L'EXERCICE DE L'ETAT de Pierre Schoeller ****
Quelques jours dans la vie du Ministre des Transports (Olivier Gourmet, très ministre des transports...) et de son directeur de cabinet, homme de l'ombre indispensable et insaisissable (Michel Blanc : indispensable et insaisissable). Le sujet n'a rien de glamour et cependant ce film est passionnant de bout en bout. Je crois que jamais je n'avais vu si bien, si intelligemment et si précisément relaté le mystère que dissimule le quotidien de nos hommes politiques. Pas de grandes révélations ici mais la surprise de découvrir le "travail" au jour le jour. Les traîtrises, les manipulations et surtout la frénésie d'avoir à traiter mille "dossiers" simultanément. Pour la première fois, j'ai ressenti réellement de la sympathie vis-à-vis de ces hommes qui sacrifient leur vie privée. Mais ma compassion et ma sympathie se sont vite apaisées puisque la plupart du temps il s'agit surtout d'assouvir leur goût et leur soif de pouvoir. Passionnant quand même, vraiment. Et sans temps mort, pas de "gras" non plus (contrairement au film vu hier) avec des scènes inutiles, maladroites ou pataudes qui s'attardent et s'éternisent. Tout ici trouve sa place.
Cela commence par une scène très Eyes Wide Shutienne dont je ne vous dirai rien et qui frappe avant tout par les sons, les bruits et la musique. Rapidement, on découvre un ministre des transports insomniaque dont les rêves confondent sexe et politique. Encore ??? et non finalement, ouf, il ne sera pas question ici des égarements sous la ceinture des hommes politiques friands de stagiaires ou femmes de chambre. Il s'agit d'un type plutôt énigmatique, d'ailleurs sa conseillère en communication (Zabou Breitman enfin très bien !) lui dit "tu es flou, tu n'as pas d'histoire", qui n'hésite pas à mouiller la chemise et affronter des travailleurs grévistes en colère, même s'il craint pour son beau costume. Un homme qui a des convictions, des certitudes et quelques opinions : "non, je ne serai pas l'homme de la privatisation des gares" et qui finira par être rattrapé en quelques jours par la machine à broyer du pouvoir et qui comprend vite que pour conserver son poste il faut se résoudre à toutes les compromissions, quitte à renier ses idéaux. A sa femme il dira : "tu ne m'aimerais pas si tu me connaissais". Cette réplique fait froid dans le dos. Le personnage de ce ministre interprété avec une intelligence et un brio fous par Olivier Gourmet (ô César !!!) semble être tour à tour pantin manipulé et victime consentante.
Un autre tour de force de ce film est de brouiller quelques pistes. Tantôt on se croit dans un gouvernement de gauche, tantôt de droite. Le Président est appelé "le Père" et c'est lui qui au final décide de tout et du sort de chacun sans qu'aucune contradiction ne lui soit opposée : "Gilles n'est pas dans la liste, ce n'est pas un oubli, on veut du sang neuf...". Pfiou. Vous verrez, ça fait mal !
Une scène chez le chauffeur personnel du ministre des transports, chômeur de longue durée à qui l'on octroie un stage qu'il paiera très très cher... est un sommet remarquable qui symbolise la rencontre entre la France d'en bas (les travailleurs) et le ministre qui a le pouvoir mais qui connaît peu la réalité. C'est une infirmière qui exprime sa colère, le manque de moyens dans les hôpitaux, mais ça aurait tout aussi bien pu être une prof ou une "hôtesse de caisse", à un ministre goguenard parce qu'éméché. La conclusion est simple, brutale et réaliste : "aujourd'hui vous êtes Ministre des Transports, demain vous serez Ministre de la Poste", et le ministre de répondre hilare : "Ministre de la poste ? ça n'existe pas !"
Ne vous laissez pas rebuter par l'affiche, le titre et le thème du film. Je vous garantis deux heures passionnantes, trépidantes, surprenantes avec quelques scènes choc, que vous aurez envie de revivre rapidement en sortant de la salle. Je vous garantis aussi la découverte d'acteurs au sommet : Oliver Gourmet fascinant, pas moins, Michel Blanc surprenant (la scène dans son appartement au son du discours d'André Malraux "eeeeeeeeeennntre iciiiiiiiiiii Jean Mouliiiiiiiiiiin !" est sublime) touchant, à la fois modeste et imposant avec son personnage toujours "droit dans ses bottes", raffiné, efficace, inflexible et Zabou Breitman impressionnante (tous les autres sont très bien aussi).
Courez, pauvres fous !
