Tu n’aimeras point (Eyes Wide Open) de Haim Tabakman ****
Aaron vit dans un quartier populaire de Jérusalem avec sa femme et ses quatre enfants. C’est un juif orthodoxe. Il vient de perdre son père et rouvre la boucherie kasher qu’il tenait. Tout semble aller pour le mieux dans le plus banal, rassurant, lugubre et ultra orthodoxe des quotidiens possibles.
Banal pour cet endroit précis de la planète régi intégralement par la religion pratiquée sans compromission possible. Car vu d’ici, on a plutôt l’impression que ce petit coin du monde en est resté au moyen-âge ou à l’inquisition. Aaron, très respecté de sa communauté, tout comme sa femme et ses enfants s’accommodent fort bien de cette harmonie arbitrée par l’école talmudique, les prières, le rabbin.
Jusqu’à ce jour de pluie où Ezri vient s’abriter dans la boucherie d’Aaron. Difficile pour ce dernier (et on le comprend…) de résister à ce jeune étudiant, un peu triste et perdu, si seul et si beau. Du jour au lendemain, Aaron va voir avec effarement son monde de certitudes, de croyances et de convictions infaillibles se fissurer jusqu’à s’effondrer. Lors d’une étreinte avec Ezri, il murmurera « comment en suis-je arrivé là ? ». Mais aussi, il découvrira des sensations et des sentiments qui lui étaient inconnus. « Avec lui, je vis » dira t’il au rabbin venu lui demander pourquoi il est si difficile de se séparer du jeune homme.
Car évidemment les amours d’Aaron et Ezri ne sont pas concevables. Pire encore, dans cette religion, l’homosexualité n’existe pas, il n’y a ni place ni discussion possible sur ce point.
Parcouru de scènes d’une beauté et d’une profondeur insensées, étouffé par une musique lancinante qui laisse présager le drame à chaque instant, ce film met en évidence avec subtilité une facette des ravages de l’intégrisme religieux capable de salir la pureté de sentiments qui le dépasse.
Comment l’aveuglement, l’intolérance et la bêtise peuvent (tenter de) détruire des êtres.
Comment les textes religieux peuvent donner lieu à des interprétations qui affirment tout et appliquent le contraire. A cet égard d'ailleurs, le titre français est (pour une fois) pas mal choisi, même si le titre original "Eyes wide open" donnait le vertige également.
Le réalisateur ne cherche pas à séduire le spectateur avec une romance édulcorée et c’est plus dans les regards et l’urgence que dans les discours que tout se joue. Il n’élude pas non plus la scène difficile où les deux hommes s’embrassent pour la première fois. Elle est très belle, brutale et douce. Et ce qui est encore plus beau c’est l’étincelle que l’on voit s’allumer dans l’œil jusque là éteint d’Aaron. Ezri va même l’apprendre à sourire. Et c’est sublime, tout simplement.
Mais les deux hommes surveillés en permanence (la beauté d'un plan fugace où l'on voit dans le reflet d'un autobus qui passe qu'un groupe les observe est sidérante...), harcelés, menacés, ils vont devoir choisir.
Le dernier plan fixe, long, insistant laisse le spectateur face lui aussi à un choix. Douloureux de toute façon, mais beau.
S’agit-il de renoncement, de sacrifice, d’altruisme ?
Commentaires
Un bon film assurément, très bien joué. J'en suis ressortie avec presque la même impression que pour Kaddosh, l'étouffement total. Je n'étais pas dans un état d'esprit à apprécier pleinement un film aussi sombre, mais il frappe fort c'est sûr. Je me demande comment il est reçu en Israël.
Ce n'est pas franchement guilleret il est vrai mais il y a un peu de lumière quand même...
Un film que j'ai beaucoup aimé. Et si je n'ai pourtant pas été submergée par l'émotion, j'ai toutefois ressenti bcp de compassion pour Aaron. Quand au contexte dans lequel se passe cette intrigue, je l'ai trouvé très intéressant, donnant envie d'en savoir plus sur cette communauté.
J'imagine que la sobriété doit être voulue par le réalisateur.
Moi la religion me fait vraiment très peur.
Le suspense à la fin ....
ATTENTION QUE CE QUI NONT PAS VU LE FILM NE LISENT PAS LA SUITE
J'ai cru que la petite aller se faire déchiqueter par une moissoneuse batteuse
voilà tout ça pour ça