INSIDE MAN de Spike Lee ****
Avant toute chose : ne pas se laisser impressionner par le titre peu engageant de ce film de Spike Lee car c'est à une véritable leçon de cinéma à laquelle on assiste ici.
Voilà du 7ème Art avec un grand 7, le meilleur polar, le hold-up le plus grisant depuis... depuis quand déjà ??? Certains films incontournables et exemplaires du genre noir-dépressif sont clairement nommés dans le film : "Un après-midi de chien" ou "Le Parrain" mais Spike Lee n'a plus rien à envier aux maîtres. Ce film devrait, DOIT se hisser au panthéon des films incontournables. Il devrait devenir un modèle. Spike Lee nous avait déjà offert un grand moment avec sa "25ème heure" mais ici, pour ses 20 ans de carrière, c'est une pure merveille.
Que dire ? Le braquage a lieu dans les toutes premières minutes pour se transformer illico en prise d'otages. C'est vif, énergique et la caméra virtuose ne nous offre aucun répit alors que le film n'est absolument pas monté façon clip avec image sautillante et différente toutes les deux secondes. La maîtrise est totale, experte. On est scotché avec la mâchoire posée sur les genoux, façon Loup de Tex Avery. A partir de là, Spike Lee nous promène comme il promène les flics, dans un labirynthe abscons de motivations. Que veulent les braqueurs, quels sont leurs exigences, leur mobile, leurs revendications ? Avez-vous déjà vu des cambrioleurs dans une banque qui ne touchent pas le moindre billet ? Non ? Vous allez le voir et vous n'en croirez pas vos yeux !!! Par ailleurs, astuce géniale, dès leur arrivée dans la banque les braqueurs font déshabiller tous les otages pour leur faire porter une combinaison et un masque et hop... dès lors voleurs et otages sont absolument impossibles à identifier, à différencier. L'envie est forte de décortiquer ce film prodigieux tant il recèle de trésors mais ce serait au risque de révéler les méandres de son cheminement. Donc, il vaut mieux le laisser découvrir aux veinards qui ne l'ont pas encore vu... Par ailleurs, même s'il s'agit d'un film de genre, Spike Lee n'oublie pas d'aborder (même si ce n'est qu'en les effleurant ici) les thèmes qui le hantent tels que le racisme ou le communautarisme.
Il n'y a pas que l'histoire et le génial réalisateur qui sont à louer ici, l'interprétation est à l'unisson. Denzel Washington coiffé d'un improbable chapeau impose comme toujours son magnétisme et sa classe naturelles, Willem Dafoe, loin de ses rôles de méchants caricaturaux est un flic convaincant, Chiwetel Ejiofor joue les seconds couteaux avec une belle présence et Jodie Foster, divinement belle, est énigmatique à souhait. Cerise sur le clafoutis, je n'oublie pas Clive Owen (et je retire tout ce que j'ai dit à son sujet à propos du calamiteux et bien nommé "Dérapage") dont Spike Lee a enfin compris que ce garçon ne doit pas jouer les séducteurs de pacotille, mais qu'il est de la trempe des pseudo- méchants d'anthologie (rôle déjà amorcé dans le brillant "Sin City"). Cet acteur a un charme fou, une présence indiscutable et un charisme évident. Il passe la plus grande partie du film le visage recouvert d'un masque et cela n'enlève rien à son incontestable et forte personnalité. Au contraire, cette finesse du scenario tendrait à le rendre plus que sympathique puisque cela laisserait entrevoir un ego bien contrôlé de taille normale...