BULLETIN N° 8 – Lundi 18.10.2010
Aujourd’hui, j’ai fait le boulet bien comme il faut. Je me suis réveillée « oppressée » et ça ne s’est pas arrangé avec le déménagement…
J’ai retrouvé Hervé encore sous l’effet quasi euphorisant des globules rouges perfusés samedi ! On lui a posé la « voie centrale ». Il a eu mal, mais une demi-heure plus tard il avait retrouvé le sourire. On lui a transfusé des plaquettes. Il était un peu angoissé à l’idée de refaire une réaction violente comme l’autre jour. Mais tout s’est bien passé, c’est un warrior. Ensuite, ils sont venus lui faire une radio pour s’assurer que la voie centrale était bien posée. Elle l’est !
Et puis, tout à coup, branle-bas de combat… Il a fallu tout remballer. Ils ont mis Hervé dans un fauteuil, on a traversé le long couloir et on s’est retrouvé devant la porte où il y a un gros sens interdit. On nous a dit de nous embrasser parce qu’on ne pourrait pas le faire avant un mois. Et tout le monde souriait, sauf nous, parce que eux ils ont l’habitude je les hais et ils n’en ont rien à faire des autres. Après tout qu’est-ce que c’est qu’un mois dans une vie ? Il est parti par un couloir, moi par un autre. On m’a mis dans une blouse qui pourrait en contenir trois comme moi, on m’a mis un bonnet, un masque, des chaussures en papier et des gants et j’ai rejoint Hervé. Sa chambre, c’est un cagibi de deux mètres sur trois. L’air est filtré, tout ce qu’il touche et mange est stérilisé. Il y a un sas avant de parvenir à sa chambre. Ce qui fait qu’il n’y a pas de bruit et qu’on ne voit strictement rien de ce qui se passe dans l’hôpital.
Mais il y a une fenêtre… Il pourra voir l’autoroute, Quick et Buffalo Grill.
Le médecin a dit que les résultats supplémentaires de la ponction étaient arrivés, qu’il y avait bien une anomalie chromosomique mais sans plus de détails. Il a dit que c’était une leucémie « intermédiaire »… c’est-à-dire pas la pire mais pas la mieux non plus. Démerden sie sich.
La chimio commence demain. Il peut d’ici quelque temps avoir des nausées, des vomissements mais c’est pas obligatoire. Il aura de la fièvre et au moins une infection : c’est obligatoire ! Il perdra ses cheveux.
Ils lui ont mis un pyjama bleu trop petit et ça l’a fait rire. Il trouve que c’est seyant, que le bleu lui va bien. C’est pas faux. Il a posé pour que je le prenne en photo avec son nouveau pied à perf, mais je ne trouve plus le câble pour charger les photos sur l’ordinateur.
Ah si je l'ai retrouvé, mais c'est une photo de portable et il y avait une lumière pourrie...
A 18 heures, on lui a amené son plateau repas. Il s’est régalé. Les filles disent qu’il est le seul à dire que la bouffe de l’hôpital est bonne.
Les visites c’est quatre heures par jour, une personne à la fois et pas plus de deux personnes dans la journée. Il faudra qu’on s’en contente.
Quand je suis partie, c’était horrible, comme au premier jour de l’annonce de la maladie. Effondrée j’étais et j’ai raté la sortie d’autoroute et je suis encore allée faire un tour dans ce patelin affreux où j’ai aucune raison d’être mais il faut bien sortir là pour faire demi tour. Je suis rentrée à la maison et j’ai mangé des pâtes.
Je m’excuse auprès de ceux qui appellent, je ne décroche pas. Parler c’est pas possible.
Toutes mes excuses aussi de ne pas répondre à vos commentaires, mais évidemment je lis tout. C'est toujours un soutien incroyable même s'il est de courte durée et je transmets tout à Hervé qui apprécie...
Aujourd’hui j’ai été nulle de chez nulle alors que lui est admirable, drôle, courageux et confiant.
Je vais me ressaisir.
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