HORS SATAN de Bruno Dumont **
Un étrange vagabond a élu domicile au milieu des dunes et des marais de la (divine) Côte d'Opale. Il vivote des bienfaits de la population locale constituée de rares habitants plutôt bruts de décroffrage à qui il rend quelques menus services d'exorcisme et démaraboutage ! Il est aussi et surtout l'ange gardien d'une fille du coin qu'il vaut mieux ne pas malmener car le gars se fâche tout rouge. Le beau-père de la petite qui abuse d'elle en fera les frais. La fille aime beaucoup le garçon. Elle l'a dans la peau même et aimerait aller loin, très loin avec lui. Mais tout ce qu'elle obtient est de pouvoir poser parfois sa tête sur son épaule. Lui ne se détourne pas de sa mission : la protéger. De toute façon, lorsqu'il cède aux avances d'une auto stoppeuse pas farouche qui lui annonce "t'sais qu't'es un beau tiot toi, tu peux me baiser" (accent chti à couper au couteau inside !), le garçon s'exécute mais transforme la libidineuse en épileptique bavante ! Et comme "rien ne se perd... tout se transforme", il récupère le mucus goulûment, entre autre originalité...
On le savait, Bruno Dumont ne fait pas un cinéma facile, accessible et aimable. Mais cette fois malgré de grands et beaux moments de beauté fulgurante, il a quand même un peu tendance à oublier le spectateur à l'entrée du bocage. C'est étrange d'ailleurs à quel point ce film peut se montrer à la fois complexe, abstrait, quasi hermétique et absolument prévisible. A un acte de pure sorcellerie près, aucune surprise quant au dénouement. Il est regrettable qu'une fois de plus néanmoins Bruno Dumont présente le Pas-De-Calais comme une sorte de no man's land oublié du reste du monde où ne subsistent que quelques rares arriérés hallucinés, bas du bulbe que n'aurait sûrement pas reniés le John Boorman de Delivrance.
Outre le bel ouvrage de David Dewaele et Alexandra Lematre, et on notera que la constante chez Bruno Dumont est d'obtenir de ses acteurs qu'ils s'abandonnent totalement au film, au rôle, au réalisateur, saluons la grande qualité du son. Sans une note de musique, le réalisateur nous fait percevoir chaque souffle de vent, chaque respiration. Et les images de la campagne et des bords de mer sont sublimes.
Mais un film aussi contemplatif, aussi sérieux laisse quelque peu perplexe !