L’affaire Farewell de Christian Carion ***
Dans les années 80 les blocs de l’Est et de l’Ouest étaient en pleine guerre… froide ! Un colonel du KGB qui ne croit plus au communisme tel qu’il est pratiqué dans son pays décide de faire passer des documents et informations confidentiels aux services secrets occidentaux. Il y parvient par l’intermédiaire d’un jeune ingénieur français qui travaille à Moscou. C’est cette « affaire » qui est à l’origine de l’affaiblissement du régime soviétique, de la fin de cette guerre froide et finalement de la chute du mur de Berlin.
Christian Carion aime que la petite histoire rejoigne la grande et il réussit après « Joyeux Noël » à nous conter un des évènements les plus marquants du XXème siècle par le biais de faits totalement inconnus du grand public.
Des faits d’espionnage on ne connaît que ceux de James Bond. Ici, rien n’est spectaculaire et les protagonistes très humains ont une vie, une famille à protéger, des sentiments et même beaucoup d’estime l’un pour l’autre. En nous montrant ces hommes très ordinaires immergés dans l’histoire du monde, le réalisateur choisit une atmosphère froide et brutale qui peut surprendre mais finalement tout est beaucoup plus réaliste. Pas d’action donc, mais une ambiance de complot, de méfiance, de doute, de suspicion, de danger et de peur.
Guillaume Canet est l’ingénieur français sans histoire entraîné malgré lui dans cette histoire insensée et d’abord utilisé à son insu. Toujours conscient des risques qu’il prend il est constamment inquiet et tendu. Partagé entre le désir de protéger sa femme et donc de lui mentir et séduit par la détermination du colonel russe.
Ce dernier est interprété par Emir Kusturica, crédible dans son désir de sauver ou au moins de changer le monde et touchant de lucidité sacrificielle.
Avec l’insistance à montrer Ronald Reagan comme un ex acteur dépité de n’avoir pas tourné avec John Ford et qui regarde en boucle la scène finale de « L’homme qui tua Liberty Valance », le réalisateur semble nous dire que ceux qui tirent les ficelles ne sont pas toujours les plus compétents pour le faire. On le sait.
Les quelques (trop) rares apparitions de Niels Arestrup en directeur des services secrets français dont Mitterrand doute, rappellent à quel point on a envie de voir et revoir encore cet acteur gigantesque.
Un film d'espionnage à échelle humaine, c'est rare et captivant.
Commentaires
Eh bien moi çà m'a pas du tout captivé, j'ai trouvé çà vieillot, sans suspense, à la limite de l'ennui, en plus j'ai trouvé Kusturica assez peu marquant, avec un accent français pénible et Canet un peu fade, je l'avais bien mieux apprécié dans Espion(s). Une déception donc! Dommage!
Pour Christian Carion cet épisode de la guerre froide, qui figure en bonne place au best-of des histoires d'espionnage, est peut-être le premier coup de tocsin annonciateur de la chute du Mur.
C'est filmé sans esbrouffe, lentement et sûrement, sans courses-poursuites ni effets spéciaux : le réalisateur s'intéresse avant tout à ses deux personnages, à leurs familles, pris dans la tourmente de l'Histoire, cette Histoire que le colonel entendait bien accélérer.
Quelques mots encore d'un poème d'Alfred de Vigny (La mort du loup), auquel dialogues et images du film font de nombreuses références et qui raconte la traque d'un loup resté en arrière pour affronter son destin et les chiens et les fusils des chasseurs, sauvant ainsi sa femelle et surtout ses petits :
[...] Il nous regarde encore, ensuite il se recouche,
Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche,
Et, sans daigner savoir comment il a péri,
Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.
[...] Sans ses deux louveteaux, la belle et sombre veuve
Ne l'eut pas laissé seul subir la grande épreuve;
Mais son devoir était de les sauver, afin
De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim,
A ne jamais entrer dans le pacte des villes,
Que l'homme a fait avec les animaux serviles ...
georges : aïe ! L'accent d'Emir je le trouve délicieux moi !
BMR : oui, c'est exactement ça.
Oui, bien vu BNP.
Le poème donne le ton du film.
Et le lire donne une autre dimension à la scène où Emir est emené attaché sur son fauteuil.