Frozen river de Courtney Hunt ***
Le but de Ray est de s’offrir la maison de ses rêves : un mobil home avec trois chambres, une salle de bains et le chauffage. Pour l’instant, il gèle à moins 30 dans cette petite ville américaine près du Canada et Ray survit avec ses deux enfants de 15 et 5 ans alors que son abruti de mari est parti jouer ses économies à Atlantic City. Elle croise la route de Lila, une jeune femme d’origine Mohawk à qui on a retiré son bébé et qui l’embarque malgré elle dans un trafic d’immigrés clandestins. Au début réticente, Ray finit par comprendre que cet argent gagné illégalement n’est pas la meilleure, mais la seule solution pour sauver sa famille.
Le froid et la tension sont palpables jusque dans la salle tant les risques que prennent ces deux femmes sont colossaux. Elles font passer la frontière aux clandestins dans le coffre d’une voiture. Non seulement la frontière est surveillée par la police mais aussi et surtout elles traversent sur la rivière gelée qui risque de céder à tout moment. Mais ces deux femmes estropiées, cassées par la vie restent debout et avancent avec une obstination admirable qui ne faiblit jamais. Mis à part quelques larmes vite séchées, elles ne cèdent jamais aux états d’âme ou à l’angoisse. Elles sont guidées par un sentiment qui n’a sans doute jamais été montré avec autant d’âpreté au cinéma : l’instinct maternel.
On imagine à tout moment que l’issue de cette sombre épopée sera à la mesure des dangers courus et on tremble constamment avec ces deux femmes que la réalisatrice suit au plus près sans jamais les juger ni les plaindre. Mais au fur et à mesure que la neige fond, naît entre les deux femmes un sentiment de « fraternité », une empathie, une entraide qui s’exprime sans mot mais avec des actes et c’est magnifique.
D’une noirceur inouïe malgré une ambiance immaculée, ancré dans un réalisme social « kenloachien » ce thriller qui brasse misère, solitude, racisme est illuminé par une actrice solide et bouleversante Melissa Leo et par des sentiments forts admirables.
Commentaires
Et voila ! Le film qu'il fallait voir en ce début d'année..Vive l'indé ! Coté ciné comme en zique là se cachent des perles qu'il faut savoir dénicher et saisir..pour ensuite partager..
Philosophe.. Kilucru..
Ailleurs les bombes tombent, les ventres crient famine...F....Planet !
La misère est internationale !
"LE" film de ce début d'année !
Partout ailleurs sur Terre la neige est filmée toute blanche et immaculée : ici on patauge dans la neige fondue et la gadoue.
Et le climat est de plus en plus oppressant : misère affective, économique, sociale, tout y est.
Le climat météo avec ce froid qui s'insinue partout. Le climat du film également où le stress va grandissant alors qu'aucune violence n'est apparente, ni fond musical énervant, ni agitation agaçante de caméra. C'est plutôt lent mais d'autant plus efficace. La misère est une sourde violence.
Bonjour, je confirme, très beau film qui sort des sentiers battus. Un film de femmes avec la douceur et la violence dont elles sont capables. Cela nous parle de l'Amérique "d'en-bas" où les allocations familiales n'existent pas, où de trouver un boulot n'est pas chose facile, où de survivre est un combat permanent, où l'entraide existe malgré tout. Bonne journée.