Nous avions... enfin Hervé avait rendez-vous à 8 h 30 et comme nous étions un chouya en retard rapport aux intempéries du froid, de la neige, de la glisse et du brouillard réunis, nous avons profité du temps de trajet qui nous rendait le cerveau disponible pour mettre au point une stratégie :

Moi : "je te jette devant la porte et je vais chercher une place dans le parking.

Lui : oui pendant ce temps, je prends mon ticket comme au fromage, je fais la queue leu leu pour les étiquettes...

- yeap, et quand j'arrive tu me donnes le ticket et pendant que j'attends...

- moi je file au rendez-vous. Hiiiii haaaaaaaaa !".

Moi je dis "ça c'est une équipe qui gagne, on la change pas". Tout se passe comme prévu. J'ai MA place préférée dans le parking et je me pointe dans le hall de l'hôpital. Comme d'hab' y'a le grand panneau :

MERCI DE FERMER LA PORTE. MERCI. ET ENCORE MERCI.

AH OUI, AU FAIT ! MERCI DE FERMER LA PORTE.

Et comme d'hab' la porte est grande ouverte et je la ferme. Je sais, c'est pas le quart d'heure, mais si vous saviez comme ça me fout les nerfs en vrac que les gens lisent pas les panneaux !!! Ce qui me fiche encore plus la tremblante du mouton c'est que ça m'étonnerait que chez eux ils laissent la porte grande ouverte... Bref, j'arrête, je vais m'énerver, pour rien. Déjà que je suis pas bien calme comme fille !

Hervé me file le ticket. Il porte le numéro 51 (pas Hervé, le ticket)... et sur le panneau lumineux du fromage c'est écrit 36. Cool, j'en ai pour deux heures à mater leurs tronches de cake (aux gens qui ferment pas les portes) pour avoir ces maudites étiquettes.

Deux minutes après, mon téléphone vibre dans mon sac (je vous parlerais bien des gens qui ont la Chevauchée des Vaches qui Rient avec l'ampli poussé à 12 sur leur portable, ou autre zikmu arènebizante qui me vrillent les nerfs fragiles, mais vous allez dire que je m'enfarge dans les fleurs du tapis !!) et là, devinez ce qu'il me dit Hervé qui m'appelle ???

"- t'sais trop pas quoi, kikoo lol mdr ???

- nan, y'a quoi là ?

- y'a pas besoin d'étiquettes !!!"

Là, j'ai le feu où je pense mais je joue celle qui gère... genre, les étiquettes c'est où ils veulent quand ils veulent.

Bon Hervé vient de me passer dessus... Enfin, façon de parler... il a regardé par dessus mon épaule gauche et a trouvé que je le faisais trop long le compte rendu. Alors bon, c'est lui le patron, je vais essayer d'abréger.

On a attendu dans la salle d'attente du 6ème. Non, c'est plus au 7ème ! On était que nous deux. On voyait des inf' maquillées comme des bagnoles volées qui passaient dans le couloir en promenant des papiers comme elles font toujours. Au bout de trois quart d'heure, y'en a une qui est venue et qui a crié (je précise qu'on était toujours seuls !) : " A QUIIIIIIIIII L'TOUOUOUOUR ???". Là je me suis dit que ce serait vraiment couille, un mec et sa meuf qui auraient chopé une leucémie tous les deux en même temps, mais ça peut exister. ça s'appelle "pas avoir la flouxe" en québécoué ! Bon on est entré dans un bureau où y'avait trois inf' qui s'agitaient dans tous les sens en faisant beaucoup de bruit et beaucoup d'air, mais perso, je trouvais que y'avait rien qui avançait ! Y'a le doc' d'Hervé qui est entré et qui nous a dit "bonjour" et qui a posé un dossier épais comme le rapport de la Commission Warren sur le bureau de la fille qui essayait de trouver "les étiquettes" d'Hervé !!! Elle a rien dit mais on sentait bien que ça lui foutait le bouic sur son burlingue. Après, une docteuse moche et vielle est venue et elle s'est mise à hurler sur le bordel et tout le bazar qu'elle en a marre de tout ça !!! Mais comme personne la regardait, elle a fini par s'arrêter et personne ne s'est senti coupable. Moi, je me suis dit "j'aimerais pas travailler à l'hôpital". La fille elle avait du mal à remettre le dossier d'Hervé dans le bon ordre et elle a dit : "comprenez, moi l'administratif.... hi hi hi... et en plus je travaille à mi-temps"... Moi, j'ouvre mes grands yeux de biche avec l'envie de la choper par les tifs, de lui foutre le nez dans ses fafouilles et de lui dire "fais ton boulot ma fille, le reste on s'en cogne... ta vie... tout ça va chier". Mais je me retiens, Hervé n'aime pas quand je fais ça. Quand je dis aux gens ce que je pense d'eux. Une fois il m'a dit : "un jour je vais être obligé de me battre à cause de toi et j'ai pas envie. Je me suis jamais battu". Alors je me tiens à carreau, mais comme dit le philosophe : "ça ne m'enlève pas ma liberté de penser...".

