Paris de Cédric Klapisch **
Paris est la plus belle ville du monde, si si, et Klapisch donne envie d’y passer ses vacances, ce que je ferais volontiers tellement j’aime cette ville aussi, et tant il y a de choses et d’endroits à découvrir encore et encore. Paris c’est l’ombre et la lumière, les quartiers chics, les quartiers pauvres, les quartiers populaires et leurs marchés qui tentent de lui donner un air de village, les taxis qui râlent, les manifs qui embouteillent, les monuments qui s’illuminent quand la nuit tombe, les grands boulevards, les petites impasses pavées qui montent à la verticale, les terrasses bondées des cafés, les théâtres, le music-hall, le grand tralala, et Rungis... Paris c’est la pluie, puis le soleil, c’est la hâte et la flânerie, Paris brisé, Paris martyrisé… oups, pardon (tais-toi de Gaulle !)… Mais Paris, c’est aussi et c’est surtout des parisiens qui travaillent, qui s’aiment et se déchirent, qui se cherchent sans se trouver, se croisent sans se voir… Paris c’est plein de gens qui vivent en somme et c’est l’histoire de parisiens, de Paris ou d’ailleurs que Klapisch va nous faire partager le temps d’un film. La bande-annonce tourbillonnante, bouleversante, peuplée d’acteurs que j’aime m’avait placée dans une attente fébrile. Le résultat m’a vraiment fait vivre les montagnes russes, des sommets fulgurants et des dégringolades catastrophiques qui donnent au final un avis très mitigé et une déception très inattendue.
Voici en gros, en vrac, à tort et à travers, les grands bonheurs et les grandes déceptions de ce film.
Pierre a tout pour lui, la jeunesse, la beauté, la vie devant lui. Il est danseur mais il est très malade. Son « cœur de Pierre » ne fonctionne plus. Il attend une transplantation dans son appartement haut perché (au-dessus d’un cimetière… là, tu pousses Cédric !) et observe les gens d’en bas et d’à côté qui s’agitent, qui ont la vie devant eux « putain ». Il met sa sœur au courant qu’il ne survivra peut-être pas : 40% de chance, ça fait 60% de risques… Elle s’installe chez lui avec ses trois enfants (pourquoi pas un, pourquoi pas 8… on sait pas) pour l’aider car même soulever une fourchette devient héroïque par moments. Du haut de son perchoir Pierre va donc observer ou inventer des vies à un historien chercheur et dépressif (Fabrice Lucchini qui nous offre les plus beaux, profonds, émouvants et drôles moments du film), un maraîcher amoureux (Albert Dupontel), un architecte trop normal (François Cluzet), une boulangère raciste et à la tête farcie de clichés (Karin Viard, dans son premier rôle de composition… enfin, j’espère !), une étudiante hésitante (Mélanie Laurent), un top-model sans cervelle (Audrey Marnay)… et d’autres encore qui gravitent pour trouver leur place, ou pas. Et ça fait trop, beaucoup trop, même si je comprends que multiplier les personnages c'était aussi multiplier toutes les possibilités, tous les destins auxquels s'identifier ou pas... Mais lorsqu’il se concentre sur la relation frère/sœur de Pierre et Elise ou celle frère/frère (Lucchini/Cluzet) de Roland et Philippe, là, Klapisch frappe très fort et très juste et offre à son film des sommets de tension, d’émotion et de vérité qu’on lui connaissait peu…
Mais commençons par le pire du pire, ce pour quoi je ne te pardonne pas Cédric, jusqu’à ce qu’on m’explique ET que je comprenne le pourquoi du comment de telles scènes qui tombent comme des veuchs sur la soupe. A un moment quatre tops models titubantes, bourrées des quatre fers après une soirée bien arrosée « ouais han, pourtant han, on avait bien dit han, qu’on boirait qu’une coupe han… hi hi hi hi hi hi hi !!! »… se rendent à Rungis comme on se rendrait au zoo pour voir des animaux exotiques. Là, les quatre sans cervelles observent en pouffant comme des sottes des hommes qui travaillent à l’heure où elles vont aller se coucher. Elles regardent médusées et l’une s’exclaffe « oh la la, ça se sont des mains de travailleurs !!! » ou encore « je fais mes courses par internet je ne savais pas qu’il y avait des endroits comme ça avec des vrais fruits et des vrais légumes !! » (et une tête avec un vrai cerveau dedans t’as déjà vu ???). Et comme les hommes ne sont que des hommes qui réfléchissent avec leur entrejambe (excusez l’empilement de clichés mais je n’invente rien !!!), ils emmènent les filles visiter les abattoirs car évidemment le rêve de la bourgeoise est de se faire sauter par un travailleur entre les carcasses de viandes à Rungis !!! Affligeant, consternant et plein de trucs en ant qui me font encore et toujours me poser la question : « comment des acteurs peuvent accepter ce genre de scènes ??? ». Fin de la parenthèse.
