Les noces rebelles de Sam Mendes ****
Au milieu des années 50, Frank et April ont un coup de foudre. Ils sont convaincus qu’ils sont différents des autres et que leur couple résistera au quotidien, qu’ils réaliseront leurs rêves les plus fous sans jamais perdre leurs idéaux. Hélas, comme parfois, comme souvent, après qu’April ait dû renoncer à sa carrière d’actrice, qu’ils se soient mariés, qu’ils aient acheté une maison de banlieue proprette et fait deux enfants, la routine s’installe inéluctablement. April se sent étouffer dans sa cage dorée et Frank végète dans un emploi qu’il déteste mais qui assure la subsistance de la famille.
Après une dispute un peu plus vive que les autres April propose à Frank de repartir à zéro en quittant les Etats-Unis pour s’installer à Paris où tout leur semble possible. Parviendront-ils à réaliser ce rêve de la dernière chance ?
La rencontre douce, tendre et évidente n’occupe que quelques instants du film qui devient rapidement une longue et terrible scène de ménage. Et ces instants où le couple se balance des vérités pas bonnes à dire, pas bonnes à entendre, où emporté par sa rage et ses frustrations chacun va atteindre et dépasser les limites de ce qu’il est « raisonnable » de dire et supportable pour l’autre d’entendre, ces moments où l’on va trop loin sans possibilité de faire marche arrière, où les mots les plus cinglants voire sanglants sont prononcés, sont d’une puissance et d’une profondeur rarement atteintes au cinéma. Mendes décortique le couple au scalpel. Chacun renvoie à l’autre la « faute » de s’être installé dans ce bonheur ronronnant où l’espoir et l’évasion n’ont plus leur place, où il n’est plus question que de devoir et de responsabilité.
La seule petite erreur de ce film intelligent me semble être d’avoir donné à un personnage « aliéné » la charge de révéler leurs faiblesses à Frank et April alors qu’ils paraissent suffisamment sensés pour le découvrir eux-mêmes. Ni l’un ni l’autre n’a vraiment tout à fait tort ni tout à fait raison. Les deux font ce qu’ils peuvent, comme ils le peuvent pour essayer de sauver ce qu’il y a de plus concret entre eux : l’amour. Mais alors que Frank parle beaucoup, April tente d’agir, chacun sachant qu’ils foncent droit dans le mur mais plus dans la même direction. Au fond, peut-être ont-ils compris qu’ils ont comme leurs amis, renoncé à leurs beaux idéaux de jeunesse. Quand ils se moquent de ces voisins insignifiants, peut-être comprennent-ils à quel point ils leur ressemblent, ne serait-ce que par le fait de vivre dans cette banlieue (très « Truman show ») véritable royaume du conformisme triomphant. C’est un film qui laisse des traces me semble t’il où chacun pourra trouver des résonances dans sa propre vie. La musique hypnotique et l’interprétation sans faille ne sont pas pour rien dans cette réussite totale.
Leonardo Di Caprio, toujours meilleur de film en film affiche ici une belle maturité et des moments d’enthousiasme et d’émotion insoupçonnés. Kate Winslet, sublime, blessée, à la fois dure, douce et intransigeante est magnifique. Notons également la prestation très surprenante et diaboliquement sulfureuse de Kathie Bates. La dernière scène laisse le spectateur saisi d’effroi dans son fauteuil…
Commentaires
Ouh là là ... tentant ... plus que tentant !
Oulala oui, j'en suis encore tourneboulée !
Je me fie à ton jugement sans faille...et je vais voir dès que possible "les noces rebelles" (est-ce le titre fidèlement traduit? car je ne le trouve pas terrible!)
Je suis d'accord, le titre est con. L'original est "Revolutionary road" (c'est là qu'ils habitent Léo et Kate...).
Moi je vais y emmener mon Jules et le reverrai avec grand plaisir (masochiste).
ben moi j'irai seule, car mon jules ne veut pas le voir; il a "peur de s'identifier au personnage"! je ne sais pas comment je dois le prendre ;-D
Dès que je serai sur pieds, j'irai poser mes fesses dans un ciné et le voir. Pour l'instant je pleurerais trop sûrement. Je n'ai plus de défenses immunitaires...
pascale m. : c'est complètement bidon l'excuse de ton mec (quitte-le). La femme a des torts aussi...
Ed : plus de défenses immunitaires ??? C'est plus grave que prévu alors ?
Il faut savoir que le titre Les Noces Rebelles faisait référence aux idéaux de la révolution de 1776 comme si l'anti-conformisme était la seule manière de sauver son pays. Quant au "fou" c'est toujours lui dans l'Histoire qui révèle la vérité. Bon j'finis de faire ma Pétasse : le couple Kate et Léo cartonne encore - Léo je l'ai revu dans Les Infiltrés où je le trouve prodigieux dirigé par Scorcese, grand Maître ... idem Gangs of NY. Kate mérite bien son Golden Globe. FIlm à priori bien lisse (il est vrai que la première demi-heure a failli me faire dormir) mais bien juste, sans fioriture aucune, bon tempo par la musique. Ce qui me blesse le plus ce sont les voisins : c'est cruel de vérité malheureusement ! BiZz
Effectivement le jeu de Léonardo di Caprio est saisissant.
