Bled Number One de Rabah Ameur-Zaïmeche***
Kamel (surnommé Kamel-La France) rentre au pays après un séjour en prison dont on ne saura rien. Son bled ? Un trou. Mais il le filme avec force et tendresse. Kamel c’est Rabah Ameur-Zaïmeche lui-même, il est l’acteur réalisateur de ce film et il est beau comme Travis Bickle…
Entre douceur, nonchalance et tradition, la vie s’écoule.
Jusqu’à ce que Louisa rentre elle aussi au bled, chez sa mère, accompagnée de son petit garçon. Elle a quitté son mari, macho borné, qui l’empêche de vivre son rêve : chanter. Elle fait honte à sa famille, ça ne se fait pas de quitter son mari. Son frère la bat jusqu’au sang. Son fils lui est enlevé, pour toujours. Elle commence à avoir le regard vide et à s’emmurer dans le silence.
Jusqu’à ce qu’une bande d’intégristes (absolument pas stigmatisés : jeunes et glabres) viennent semer la terreur obligeant le village à s’armer !
La tension croît et la peur s’invite. Mais entre inquiétude et délicatesse, des scènes de toute beauté serrent le cœur : un bain de mer comme une purification où un homme et une femme se rapprochent momentanément. Et puis surtout, après une tentative de suicide, Louisa finit dans un hôpital psychiatrique où les femmes semblent libérer des contraintes et des entraves et où résonnent leurs cris mi-déchirure, mi-amusement : « les fous sont dehors ». Là enfin, Louisa réalise son rêve : chanter devant un public conquis. Le spectateur l’est aussi car l’actrice Meriem Serbah (qui ferait pâlir toutes les pseudo divas hurlantes) nous fait ce cadeau : interpréter « Don’t explain » de Billie Holliday et c’est modestement sublime.
Commentaires
L'histoire du film prend place dans un bled perdu d'Algérie. Rabah Ameur-Zaïmeche y reprend le rôle de Kamel, qu'il tenait déjà dans "Wesh Wesh qu'est-ce qui se passe ?" en 2002. Kamel est de retour en Algérie pour y effectuer sa double peine : en France, il avait été condamné à aller en prison pour un crime ou une faute dont nous ne saurons rien par le film.
Il n'est pas à sa place dans cette Algérie dont il semble complètement méconnaître les traditions et la culture : il est en constant décalage, même dans sa propre famille. Il fait la connaissance de Louisa, elle aussi fraîchement débarquée en Algérie. Louisa s'est réfugiée chez sa mère pour fuir son mari qui lui interdit d'exercer la profession qu'elle souhaite exercer : chanteuse. En effet, ce métier qui peut paraître anodin en France, est connoté négativement dans la société algérienne. C'est presque aussi mal considéré que prostituée.
Kamel et Louisa se comprennent parce que tous les deux sont des marginaux. Mais, ils ne font que se croiser au hasard de fêtes traditionnelles et ne peuvent échanger que des regards ou des bribes de conversations. Ils ne peuvent développer davantage cette relation platonique parce qu'ils sont tout le temps surveillés.
C'est par le sacrifice d'un boeuf, très sanglant, qu'on mesure la violence propre à cette micro-société. Elle est relayée par une sorte de "guerre civile" qui a lieu dans le village : des gangs s'en prennent aux villageois, qui finissent par se rebeller.
Pour se sauver de cette violence et réaliser son rêve de chanteuse, Louisa ne trouvera que les murs d'un hôpital psychiatrique. Quid de Kamel ? On n'en sait rien. Il ne semble être apparu dans ce film que comme simple observateur de la société algérienne.
Je n'ai pas tout compris à ce film. J'en suis sortie légèrement déçue et sur ma faim. En effet, il est tellement désespéré et la mise en scène est plutôt énigmatique.