Les plages d’Agnès d’Agnès Varda ****
Ces plages sont celles qui sont à l’intérieur d’Agnès Varda. Et ça commence sur une plage du Nord, de celles balayées par les vents qui changent de couleurs toutes les demi-heures. Sublimes forcément. De sa voix au délicieux accent belge, Agnès Varda nous annonce que « si on ouvrait des gens, on trouverait des paysages ; si on m’ouvrait moi, on trouverait des plages ». Et c’est en parcourant les plages qu’elle a foulées, pieds nus souvent, qu’elle nous raconte sa vie. Ce film est l’histoire d’une petite vieille rondelette et bavarde comme elle le dit d’elle-même. Agnès Varda a 80 ans et elle ressemble à un petit lutin facétieux, doux, cordial et chaleureux. Ce voyage qu’elle commente de bout en bout, cette espèce d’auto-portrait, ni film ni documentaire mais les deux à la fois, n’est jamais nombriliste car ce qui intéresse Agnès Varda, ce sont les autres et elle le prouve.
Comment vous dire pour que vous y couriez en masse ? Qu’il n’est pas nécessaire d’avoir vu tous ses films, ni même d’en avoir vu un seul car Agnès explique, commente et l’on plonge avec elle dans ses souvenirs (« je me souviens tant que je suis en vie »), au plus profond de l’intimité sans jamais se sentir de trop. C’est un partage, un cadeau drôle, bouillonnant, généreux, émouvant et surtout intensément passionnant. Ces deux heures passent à une vitesse phénoménale et l’on parcourt évidemment plus de 50 ans de cinéma en compagnie de cette marginale inclassable qui réalise ici un film hors du commun comme jamais je n’en ai vu.
Dès la scène d’ouverture où elle installe sur la plage des miroirs dans lequel se reflètent d’autres miroirs à l’infini, il faut le voir pour le croire, c’est unique et dans ces premiers plans mystérieux et enchanteurs semblent résider toute la magie du cinéma. Jusqu’à la fin, elle surprendra par des plans, des idées qui révèlent une imagination débridée, libre, d’une intelligence et d’une maîtrise folles. Maîtrise de son art qu’elle adapte aux aléas d’une caméra qui continue de tourner ou de la météo. Tout ici est d’une profondeur et d’une humilité remarquables comme cette petite bonne femme engagée qui fit partie des « 340 salopes », féministe, humaniste, passionnée qui porte toujours un regard aiguisé sur le monde qui l’entoure.
Elle nous présente sa famille, ses enfants, ses petits-enfants qu’elle craint de ne pas connaître mais vers qui elle va, toujours. Et surtout, elle parle de son amour de et pour toujours « le plus chéri des morts », Jacques Demy qu’elle a accompagné jusqu’au bout mais qui l’a laissée seule, désemparée, inconsolable. Quand elle parle de « lui », elle est bouleversante.
En sortant de la salle j’ai vraiment eu l’impression d’avoir vu un grand film et surtout d’avoir rencontré une personne extraordinaire. C’est rare.
Commentaires
Depuis l'une chante, l'autre pas, elle est exceptionnelle pour moi.
Je ne pensais que ce serait à ce point.
Ce film est un enchantement.
J'ai vraiment hâte de le voir... tout comme de m'offrir l'intégrale de Demy en dvd. Je voulais revoir des films comme Parking, ou 3 places.
J'ai redécouvert Cléo de 5 à 7, je ne m'en lasse pas;
une petite femme... mais quelle grande dame.
Oui, qu'est-ce qu'il est beau ce film. C'est bien de terminer l'année avec cette plage-là. J'aurais aimé écrire dessus, mais malheureusement, je n'aurai pas le temps. Tu l'as fait et très bien. j'ai la chance de connaître un peu le personnage avec ses manières rudes, son franc parler et sa bouille de crapaud. J'aurais dû l'interviewer pour Ecran Noir, mais je suis accaparé par le nouveau Olivieira qui sort début janvier. Bon Noël à Pascale la toujours, la plus fidèle. T'embrasse et pense à TOI très fort. Benoit
Je vais aller le voir très vite, j'aime cette femme.
Doc : oh Doc ? T'es là ?
J'avoue que je connaissais les films mais pas la femme derrière la caméra.
Quelle rencontre !!!
benoît gautier : une bouille de crapaud mais un comportement de princesse ! Quelle personne adorable et si intelligente et si profonde.
Aifelle : oui vas-y. Moi, je suis sous le charme complètement.
Plus que d'accord avec ta chronique, en fait j'ai eu la même réaction en essayant d'écrire un mot sur ce film : Comment faire pour que les gens aient envie d'aller le voir ?
Car je pense que la bande annonce et le personnage peuvent intimider les moins joueurs... Je confirme donc que sans rien connaitre ni à Agnès Varda ni au cinéma français des années 60 et avec finalement une très petite culture ciné on passe un excellent moment. C'est abordable, humain et dynamique. C'est aussi très touchant, coloré et instructif.
Tout à fait d'accord avec toi, j'y suis allée hier soir et ai déjà fait un billet enthousiaste sur mon blog ! Quel superbe film et quelle petite bonne femme attachante :-))
Flo : rien à ajouter :-)
cathe : oui une petite bonne femme qu'on a envie de connaître.
Un vrai bonheur, ce film … qui donne envie de vieillir comme Elle !
Avec ses 80 balais, sa coupe qui change de couleur selon les époques … Elle reste inventive, créative, vive … et toujours humaine. Ne semblant jamais se prendre au sérieux. On sent en elle le respect de l'autre : quand elle montre le collectionneur de train dans sa maison d'enfance, quand elle traite à part égale Jean Vilar et le jouteur de Sète …
Sa pétulance s'exprime encore quand on regarde les deux interview sur le film en ligne sur le site du cinéma.
Je pense que j'irai le revoir …