POETRY
de Lee Chang-Dong ***
Mija est une dame de 65 ans charmante, coquette et un peu excentrique. Elle travaille encore (pour obtenir sa retraite à taux plein j'imagine) comme aide ménagère auprès d'un homme hémiplégique qu'elle appelle "Président" qu'elle doit laver, habiller et faire manger. Alors qu'elle consulte pour une douleur à l'épaule, elle révèle au médecin que les mots commencent à lui échapper. Après quelques examens, elle apprend qu'elle est atteinte de la maladie d'Alzheimer. Un peu par hasard, elle s'inscrit à des cours collectifs auprès d'un poète réputé qui devrait lui enseigner l'art d'écrire un poème. Mais ce qui va finalement réellement bouleverser son existense est d'apprendre brutalement que son petit-fils de 15 ans (un abruti de première qui la considère comme son esclave) qui vit avec elle, est responsable avec plusieurs de ses copains de la mort d'une jeune fille de leur âge. La petite s'est suicidée après avoir été violée pendant plusieurs semaines.
Cette femme est bouleversante, parce qu'elle va tenter de continuer à mener sa vie, à faire comme si, à s'appliquer à écrire son poème, à trouver les mots pour le faire alors qu'elle est en train de les perdre. Elle va surtout se mettre à observer son petit fils, ce petit teigneux mal appris à qui le réalisateur n'accordera à aucun moment la moindre circonstance atténuante, en tout cas pas dans son comportement d'irresponsable . Alors qu'elle était jusque là à son service, tolérant TOUT de lui, sa mauvaise humeur constante, son manque total de respect, ses attitudes de petit caïd... elle va essayer, sans un mot, de lui arracher du coeur ou de la tête un semblant d'explication, de remords ou de compassion. Sauf que ce gamin impossible semble être totalement dénué de l'un et de l'autre. Elle ira jusqu'à lui mettre une photo de la gamine morte devant les yeux au petit déjeûner ; ce qui ne le fera pas broncher. Juste un petit mouvement d'agacement peut-être.
Parallèlement à cette horreur, Mija se trouve confrontée à une autre forme de cruauté sans nom. Les pères des enfants responsables des viols et de la mort de la petite vont se réunir à de nombreuses reprises pour parvenir à monnayer un accord avec la mère de la victime pour qu'elle ne porte pas plainte. Pratique qui semble courante dans ce pays ! Que vaut la vie d'une jeune fille ? Pas grand chose, mais c'est évidemment une somme faramineuse pour Mija. Muette, elle assiste aux réunions et ira même très loin pour réunir la somme qui lui est demandée.
La poésie, c'est un peu pour moi comme la religion que j'évoquais l'autre jour, un monde qui m'est totalement étranger. Je ne sais pas bien ce que c'est, ce que ça représente et comment la traduire, l'interpréter et la remarquer. Entendre le professeur de poésie affirmer qu'il suffit de rechercher la beauté dans chaque chose, les regarder VRAIMENT, donc différemment, me laisse une fois de plus très dubitative. Une chose est sûre néanmoins, c'est avec une infinie douceur, beaucoup de recul, d'élipses, une grande finesse que le réalisateur évoque une certaine forme de barbarie qui va se confronter à l'humanité évidente, rayonnante d'une petite dame qu'on remarque à peine. Les choix, les décisions, les actes audacieux et radicaux de Mija nous surprennent jusqu'à la dernière image de la dernière bobine.
Commentaires
On aimerait au minimum lui filer de grandes baffes au sale morveux. Ce qui est très fort c'est montrer une horreur en restant soft et elliptique. J'ai dû me faire expliquer la fin, je n'avais pas saisi le lien entre un arrangement semble-t'il conclu et la dernière scène qui m'a déroutée. Heureusement que j'ai des copines plus fûtées que moi.
Ah oui, tu as dû te dire que ce petit bout de femme n'était pas capable d'aller si loin... deux fois :-)
Quant au(x) morveux, hélas, ils ne comprennent absolument pas l'horreur de ce qu'ils ont accompli et ce n'est pas leurs pères qui vont les y aider. Un d'entre eux dit à un moment "elle était plutôt boulotte et pas terrible la fille en plus"...
Tu as raison, je ne la croyais pas capable de ces actes-là. J'ai écouté une émission avec l'actrice sur France Culture (Projection privée) c'était intéressant. Je crois que c'est Michel Ciment qui disait qu'au final, dans cette société les hommes avaient perdu tout sens moral, alors que Mija l'avait encore. Et l'actrice avait une idée sur son rôle, dans certaines scènes, qui les éclairaient différemment de ce que j'avais vu moi-même. Elle m'a donné envie de revoir le film une seconde fois.
Ben c'est comme partout... les hommes font mal tourner le monde ! Et c'est pas fini.