L'ASSASSINAT DE JESSE JAMES PAR LE LÂCHE ROBERT FORD
d’Andrew Dominic *****
Je suis retournée voir ce film car l’affrontement de Jesse James et Robert Ford me hante depuis trois jours. Les plus observateurs remarqueront qu’il s’est passé quelque chose entre la première et la deuxième (je n’ai pas dit seconde…) vision…
J’avais oublié de vous parler de la musique. C’est Nick Cave qui s’y colle et c’est tellement envoûtant, adapté aux images, à la tragédie qui se joue qu’on la remarque à peine alors qu’elle fait corps avec l’atmosphère. Elle en devient indissociable, un piano, un violoncelle qui ensorcellent.
Je me suis encore davantage concentrée sur l’autopsie de cette trahison qui laisse Robert Ford exsangue et surtout complètement déconcerté, consterné par le sort qu'on lui réserve. Au lieu d’être porté en triomphe pour avoir débarrassé la terre d’un assassin, il est au contraire traité de lâche alors qu’on continue de chanter les louanges de Jesse James.
Si le film est tout entier construit sur les humeurs sombres et la mélancolie de ces cow-boys (qui pleurent beaucoup), la longue et palpitante scène où Jesse, Robert et son frère Charley se retrouvent pour préparer un nouveau « coup », juste avant le meurtre de Jesse, est d’une intensité, d’une puissance incomparable. C’est un sommet de tension où le malaise entre les trois hommes, leur peur, leur méfiance les uns vis-à-vis des autres atteint un paroxysme manifeste.
Quant à Brad Pitt et Casey Affleck, je le confirme, ils atteigent eux aussi des sommets d'interprétation absolument époustouflants. Je ne sais si Brad Pitt entrera dans la légende comme étant LE Jesse James du cinéma, mais Casey Affleck, éperdu d'admiration puis rongé de culpabilité, est sans conteste Robert Ford. Il est I.N.O.U.B.L.I.A.B.L.E.
Ce film est un chef d’œuvre, le mot est lâché.
Vous pouvez retrouver ce que j’en disais mardi.
Pas de surprise, pas de suspens, le film nous emporte inexorablement, lentement, implacablement vers l’assassinat de Jesse James par ce lâche Robert Ford. Mais n’est-ce pas plutôt à la demande expresse de son idole que Robert Ford le tue ? Dans cette scène, intense, tendue, magistrale, Jesse James semble préparer son suicide. Avec application, il retire ses revolvers qu’il dépose sur un canapé, il prétend dépoussiérer un cadre, il tourne le dos à son assassin. Il se prépare, il attend le coup de feu, tout en observant son assassin dans le reflet du tableau, lui qui n'hésitait pas non plus à abattre d'une balle dans le dos des gêneurs désarmés…
Avant d’en arriver là, il faudra accompagner Jesse James dans ses derniers jours, sa dégringolade progressive vers la folie, la paranoïa d’un homme traqué que tout le monde inquiète. Certains supporteront mal cette lente descente vers les enfers si j’en crois la nouvelle épidémie de salle qui se vide… Car évidemment, « L’assassinat… » n’est pas un film facile, évident, lisible à la première « lecture » mais on plonge néanmoins dans une œuvre d’une majesté, d’une ampleur et d’une ambition sans pareilles qui vous poursuit encore au réveil, le lendemain. Mon bonheur de cinéphile : être hantée par un film, une ambiance, des héros, des acteurs !
On croyait que Clint Eastwood (qui ???) avait tout dit de la fin des héros et de l’ouest américain épique et mythique dans son « Impitoyable ». Non, le western n’est pas mort et n’a heureusement pas dit son dernier mot. Mais ici, pas de poursuites entre cow-boys et indiens, pas de chevauchées sur fond de coucher de soleil, pas de sécheresse, de poussière et de canyons imposants. C’est l’hiver, il fait froid, souvent sombre, la neige recouvre tout, les cavaliers comme leurs montures semblent exténuer. C’est magnifique, baigné dans un clair obscur ocre et glacial. Je qualifierai ce film de « western dépressif » qui n’est pas sans évoquer le « Dead man » de Jim Jarmush et même le trop sous-estimé « Open range » de Kevin Costner, par cette poésie, cette beauté, cette langueur et cette mélancolie dont ces films sont empreints.
Andrew Dominic, réalisateur Néo-Zélandais a une ambition folle et un talent exceptionnel. Il évoque la beauté et le côté morbide des mythes. Etrangement, Jesse James, assassin notoire et revendiqué était un bandit super-star, objet d’un véritable culte de son vivant. Des livres et des BD lui étaient consacrés. A sa mort, son cadavre « congelé » a été photographié, exposé à la foule des admirateurs qui se pressaient également pour visiter la maison où il avait vécu jusqu’à 34 ans avec sa femme (effondrée, épouvantée) et ses deux enfants. Il était le « Brigand bien aimé » alors que sa tête était mise à prix. Pour l’interpréter, Brad Pitt plus pâle qu’un mort vivant, dont le visage se décompose littéralement à mesure que sa fin approche est absolument extraordinaire. Amical puis inquiétant, il passe du rire aux larmes, s’emporte, explose de rire puis plonge brusquement dans le plus douloureux tourment. Son prix d’interprétation à Venise est amplement mérité et il me semble un concurrent évident pour Philip Seymour Hoffman (oui, je fais mes pronostics des Oscar…), tant il est exceptionnel ici.
