Somers town de Shane Meadows ***
A peine sorti du foyer d’accueil, Tommo 16 ans, sans famille, débarque à Londres avec son sac à dos. Le même soir, il se fait tabasser et dépouiller par trois loubards et se retrouve donc seul, sans papiers, sans argent, sans autres vêtements que ceux qu’il porte.
On s’attend à du Ken Loach bien sombre mâtiné de Dickens très très noir avec une pincée d’Hector Malot pour assombrir encore le tableau, et on se retrouve face à une histoire lumineuse pleine d’espoir, de tendresse et de joie de vivre.
En effet, Tommo va faire la rencontre de Marek, ado comme lui, nettement moins abandonné puisqu’il vit avec son père ouvrier polonais très affectueux bien que très porté sur la bouteille, mais tout aussi seul.
D’abord méfiant devant ce SDF pas forcément rassurant (les multiples marques au visage suite à son agression, l’air buté et bagarreur de l’acteur Thomas Turgoose n’y sont sans soute pas pour rien), Marek va finalement l’abriter, le protéger, devenir son ami, lui présenter Maria, la jeune serveuse dont il est secrètement amoureux. Et l’on va suivre les pérégrinations londoniennes parfois farfelues de ces deux zigotos de plus en plus sympathiques et attachants.
On peut dire qu’on tremble pour eux à pas mal de reprises, le quartier de Somers Town (on est ni à Notting Hill ni à Covent Garden) n’étant pas le « personnage » le plus sécurisant bien qu’il soit filmé dans un noir et blanc somptueux superbement éclairé (pas étonnant d'ailleurs que le passe-temps favori de Marek soit de faire de la photographie et de repérer la beauté au coin des rues les plus louches). La rencontre avec un gentil escroc, la cuite monumentale que les deux ados se prennent, la déception quand Maria (la fille dont finalement ils sont tous les deux amoureux, on les comprend…) quitte Londres sans les prévenir… tout va nous faire craindre le pire pour eux. Mais Shane Meadows a choisi de jouer cette fois la carte de l’optimisme, de positiver, de nous prouver que des gens qui n’ont à peu près rien pour être heureux le sont finalement avec des petits riens essentiels qui rendent la vie meilleure. Rien de fâcheux ne va leur arriver et au contraire à plusieurs reprises on sera bien obligé de rire franchement d’eux et avec eux.
Il faut dire que le réalisateur possède un atout gigantesque en la personne de son jeune acteur Thomas Turgoose (déjà stupéfiant dans « This is England ») qui joue Tommo et qui est plus naturel que bien des pros de longue date devant une caméra. N’hésitant pas à franchement « faire le con » (la cuite mémorable !) ou à se ridiculiser (obligé de s’habiller en femme parce qu’il a tout perdu ou son mal de ventre après avoir mangé trop d’épices…), il semble avoir tout compris, n’avoir aucun complexe, aucun tabou et ne reculer devant aucun excès. Il faut ajouter à cela un physique absolument atypique, un corps d’ado pas encore bien fini, un peu rondouillard et une bouille incroyable que de rares sourires viennent illuminer, le front souvent barré par la méfiance, le regard plutôt ombrageux et méfiant.
Et l’on comprend pourquoi ce beau film a obtenu Le Grand Prix et le Prix de la Jeunesse au dernier Festival de Cabourg car ce que les deux amis font dans le dernier quart est bien ce qu’un garçon peut faire de plus romantique pour une fille…
Ci-dessous la très charmante Eliza Lazowski recevant un des prix pour Shane Meadows au Festival.