LOUISE WIMMER de Cyril Mennegun ****
Louise approche de la cinquantaine, elle a un boulot, quelques potes, une fille et malgré une apparence de vie ordinaire, elle a amorcé une dégringolade qui ne prendra fin que si elle trouve un logement. Depuis 6 mois, elle dort dans sa voiture et ses nombreuses convocations auprès des services sociaux, ne lui permettent d'obtenir que cette réponse douteuse "il y a des cas plus urgents que le vôtre", quand elle ne se voit pas opposer un cinglant "soyez moins arrogante !" Là, exceptionnellement, Louise s'autorise à craquer un peu "je ne suis pas arrogante, je n'en peux plus". Il faut dire que cette grande gigue n'a rien de la petite Cosette tremblante qu'on a envie de protéger et qu'elle met un point d'honneur, comme un dernier rempart à sa chute définitive, à ne demander l'aide de quiconque. Personne ne sait qu'elle est sans logement, sans abri, SDF, ni sa collègue, ni son patron, ses rares copains, la patronne du bistrot qui lui fait crédit, sa fille et l'homme qu'elle retrouve parfois juste pour faire l'amour et qu'elle somme de ne pas parler sous peine de tout gâcher. Louise ne parle pas, ne veut pas parler, elle aime danser et elle agit, et si elle pleure c'est seule, réfugiée dans sa grande voiture, dernière possession qu'elle ne peut perdre sous peine de sombrer irrémédiablement.
C'est dire si on tremble pour Louise qui doit des sommes indécentes pour quelqu'un qui n'a plus rien que "quelques fringues qui se battent en duel" à l'huissier qui les réclame sans émotion, tout comme on craint le pire et on s'affolle lorsque sa voiture tombe en panne alors que son patron ne tolère pas une minute de retard, ou lorsque deux types qui n'ont pas vu qu'elle dormait à l'intérieur s'appuient sur la voiture. Et bien qu'elle ne soit pas d'emblée aimable de par son attitude revêche et son abord peu engageant, en suivant cette fille fière, sauvage, on la découvre, on fait sa connaissance et on se met à l'aimer et à vouloir qu'elle s'en sorte coûte que coûte.
Venu du documentaire, le réalisateur propose donc pour ce premier film totalement réussi et abouti un cinéma ancré dans le social. Même s'il ne les revendique pas, lors du débat qui suivait la projection (un des plus enthousiasmant, détendu et drôle que j'ai vécu) il évoque néanmoins Mike Leigh et Ken Loach. Il ne s'embarrasse d'aucune fioriture, ni de barratin inutile, les images suffisent, parlent et racontent tout le poids de la détresse qui accable Louise qui pourtant ne courbe pas l'échine ni ne baisse les yeux. C'est aussi dans les détails que Cyril Mennegun frappe juste. Comment rester digne, rester propre, manger à sa faim quand on n'a rien que quelques euros à la fois ? Toutes ces "petites choses" qui paraissent évidentes quand on a la possibilité de les accomplir. Et sa Louise déborde d'imagination pour réussir à se laver, à faire un repas ou se procurer quelques litres d'essence.
A une époque où chacun redoute de tout perdre et où le spectre de la pauvreté plane, il est facile d'entrer en empathie avec Louise voire de s'identifier à ce personnage. Comment ferions-nous, comment réagirions-nous si cela nous arrivait ? Comment une HLM perchée au 15ème étage d'une tour de béton peut devenir le rêve ultime de renaissance et permettre à une femme de lever un visage radieux vers le haut ? Cyril Mennegun le dit "ce qui persiste de beau dans ces quartiers, ce sont les personnes qui y vivent". On le sent sincère et concerné lorsqu'il le dit.
Commentaires
Par certains côtés, ce film m'a rappelé sans toit ni loi d'Agnès Varda, le même réalisme, la même dureté de la société montrée sans fioritures. Et l'actrice est super crédible, elle porte l'histoire sur ses épaules avec un sacré talent. J'aurais aimé en savoir plus sur ce qui l'a amenée là, et puis non .. le principal c'est de voir ce qu'elle met en oeuvre pour ne pas sombrer complètement.
Je pense que le fait d'avoir quitté son mari et ne plus rien vouloir avoir affaire avec lui a dû précipiter la chute !
j en sors - est ce film m a réellement touché et je dirais qu il super super super bien interprété
qu on rentre dans le film qu on ne s ennuit pas une seconde et qu on est tellement tellement content qu elle s en sorte
ah ce rayon de soleil sur son visage lorsqu elle roule vers son "chez elle"
ah malheureuse, il ne faut pas "spoiler" même dans les commentaires !
Ok Pascale
Tes **** sont largement méritées... Ce film est beau, dramatiquement beau je dirais même... Et, tellement vrai, malheureusement ancré dans la réalité (j'ai eu un collègue dans ce cas là il y a un peu plus d'un an... et oui, même chez nous qui sommes censés accompagner les "privés d'emplois")... A voir sans hésiter !!!
ça fait très peur !
Un très bon film, avec une actrice exceptionnelle. Pas misérabiliste, il rend toute sa dignité à cette femme battante ! L'un des films de ce début d'année !