Il y a encore plein de moments dans le film où l’attention baisse (les multiples scènes de marché… en fait la même répétée 10 fois… oui, je sais la vraie vie est faite de répétitions et d’instants monotones mais au cinéma une fois ça va… 10 fois…) mais passons plutôt au meilleur du meilleur et aux moments de pure magie qu’on doit surtout aux acteurs et à la merveilleuse direction d’acteurs qui va avec.
Romain Duris est Pierre. Son réalisateur et ami (j’imagine puisqu’ils en sont à leur cinquième collaboration) est fou de lui et nous spectateurs, on est fous de Romain parce qu’il est magnifique. Qu’il danse, qu’il sourit, qu’il pleure, qu’il s’essouffle, qu’il s’énerve, on danse, sourit, pleure et s’essouffle avec lui. Comme toujours il ne joue pas, il incarne. Je trouve qu’il symbolise tout ce que j’aime chez un acteur : le naturel (même si parfois j’aime aussi le cabotinage, mais je n’en suis pas à une contradiction près). Jamais on a l’impression qu’il interprète, il EST, toujours entier, frais, vrai, à la fois physique et charnel, intense et profond, sombre et lumineux.
La vie de Roland (Fabrice Lucchini) est autant mise en évidence que celle de Pierre qui est le « cœur » du film, sans doute parce qu’il est historien, spécialiste de Paris. Sa performance ici m’a littéralement sidérée, jamais je ne l’avais vu si touchant, si humain, pétri de contradictions, de délicatesse… d’humanité, je ne trouve pas d’autre mot. Evidemment, il nous fait aussi plusieurs grands numéros « à la Lucchini » qui donneront de l’urticaire à ceux qui ne l’aiment pas et raviront ses fans (dont je suis), mais il y a ici une dimension supplémentaire et si lors de ses one man shows, on a chaque fois envie que la scène ne s’arrête jamais (sa danse tordante devant une Mélanie Laurent hilare en est une), il est aussi époustouflant lorsqu’il a un autre être humain en face de lui. A ce titre, la scène chez le psy devrait s’inscrire dans les scènes d’anthologie. Face au psy (génial Maurice Bénichou), il nous la joue d’abord à la Lucchini « j’suis z’un pragmatique moâ ! », jusqu’à ce que le psy l’amène à faire une révélation, LA révélation… et là, on hésite (comme le psy) entre éclater de rire ou en sanglots. Bravo. Les scènes qui l'opposent ou le le rapprochent de son "frère" François Cluzet sont elles aussi empreintes de tension et d'émotion vraiment réalistes et troublantes. Chacune des apparitions de Lucchini est un enchantement car si on le voit en histrion cabotin et facétieux, il y a aussi toute une part d’ombre qui apparaît, une authentique fragilité palpable à l’écran. Un bel acteur et je rêve toujours pour lui du premier rôle à la hauteur de sa dé-mesure.
Alors pour Fabrice, Romain, Juliette… et Paris : OUI !
ET PUIS N’OUBLIEZ SURTOUT PAS LA MERVEILLE CI-DESSOUS A VOIR AVEC VOS ENFANTS (OU SANS !).
Commentaires
Mais non...
Paris c'est la SEINE !!!
Enfin voyons.
Bah tiens.
Mais bon.
Pardon mille fois, j'ai oublié la Seine et le Pont Mirabeau... et les habitants du fleuve !!!
Je lirai plus tard les déceptions et les grands bonheurs et je te dirai ce que j'en ai pensé.
AH Nooooooonnn .. tu n'as pas le droit de nous écrire autant de choses sur le film et de bacler Binoche en une seule phrase (même très belle). Elle est réelle; magique, intense, mère, soeur, Assistante sociale dans tous les sens. Un vrai bonheur.
La scène des pintades à Rungis est ratée mais pour essayer de défendre Klapisch, oui, Paris c'est aussi des gens écervelés et beaucoup de populations différentes. Un cliché ... réaliste, un peu comme la boulangère raciste. Mais on vit ça tous les jours, alors.. pourquoi pas.
Un film long, qui passe très vite et qui prend le temps de poser des regards plusieurs fois dans des scènes de marché.... j'adore :)
@ pascale
sur le trio d'acteurs magiques et les relations de fratrie ont est d'accord...
sur le reste je te trouve un peu dur, mais sans doute ne suis je pas tout a fait objectif avec ce film qui m'a touché comme raement
Ed : bon d'accord, tu me diras plus tard.
