Comme chaque année "la semaine Télérama" propose de venir voir ou revoir une sélection des meilleurs films de l’année 2006. Cette sélection est faite par les journalistes de Télérama et par les lecteurs de la revue. J'ai choisi cette année de revoir en salle : "The wind that shakes the Barley".
The Wind shakes the Barley (Le vent se lève) de Ken Loach
Quel film et Quelle palme ! Le réalisateur Wong Kar Waï et son jury ne s’y sont pas trompés en accordant à ce film la Palme d’Or du Festival de Cannes en 2006.
1920 en Irlande la guerre d’indépendance fait rage et le beau titre original fait référence à un poème irlandais de Robert Joyce « Le vent qui agite l’orge » qui évoque le soulèvement irlandais de 1798.
Damien, jeune médecin tout juste diplômé souhaite partir à Londres exercer son métier. Témoin de deux scènes insupportables au moment de son départ, il renonce au départ et choisit de s’engager dans les troupes de l’Armée de la République d’Irlande (I.R.A.) pour combattre les troupes britanniques qui occupent le pays. Entre l’engagement politique, les scènes de combats, l’entraînement de cette troupe d’abord désarmée obligée de bricoler ou de voler ses armes, la torture et les exécutions sommaires d’innocents parfois, dans les deux camps, rien ne nous est épargné !
Et puis il y a un moment où tout bascule et les phrases chocs, c’est encore Damien qui les prononcent : « j’ai étudié l’anatomie pendant des années, et je vais tuer un homme d’une balle en pleine tête. » Et plus tard : « J’ai franchi un cap, je ne ressens plus rien ».
A nous spectateurs, d’encaisser cela.
Ce film dérangeant, percutant et bouleversant est l’œuvre d’un anglais qui dénonce avec effroi et en hurlant le colonialisme, l’impérialisme, toutes les occupations abusives de pays, toutes les oppressions et plus encore toutes les guerres de religion ainsi que les luttes absurdes et aberrantes dans leur horreur. Il le fait en contant le drame qui va séparer Damien et Teddy au cours d’une lutte fratricide imbécile. Deux frères, deux clans, deux groupes qui se déchirent c’est toute la « connerie » des guerres et plus encore des guerres civiles
Voici donc l’œuvre (le chef-d’œuvre) d’un humaniste pacifiste en rage contre la folie des hommes et il y a bien longtemps qu’il nous avait été offert de voir un film de cette exceptionnelle qualité ! Qu’il soit réalisé par un honnête homme de 70 ans toujours en colère le rend encore plus admirable.
Sur le plan cinématographique, c’est tout aussi remarquable. Pas de romantisme, les morts ne meurent pas au ralenti sur de la musique classique, Ken Loach ne nous impose pas de bondir par un coup de cymbale ou de pleurer en sortant les violons. Ce cinéma classique, sans fioriture, traité chronologiquement en toute simplicité est un coup de poing ! Le vent secoue la lande magnifique et résistante comme un maquis.
L’histoire d’amour (généralement superflue dans nombre de films) est filmée pudiquement d’autant que l’élue du cœur de Damien est elle aussi une résistante qui aura à souffrir mille tourments dans son corps et dans sa chair.
Quant à Cillian Murphy : quel acteur, mais quel acteur !!!
Comment ne pas être à genoux devant Ken Loach et ce cinéma exemplaire ? Comment ne pas finir en larmes comme cette femme à genoux en pleurs elle aussi face à l’étendue désastre ?