UNE SEPARATION de Asghar Farhadi *****
Simin et Nader ont décidé de se séparer. Surtout Simin qui a bataillé pendant 18 mois pour obtenir un visa dans l'intention de quitter l'Iran avec sa famille. Elle veut un avenir différent pour sa fille de 11 ans Termeh. Le juge aux affaires matrimoniales s'étonne « vous trouvez qu'il y a des problèmes dans notre pays que vous souhaitiez le quitter ? ». Dès lors un étrange malaise s'installe bien que les raisons de l'envie de partir de Simin ne seront jamais exprimées. De toute façon Nader n'a aucune envie de quitter l'Iran car son père atteint de la maladie d'Alzheimer a besoin de lui. Termeh, studieuse et sage non plus ne souhaite pas partir. Comme tous les enfants du monde elle veut que ses parents restent ensemble et lorsqu'ils sortent du tribunal, la petite choisit de rester avec son père. Simin retourne vivre chez ses parents tandis que Nader reste dans l'appartement avec sa fille et son père. Pour veiller sur le vieil homme pendant qu'il est au travail Nader engage une aide à domicile, Razieh. La jeune femme très pieuse et enceinte porte le nikab. Elle a caché à son mari dépressif, au chômage et couvert de dettes qu'elle allait travailler chez un homme seul, ce que la religion interdit. A partir de ce mensonge qui aurait pu rester anodin tant qu'il n'est pas découvert, toute une succession d'événements va survenir mettant chacun des protagonistes dans des situations de plus en plus délicates les forçant à découvrir peu à peu leurs zones d'ombre.
Difficile de résumer ce foisonnant drame qui vous saisit dès la première scène et ne vous lâche plus un instant jusqu'au dernier mot du générique où l'on attend encore d'obtenir la réponse à une question... Le paragraphe précédent n'est en effet que le départ de toute une succession de faits, d'épreuves et de circonstances qui vont s'enchaîner comme si un implacable engrenage s'était emparé des moindres faits et gestes de ces personnages pour les broyer et les mener au(x) drame(s). Le film s'ouvre sur une scène de tribunal où le couple, face caméra, tente de convaincre le juge de leur accorder le divorce. Ce n'est pas simple puisqu'ils sont à Téhéran, que le divorce n'est envisageable qu'en cas de consentement mutuel et que bien que la séparation sera finalement consommée, une femme ne peut en prendre seule la décision. La suite, de plus en plus oppressante va découler des agissements de Razieh dont les mensonges vont contraindre d'autres personnes à mentir au point de mettre en péril la vie et l'avenir de deux familles.
Doté de mille prouesses, le film semble s'enrichir à mesure qu'on avance dans les intrigues qui s'imbriquent les unes aux autres de façon implacable. Les situations deviennent peu à peu aussi complexes que les personnages qui les vivent et les provoquent. C'est rien de dire que tous les héros de ce film sont loin d'être monolithiques, et chacun à leur tour se révéle victime, on n'en doute pas, puis brusquement antipathique et "coupable" on en est sûr aussi. Assurément le mot manicchéen ne fait pas partie du vocabulaire du réalisateur tant il soumet ses personnages (et les spectateurs) à toutes les ambiguités, contradictions et dualités qui composent un être humain. Cramponner au fauteuil le spectateur qui n'en sait parfois pas plus que certains personnages se met à douter, à changer d'avis, à croire l'un puis l'autre et se tromper, plusieurs fois. Construit de façon absolument prodigieuse et offrant des rôles complexes et profonds à ses acteurs, le film chemine de façon inéluctable et impitoyable vers le dénouement et les révélations.
