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Loin de Sunset Boulevard d’Igor Minaiev ***

Loin de Sunset Boulevard
Loin de Sunset Boulevard

Au début des années 30 à Moscou, la relation d’Alexandre Mansourov, réalisateur réputé et Konstantin Dalmatov son assistant, est découverte par les autorités. L’homosexualité est légalement réprimée et pour exercer à son tour son métier de cinéaste Konstantin doit, à la mort de Mansourov conclure un pacte avec le Régime. Sitôt signé un document qui peut faire de lui un collaborateur du gouvernement « en cas de besoin », toutes les portes lui sont ouvertes. Il lance la carrière de la très talentueuse et très seule actrice Lidia Polyakova. Ils décident l’un et l’autre de vivre ensemble, de se marier pour rapprocher leurs solitudes et sauver les apparences. Ce second pacte fait de Konstantin un homme respectable hétérosexuel.

La relation platonique impressionnante de complicité, de tendresse et de respect entre Konstantin et Lidia est au centre du film même si elle n’en est pas le thème essentiel. Ce qui en fait le cœur, c’est la création dans un pays où Lénine avait fait du cinéma le premier des arts pour sa capacité à éduquer les masses, le tournage des films dans le film toujours réjouissant sur grand écran. Le genre de prédilection de Konstantin sont les comédies musicales. Il tourne donc des films flamboyant, follement gais et optimistes qui vantent le bonheur et la chance de vivre en URSS. A l’époque tous les films devaient recevoir l’assentiment de Staline et pas un ne sortait sur les écrans sans être passé par le Kremlin. On apprend qu’Eisenstein a dû en détruire un des siens. Le contraste entre ce que filme Konstantin, vif, coloré et joyeux est en contradiction permanente avec la peur perpétuelle que ressentent le réalisateur et son actrice, peur de cesser brusquement de plaire. Toute l’équipe est d’ailleurs soumise à ce climat de doute, d’incertitude et de suspicion face à une administration tyrannique toujours prompte à remplacer, déplacer, déporter ! Konstantin et Lidia sont triomphalement reconnus dans tout le pays jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus supporter cette chape sur leur métier et leur vie…

Entre allégresse, tristesse et inquiétude le film voyage avec virtuosité. C’est romanesque, historique, éblouissant et douloureux. C’est russe. Et un film russe (aussi hollywoodien !) au titre aussi merveilleusement subtil, est un objet suffisamment rare pour qu’on s’y attarde, même si au final ce qui reste en mémoire est la chaste relation indéfectible des deux personnages principaux, amis, complices, alliés envers et contre tout.

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