LES GEANTS de Bouli Lanners ****
Zak 13 ans 3/4 et Seth 15 ans tout juste passent l'été seuls dans la maison de campagne de papy qui est mort l'an dernier pendant que papa et maman travaillent au loin ! Il faut admettre d'emblée cet étrange postulat de départ pour entrer, voire plonger dans ce film qui se révèle à la fois conte horrifique et voyage initiatique presqu'immobile vers l'âge adulte. Les deux garçons s'ennuient ferme et la découverte d'une arme et des munitions qui vont avec, laissent augurer du pire. Mais rien ici ne se passe comme on pourrait l'attendre. Zak et Seth sont bientôt rejoints par Danny, ado tout aussi délaissé qu'eux qui présente la particularité d'être régulièrement battu comme plâtre par son crétin de frère, un toxico psychopathe halluciné. On ose à peine appeler ces trois anges des "enfants" tant ce qu'ils vont vivre pendant cet été de transition est constamment à la limite de virer au cauchemar. Avec toute l'innocence et l'inconscience de ce qu'il leur reste d'enfance justement, ils vont néanmoins avancer, glisser vers un avenir incertain.
Zak, Seth et Danny sont comme trois petits poucets délaissés, rejetés et oubliés en pleine forêt. A l'instar de ces enfants en danger dans les contes, les trois amis soudés, astucieux traversent les épreuves et ne se laissent pas démonter par l'adversité. C'est grâce à la légèreté que leur jeune âge leur permet encore, qu'ils vont surmonter les épreuves et réussir à dépasser quelques moments de fatigue et de découragement. Désespérer entre autre de l'humanité est le moins qu'ils puissent d'ailleurs ressentir. Dans une nature peuplée de rares autochtones qui m'obligent une nouvelle fois à faire référence au "Délivrance" de John Boorman, la splendeur de l'environnement sera à nouveau l'antithèse exacte de l'abomination humaine. Dans le monde de Bouli Lanners seuls sont beaux, purs et aimables, les enfants et la nature. Tous les adultes rencontrés ici sont des monstres de laideur, de bêtise et de méchanceté. De vrais crétins, des animaux abjects exclusivement préoccupés par la seule satisfaction de leurs plus bas instincts. Une sorte de fée (Marthe Keller tout en douceur) vivant cachée derrière de hautes haies offrira aux égarés à deux reprises refuge dans tous les sens du terme.
Malgré tout, on peut rire franchement à plusieurs reprises car ces gamins parfois tristes, effrayés, découragés font preuve de la puérilité et de l'imagination tellement évidentes à leur âge. C'est ainsi qu'on pourra avec eux contrarier l'adversité et hurler des gros mots de plus en plus fort une nuit autour d'un feu de camp, manger une pizza à l'harissa dans l'espoir d'effets voluptueux, se teindre les cheveux, courir avec des talons...
A des années lumière du cinéma épileptique tonitruant qui balance des images saccadées sur des musiques assommantes, Bouli Lanners choisit de poser sa caméra caressante dans des paysages renversants de beauté et de filmer en scope l'épopée de trois gamins attachants comme rarement. A l'opposé exact de ce genre de lardon, les trois enfants ici, Zacharie Chasseriaud, Martin Nissen et Paul Bartel (II) en plus d'être très beaux sont des acteurs époustouflants.
Et au milieu de ce film coule une rivière...
Commentaires
Ou comment voir la vie en rose :)
par exemple !
Un film que j'ai bien aimé, mais que j'ai trouvé très âpre, très noir. Il y a ce personnage de fée, mais je suis sorti avec un sentiment d'impuissance. Une sorte de mélange entre Dardenne et Dumont, avec des plans naturalistes à la Mallick ou à la Redford. Un film saisissant, pas très agréable, mais puissant.
Y'a de tout ça... mais EN PLUS la grâce des trois ptits chéris ! Et un humour qu'il n'y jamais chez Dumont et Malick rarement chez Dardenne !
Ok pour les trois jeunes acteurs, excellents. Sur l'humour, je suis plus réservé : j'ai plus ri jaune face à l'accumulation de leurs malheurs que trouvé cela très drôle. La scène avec la harissa, par exemple, peut être drôle pour certains, mais je l'ai trouvé assez pathétique, avec ces gamins paumés. De l'humour, oui, mais qui pour moi ajoute à l’âpreté du film. Même si, je te l'accorde, il fait parfois naître le sourire (ce qu n’existe pas chez Dumont ou les Dardenne)
Je dis pas qu'on rigole à gorge d'employé... mais les personnages parviennent à être drôles alors que ceux des précités... oulala !