Farahdi parle de son pays, du couple, de la façon qu'ont les parents d'ici comme d'ailleurs de mettre leur enfant au milieu de leur conflit, de justice, de religion, de tradition, de dévouement, de la famille. C'est foisonnant, passionnant, palpitant. On ne sait jamais où l'on va, mais on y va. On suit avec angoisse, le coeur battant tous les personnages qu'on prend le temps d'approuver puis l'instant d'après trouver qu'ils ont tort même et sans doute surtout parce qu'ils nous étonnent d'avoir tant de bonnes raisons de faire ce qu'ils font. Jamais on ne les juge. On prend leur parti successivement ce qui est un autre tour de force de ce film gigantesque et impressionnant qui offre la possiblité de mille questionnements et notamment celui-ci : "qu'aurions-nous fait à leur place ?". Evidemment vous ne raterez ce film sous aucun prétexte.
Ah oui les acteurs sont PRODIGIEUX !
Commentaires
J’y suis allée hier soir avec mon mari - Oui j ai bien aimé ce film mais surtout la deuxième partie
En effet j ai mis un peu de temps à rentrer dedans (désolée de modérer un peu ton enthousiasme)
Sinon je garderai de ce film le regard des 2 enfants
Je trouve que ce regard nous en apprend beaucoup
Bref il peut se voir sous l angle religieux (poids de la religion en iran etc) mais aussi sous l’angle pyschologique des personnages
Et cette situation pourrait se retrouver en France
Je retiens
Quelle responsabilité nous les grands avons sur nos petits
Qu il est difficile de se comprendre entre adultes
Rien n est jamais tranché et les difficultés que nous rencontrons sont souvent dues à des malentendus
Parlons nous du moins essayons de nous parler franchement
Ce film a le mérite de nous faire réfléchir et du coup d’échanger et ça c’est déjà énorme
Perso je trouve que l'aide soignante joue de manière extraordinairement Vraie
Ce film est un vrai choc pour moi.
L'histoire, le contexte, la montée en puissance...
et les acteurs absolument fabuleux !
Film absolument magnifique.
Pater arrive aussi bientôt. L'extase !!!
T'embrasse fort,
Benoit
J'attends l'extase !
Un film qui parle effectivement de l'honnêteté et du mensonge, de l'impossibilité de parler et de ne pas mentir quand la société dans laquelle on vit impose déjà le mensonge au quotidien. La toute petite fille, elle, m'a fait flipper. l'ado semble s'en être sortie un peu mieux, bien qu'elle apprenne qu'on peut mentir par amour, et qu'elle soit coincée comme tu le dis dans le déchirement de ses parents, mais l'autre est une victime de l'obscurantisme, dont l'honnêteté sera inéluctablement broyée, comme l'a été celle de sa mère.
Un peu de lenteur au début pour se rappeler qu'on n'est pas dans une salle à pop corn, mais moi, cette lenteur m'a fait du bien.
Ah et justement ce matin, j'ai entendu une partie d'interview de Cavalier et Lindon sur Pater, et ça donne envie.
Oui pour moi un GRAND film.
Et j'attends le Pater de Cavalier ! J'espère en présence de Cavalier himself !
Quel film, une vrai lecon de cinema. Tout est parfait, rien à changer, scénario, mise en scéne, interprétation.. un film sans musique qui ne joue jamais sur la pathos. Et surtout qui fait penser, réfléchir, on essaie de trouver des solutions devant le spectacle , l'engrenage auquel on assiste. Merci pour les places Pascale. Pour moi pour l'instant le meilleur film de l'année. Du coup je vais aller voir LA FETE DU FEU du même metteur en scène qui vient de ressortir...
Oui un des GRANDS films de l'année. Ravie pour toi.
rien d'autre à ajouter, les personnages sont tous aussi attachants les uns que les autres, on les regarde, navré, s'enferrer dans leurs mensonges ou leurs contradictions, on voudrait qu'ils s'en sortent mais pas aux détriments de leurs "ennemis", pour qui on éprouve aussi de la compassion...très beau film, vraiment subtil.
Exact il n'y a pas les bons et les méchants... que des gens qui ont des raisons...