Bon, faut vraiment que j'écourte. Allez, j'y vais.
On nous a installés dans une piaule qui doit servir de chambre froide ou un truc commass avec une carafe et deux gobelets. Et là, on a recommencé à attendre... Je vous raconte pas le giro que j'ai dû faire pour aller lui chercher une revue et un sudoku parce qu'il va encore dire que je suis hors sujet. Mais le temps que j'y aille et on lui avait posé une perf avec rien dedans... c'est juste pour que ça coule. Cherche pas.

Quand je suis revenue, le toubib est arrivé et nous a expliqué le topo :

- aujourd'hui chimio en perf' + une pikouse,

- demain pareil... Et ensuite deux pikouses par jour par une inf' à domicile. En fait là, on l'attend vu que celle du soir on la fait à la maison. J'espère qu'elle est moche !

Le truc c'est qu'en voyant les résultats de sa dernière prise de sang, le toubib a dit : "impeccable". Et quand on a demandé les résultats du myélogramme il a dit "rémission confirmée". C'est comme ça, il fait pas de phrases et en plus c'est un gros sadique, alors... cette chimio là va durer jusqu'au 6 décembre, mais à la maison (à part demain, essaye de suivre, c'est simple). Ensuite, ça va lui faire tout chuter ses globules et ses plaquettes (à croire que ça les emmerde quand y'en a trop !!!), mais ce ne sera pas une aplasie comme à l'hosto. C'est pourquoi il ne sera pas en chambre stérile mais à la maison. Cela dit question immunité, ce sera zéro plus zéro égale la têtatoto. Donc : GAFFE A TOUT.

Le 14 il retourne à l'hôpital pour sans doute avoir une petite transfusion de plaquettes qui seront au ras des pâquerettes. Il sera faible. Il ne faut pas qu'il ait de fièvre ou d'infection. Il faudra surveiller. Au moindre doute, il faut voir le toubib qui décide s'il y a retour à l'hôpital ou pas !

Et si tout se passe bien, il n'y aura retour à l'hosto en secteur stérile que début janvier. Pour mon anniversaire, ce serait cool.

Voilà, les niouzes. Je vous tiendrai au jus.
Sinon, nous, ça va. On s'aime.

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On a fait des photos.

Ils avaient oublié de chauffer cette chambre là précisément. Moi ça ne me dérange pas, j'ai toujours mes vapeurs. Mais depuis qu'il est malade, mon Chou a froid partout. Je vous dis pas le nombre d'épaisseurs qu'il a sur lui. Non, je vous le dis pas.

Pour se réchauffer il a voulu jouer à cache cache avec les infirmières... mais là, elles l'ont joué genre "j'ai pas que ça à faire" !!! 

ça me faisait de la peine de le voir jouer à cache cache tout seul comme un con ça, mais j'ai rien dit.