Il ne faut néanmoins pas oublier la performance touchante et déroutante de Sam Rockwell qui offre toujours des compositions remarquables dans chacun de ses films. Mais évidemment, la découverte incontournable c’est Casey Affleck, d’abord recroquevillé sur lui-même, brûlant d’admiration, puis rongé par la jalousie, enfin détruit par la culpabilité, intimidant malgré sa gaucherie, tour à tour horripilant puis touchant, il est prodigieux.
Une standing ovation pour lui, une « Ola » pour le film.
Commentaires
Bonjour ,
Je viens souvent chez toi ( ce sont tes commentaires chez Loréal qui m'en avaient donné envie ) sans laisser de commentaires mais là ... déjà , tu m'avais intriguée , interpellée , interéssée sur ton post précédent mais ssi en plus , tu retournes le voir et que tu en remets une couche , il va falloir y aller ( seul problème : sans les enfants ....;-)))
Bienvenue et merci de commenter enfin. Oui ce film est littéralement envoûtant. Mais sans les enfants, c'est indispensable :-)
Que dire de plus si ce n'est que ce film est un CHEF D' OEUVRE: LE FILM DE L'ANNEE. Je me demande juste si les critiques (les autres, ceux qui n'en ont pas que la tête mais qui en vivent) l'ont vraiment vu, ont vraiment su le voir au regard des questions de la conférence qui ne portaient que sur la vie privée de l'un et de l'autre, et comme je n'avais pas (encore) vu le film à ce moment-là, j'ai pensé que ce serait un navet pour que pas un n'ose en parler. Ne jamais écouter les critiques! (Pas ceux qui en ont la tête, mais ceux qui en ont la tête et pas seulement...enfin on se comprend, c'est pas du grec non!). Bref, je vais y retourner moi aussi!
Moi je comprends... Je sais que savoir de qui Brad est le mari et de qui Casey est le frère est essentiel, vital, primordial... sauf que je m'en contrefous (et toi too) quand on a devant les yeux deux acteurs de cette trempe dans un film de ce calibre (merde... on dirait du grec ancien non ???).
Tu sais quoi ??? J'y retournerai aussi, encore et peut-être encore !
Deux heures quarante qui passent comme dix minutes... avec cette richesse de détails qu'on peut découvrir à chaque vision... encore !
Cette année c'est CE FILM LA ! What else ?
Même pas an expresso. So "deep and tense".
Je suis très tentée par cet "intense body" aussi !!!
La vie est dure,
définitivement.
Juste come je les aime!
Bon dimanche.
Il Faut le voir, c'est une merveille.
Bien entendu!
bises.
Comment je pourrai faire aussi bien que toi... grrr ! :)
ALLEZ LE VOIR, VITE ! et 2 fois !
Bonjour !
Ben, comme "Pyrénéenne" : d'habitude pas de commentaire, mais là tu sembles si passionnée qu'on a envie de te suivre et de t'encourager ! ;-)
La longueur du film m'effrayait un peu et j'attendais un pic de forme pour m'y rendre, mais désormais, j'ai hâte !
Félicitations pour ton blog et tes articles !
Cordialement!;-)
J'avais déjà envie de jeter un p'tit coup d'oeil à Brad, comme ça, en passant.. Mais là, c'est certain, il FAUT que j'y aille !
Jordane : il FAUT en parler, chacun avec ses mots... Si je disais tout ce que je ressens en voyant et en pensant à ce film... on m'enfermerait.
LE CHEF D OEUVRE !
Hoplite : merci de ta visite et de ton commentaire. J'ai laissé mon empreinte chez toi aussi... A bientôt.
Mademoiselle M. : j'espère que tu ne feras pas partie de ceux qui quittent la salle...
Je ne sais pas si des gens ont quitté la salle pendant ma séance, mais je sais que ma voisine de gauche a roupillé. Pourtant, on l'a vu à 18h le film...
C'est un film vraiment aigre-doux à mes yeux. Oui il est fascinant, mais pas à chaque minute. Il fallait bien un rabat-joie mais je crois que ce rythme lancinant ne convient pas à tout le monde. Entre "impitoyable" et "jesse james", mon choix est tout fait. Bon mais pas exceptionnel.
Ne m'empale pas !!
Tu rigoles, ce n'est pas mon genre de quitter une salle de ciné !
Tu as bien raison de soutenir ce très grand film qui mérite d'être vu. Ceux qui ne l'ont pas encore vu, vous savez ce qu'il vous reste à faire...