Doc : et si je peux U_U
La scène à Rungis je ne l'ai pas trouvé ratée mais obscène. Je n'ai pas vu des écervelés mais une scène racoleuse et sans intérêt.
Nico : Touché comme rarement ? Et bien ? J'avoue que ce sont les relations de Lucchini et Cluzet qui m'ont le plus touchée et semblé juste.
Ce film n'est pas parfait mais c'est vrai que tu es un peu dur. Tu as été inspiré en tout cas. Moi j'ai adoré et, un peu comme Nico, ca faisait longtemps que j'avais pas été ému. Un excellent moment.
Tu m'agaces, toi ! Avant d'aller voir un film, je lis toujours le synopsis sur Allociné et ta critique mais je crois que c'est pas terrible comme système. Car comme je suis influençable, je ne suis pas sûr d'être totalement à l'origine de ce que je pense du film en sortant.
• En tout cas, comme toi, je suis fan de Luchini (sauf que moi, je sais l'écrire) mais je ne l'ai pas trouvé aussi « puissant » que d'habitude.
• Duris, je peux pas le blairer. Sa gueule m'énerve. C'est le même dans tous les films. En plus, ils ont collé à deux reprises la musique des Poupées Russes (« Seize the World » de Wax Tailor)...
• Viard ! Parfaite ! J'ai trouvé les scènes dans la boulangerie, très vraies, dynamiques : c'était un plaisir.
• Binoche, Cluzet. Mouais. Bon. Ça va.
• Pour la scène à Rungis, je m'attendais à pire ! Parler d'obscénité, c'est quand même excessif. C'est ces bouts de viande qui t'ont donné c't'impression ? Ahah.
• J'ai aimé la femme que je voyais dans le Grand Journal de Canal +... celle qui est victime d'un accident de moto.
• « Qu’il danse, qu’il sourit, qu’il pleure, qu’il s’essouffle, qu’il s’énerve, on danse, sourit, pleure et s’essouffle avec lui. » Les verbes du troisième groupe sont cruels.
Ah et j'ajouterai que j'ai trouvé les allers-retours au Maroc dénués d'intérêt.
Jibouille : pour moi un bon moment, sans plus et bien peu d'émotion.
Max : toi aussi tu m'agaces souvent, c'est bien normal que je te renvoie l'ascenceur.
- LucChini : je l'ai trouvé encore meilleur que d'habitude.
- J'imagine bien que Duris ne fasse pas l'unanimité.
- Viard.. me lasse.
- Rungis : c'est vrai que je ne mange pas de viande mais ce n'est pas là qu'était l'obsénité...
- Les acteurs sont superbes.
- Julie Ferrier j'imagine ??? Je l'ai vue dans plusieurs films. J'avoue qu'elle me laisse de glace et je ne comprends pas cet emballement soudain ! Ah les goûts ?
- Oui, les verbes du troisième groupe font chier.
- Je pense qu'il s'agissait du Cameroun !!! mais c'est vrai que j'ai trouvé ça un chouilla raté aussi !
Moi, Madame, je suis resté jusqu'à ce que l'écran s'éteigne. C'est ainsi que j'ai vu :
- LuChini.
- (...) tournage au Maroc.
Mais peut-être qu'ils tournent au Maroc et nous font croire que c'est au Cameroun ?
Qui sont les enfants qu'on aperçoit dans le rêve / cauchemar que fait Cluzet ? Alors, alors, tu sais ?
C'est bien, il FAUT rester jusqu'à la fin !
C'est sans doute tourné au Maroc, mais je suis persuadée que la famille est camerounaise... De toute façon, cette partie est archi loupée, demande à Lucchini !
Comment ça qui sont les enfants dans le rêve de Cluzet ??? Les enfants qu'il aura s'il continue sa vie de mec trop ordinaire et "normal". I guess !
Eh bien, ce sont les enfants de Klapish. Les vrais.
Demande à Luchini.
Ouah ! la révélation ! un sacré pondeur le Klapisch !!!
Tu es une femme blasée, Pascale ?
Oh non !
Pour ma part, la scène de Rungis, je l'ai presque vue comme un clin d'oeil à Danièle Thompson et "La Bûche", ou Emmanuelle Béart, en bourgeoise tirée à quatre épingles vient vivre des sensations fortes avec son amant le fleuriste, à Rungis, justement...
Max : Ben merdalors, je dis ouah la révélation et je me fais traiter !!!
polysemie : y'avait une scène de ce BON goût dans "La bûche" ??? M'étonne pas de Danièle Thompson...
oui, sauf que ça se passe au milieu des sapins de noel et pas des bouts barbaque, mais bon , j'imagine que l'idée est la même: les larges mains rugueuses des travailleurs sur la peau des bourgeoises...