Le Leitmotiv du "vide désespérant" de toute existence qui ne saisirait pas les opportunités de la vie, ne laisse pas indifférent.
Le patron de Léo le dit en substance : " mon père disait qu'il y avait peu d'opportunité dans la vie, et que si on ne les saisissait pas par les couilles, on s'apercevait vite qu'on était devenu un médiocre"
Le film questionne plus qu'il n'apporte de réponse. Ainsi la reconnaissance et la promotion dans son travail peut d'un point de vue filial (puis Léo travaille dans la même entreprise que son père) être perçue comme une opportunité.
Mais le film insiste beaucoup plus sur le rôle que chacun doit choisir d'occuper.
Car la question est bien celle-ci : à qui, à quoi peut-on être utile?
Kate a semble-t-il besoin d'être à la source du bonheur de son époux. Elle dit elle-même : "je ne sers à rien ici".
Elle prévoyait de gagner la vie du couple à Paris et ainsi permettre à Léo de prendre le temps nécessaire de trouver sa véritable vocation. Le drame de Kate, c'est son absence de rôle de premier plan.
Elle a le rôle banal de celle qui "joue au papa et à la maman" comme le fait avec violence remarquer l'aliéné.
Prendre le risque de quitter un confort de vie pour se trouver réellement...c'est finalement ce que très peu d'individu sont prêts à faire.
Un film puissant.
Jojo : oui arrête de faire celle qui sait tout !!! Ah ah ah, ça t'a rappelé tes voisins. Celle d'en face a tant d'humour pourtant !!!
pretatourner : un grand film.
C'est surprenant comme vous associez Kate et Léo à leurs rôles ;-)))
@ Pascale
Oui...Franck et April....
Mais la puissance du jeu de Léo est telle!
A croire que je ne l'admire pas qu'à moitié.
Je les trouve très "assortis" et très convaincants aussi l'un et l'autre. Et moi aussi je les aime Kathe et Léo :-)
Un film bien construit. On ne prend pas partie d'emblée pour l'un ou l'autre, on se pose des questions sur les responsabilités de chacun et sur sa propre vie aussi. L'idée du fou est assez intéressante, elle permet à la fois le recul et la mauvaise foi pour contrer ses vérités, en se disant qu'il est fou. En rentrant j'avais hâte de lire votre critique.
Je l'ai revu déjà. J'étais encore plus émue que la première fois.
Il faudrait dire à Sam Mendes (tout comme Ang Lee d'ailleurs) qu'il cesse de clore chaque séquence par ses bandes originales guimauve. Ce thème récurrent alourdit tout. Pas mal, mais tellement formaté Oscars ! Mendes, Lee et (là, tu vas me haïr) Gray (où est passés son inspiration de Little Odessa et The Yards ?...) ne sont pas de grands metteurs en scène, mais d'excellent maker d'un cinéma qui ne donne à voir que ce qu'il montre. C'est très bien fait, mais toujours assez propre pour convenir aux studios qui se chargent de survendre ces oeuvres clean, efficaces, irréprochables mais... surévaluées à mon goût.
T'embrasse fort,
Benoit
Je te suis tout à fait dans ton commentaire. C'est un film puissant, magnifiquement servi par deux très bon acteurs. J'ai quand meme trouvé la première partie un peu ronronnante, avant l'explosion finale, magistrale.
Un très bon film, qui n'est pas sans poser de questions...
benoît : j'ai ADORE le thème musical.
Mais si tu veux la guerre, tu l'auras !
Yohan : bon. Le couperet final même !!!
Justement... j'ai pas bien "saisi", la dernière scène, justement...
Je trouve également qu'il aurait pu aller "plus loin" dans son "cheminement (qu'on vire dans un truc encore plus dingue (!)...), même si j'ai trouver ce film très bien et le "duo Titanic" très talentueux (z'ont bien vieilli...)...
Mais bon.
"trouvé"
Un film très prenant, pas du tout froid comme certains le lui ont reproché. "Les Noces rebelles" dit beaucoup de choses sur le couple même moderne et ses compromis, la lassitude, etc. Le regard que les gens bien-pensants portent sur un couple dit "parfait" est aussi très véridique et en désigne toute la cruauté. Un vrai miroir !
Extraordinaire !
J'ai beaucoup aimé l'acteur faisant "l'aliéné", vraiment bon.
L'histoire est bien tournée, Kate est troublante... je l'aime ! (mais je la trouve un chouïlla meilleure dans The Reader). . . et puis Léo, qui n'a plus rien à prouver lorsqu'il devient tout rouge en 2 secondes.
J'ai pas aimé l'aliéné (qui ne sert à rien).
Mais Kate et Léo : ouah !
Léo est toujours surprenant : quand il se lève tout penaud pour prendre le ptit déj et que la Kate lui fait son plus beau sourire et qu'il se transforme peu à peu sous nos yeux ébahis j'adore...
TIens je vais l'acheter ce film.
Là, on est d'accord, c'est pour CE film que K WINSLET aurait du avoit l'Oscar, je l'ai trouvé boulversante de vérité. Cette actrice allie comme peu beauté et intelligence (enfin, elle a l'air en tous cas, lui ai jamais parlé!)!
Bon, tu es pardonnée ! Je range mes ampoules :-)