Commentaires
J'ai entendu le vrai ministre des transports ce matin sur RTL à propos de la grève Air France, inutile de te dire que j'ai bien rigolé ! D'accord dans l'ensemble avec ton billet, la première scène m'a fait peur, je me suis demandée où on s'embarquait. J'ai adoré tout ce qui a trait à la politique et au gouvernement, j'ai été moins convaincue que toi par la scène chez le chauffeur que j'ai trouvée un peu plus fabriquée, comme un passage obliglé, mais c'est peu de chose dans l'ensemble. Le vrai personnage mystérieux et le plus intéressant du film, c'est Michel Blanc. Ah, la dernière image !!
Oui la scène chez le chauffeur fait un peu "parachutée" mais elle est bien amenée. Preuve que ces gens se croient tout permis. S'inviter comme ça, quelle horreur ! Et puis l'actrice qui joue le rôle de la femme d'en bas est vraiment bien.
Quant à Michel Blanc : quelle classe, quelle humilité !
Bonjour, le role de la femme du chauffeur est interprété par anne azoulay. Elle était déjà très bien dans un film sorti cette été Léa - l histoire d une femme qui perd pied en montant sur Paris pour ses études - à voir si tu l as pas vu
Sinon l exercice de l Etat est génial, très maitrisé, pas du tout ennuyeux et qui en dit tellement sur les politiques venus servir la nation et qui se retrouvent en fin de compte uniquement à gérer leur carrière
Sinon moi j ai adoré l interprétation de didier bezace et son discours sur la France qui n est pas réformable
Ca fait du bien de voir un film qui prend pas le spectateur pour une truffe... dans le registre film politique j ai jamais vu mieux pour un film francais
C'est noté sur mes tablettes
Sopel : je suis entièrement d'accord et j'ai trouvé Bezace excellent, même si je n'ai pas tout compris ce qu'il disait.
Fred : t'as des tablettes toi ?
Avant de retourner le voir je voulais lire si des trucs m'avaient échapé.
Tu connais des enseignantes qui ont envie de râler toi?
Je ne connais QUE des enseignantes qui râlent.
TOUTES les enseignantes que je connais râlent...
Enfin, tu vois le genre quoi !
une petite baisse de rythme dans la seconde partie, mais un film totalement indispensable (tout comme Michel Blanc... jusqu'à la toute dernière scène fabuleuse)
Il est très étonnant en effet.
J'ai pas senti la baisse de rythme.
je suis allée le voir hier soir
dans le meme registre j avais préféré le président avec podalydes
michel blanc magistral
quelques longueurs ... répétitions ... la scène de la caravane et de la bétonnière bof ... les morceaux de bras sur la route bof ... le profil du chauffeur à un tel poste bof pas très crédibles
mais dans l'ensemble j ai bien aimé ce film - tt cela on s en doutait l ambition personnelle le pouvoir les apparences (la couleur de la cravate etc) qui priment sur tt le reste de la vraie vie ... et les hommes de l'ombre ceux qui font le boulot ben c'est des citrons qu on presse et puis qu on jette
zabou breitman tt simplement je l adore
dis donc elle s'en est bien sortie de l'accident elle hein ? pas une égratignure ... oui je sais je chipote ...
bon dimanche Pascale et merci pour ton partage
Toutes les scènes que tu trouves "bof", je les ai aimées. Je trouve qu'il n'y a rien de superflu dans ce film.
Je me suis fait la même réflexion que toi pour Zabou (que d'habitude je n'aime pas trop mais qui est formidable ici)... mais comme je l'ai vu deux fois (le film), la seconde fois j'ai vu que Zabou n'est pas dans la voiture !
re-coucou Pascale
bon je comprends mieux qu elle s en ait bien tiré alors !
on était 4 hier soir, une à dire elle n'était pas ds la voiture, 3 à dire mais si elle était ds la voiture
j ai donc raté un épisode
je t assure que j y suis allée avec un esprit très très positif vu que ce film est encensé par la presse
c est le pb des films pour lesquels on attend trop de chez trop
on ressort avec une pointe de déception
re-bon dimanche Pascale
C'est sûr et certain, elle n'est pas dans la voiture.
Elle y est dans la scène précédente, mais là, non, il décide de partir avec les deux gars.
Ce film a l'air très intéressant et bien vendu !
J'irai le voir à coup sûr
J'avais déjà beaucoup aimé la conquête et celui-ci semble mgistral
oui, merci de m'envoyer un chèque !
Un très bon film, qui ne devrait plus tarder à sortir en DVD (à défaut de passer à la télé?).
Plusieurs mois après (l'avoir vu), je reste sceptique sur le fait qu'il ne soit pas possible de détecter la "couleur" du gouvernement...
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
Oui, je pense qu'il finit par pencher dangeureusement à droite...
alors qu'au début on pensait que c'était un VRAI mec de gauche.
C'est ça ? :-)