour, tout simplement mais résolument. Au bout du voyage qui le ramènera au point de départ, il trouvera un père, « son » père. Et quel père…?
En chemin, il se forgera une personnalité à hauteur de sa démesure mais pourtant faite de légéreté, de délicatesse, de fausse insouciance ce qui est plus commode pour traverser les épreuves. Patrick sera fragile comme une petite fille, espiègle comme un lutin, d'une gentillesse (absolument pas au sens péjoratif) déconcertante et c'est ce cocktail insolite et charmant qui le rend tellement attendrissant.
Quelques aberrations scénaristiques n’empêchent pas d’aimer ce film à la folie. De rencontre en rencontre, Patrick traverse cette époque troublée des années 70 et sera même mis en cause dans un attentat de l’IRA (très réaliste) et soupçonné d’être un terroriste. Au cours de l’interrogatoire, plus que musclé, on passe brusquement à un film brutal et cru alors que jusque là, et malgré les difficultés du héros, on était plutôt dans la poésie et la douceur.
Patrick, c’est Cillian Murphy qui habite ce rôle démesuré sans avoir l’air de forcer jamais. A aucun moment son jeu n’est caricatural, même si le personnage l’est, forcément. Et ce personnage rêveur on l’aime parce qu’il est un mélange de douceur, de naïveté, d’innocence, de bonté et pour le spectateur (fille ou garçon) comme pour certaines personnes qu’il rencontre, il est difficile de ne pas succomber. Patrick est irrésistible tout simplement et il habille son désespoir (très poignante scène où il supplie littéralement les terroristes qui le méprisent, de le tuer : « vous n’avez même pas une balle perdue pour quelqu’un tel que moi ! ») avec un humour et un optimisme inaltérables. Il sourit et rit beaucoup pour éviter que la vie ne soit que cette vallée de larmes…
Ses rencontres sont à la fois cocasses et attendrissantes car étonnamment ce sont les hommes les plus virils et machos possibles qui tombent sous le charme de cette adorable personne. Elles peuvent être également d'une cruauté sans nom lorsqu'un "magicien" l'utilise, sous hypnose et lui fait revivre en public et à son insu, des scènes traumatisantes. Le public raffole et se tord de rire...
Liam Neeson, Brendan Gleeson et Stephen Rea (entre autres) entourent avec bonheur Cillian Murphy mais c'est ce dernier qui est magnifique, renversant et impressionnant dans un rôle remarquable et époustouflant.