TAKE SHELTER de Jeff Nichols **(*)
Curtis semble posséder ce qu'il y a de mieux sur terre. Il est celui dont ses collègues disent "tu as de la chance !" Et effectivement, il a une femme superbe et aimante, une petite fille délicieuse, une jolie et grande maison, un bon boulot, des potes. La seule ombre au tableau pourrait être le handicap de sa fille, sourde et muette, mais sa femme et lui assument tellement et mettent tellement tout en oeuvre pour qu'elle soit une enfant comme les autres que rien ne pourrait assombrir le tableau. D'ailleurs ne sont-ils pas en attente d'ici quelques semaines d'une opération miraculeuse qui va permettre à la petite de se voir poser des prothèses auditives ? Cerise sur le crumble, Curtis a une excellente mutuelle !
Fin de l'histoire ? Que nenni. Brusquement Curtis devient la proie de visions d'apocalypse : une terrible tempête menace la terre. D'épouvantables cauchemars qu'il juge prémonitoires confirment ses hallucinations. Mais Curtis se fout comme de l'an 40 de la fin du monde, ce qui le préoccupe uniquement c'est sa petite famille qu'il veut protéger. Dès lors et jusqu'à l'obsession il se met à aménager l'abri anti-tempête de son jardin, multipliant les dépenses, hypothéquant la maison, contractant un prêt, s'absentant du travail...
"Take shelter" n'était pas loin d'être le grand film qui aurait justifié les termes de "magnifique", "vertigineux", "magistral" lus et entendus un peu partout. J'ai trouvé qu'il ne l'était pas car Jeff Nichols commet de fâcheuses erreurs qui nuisent au climat anxiogène du film qu'il avait pourtant réussi à installer dès les premières images. Dès le premier cauchemar de Curtis et alors que rien ne nous laisse supposer qu'il s'agit d'un cauchemar, le réalisateur nous rassure : ce n'est "qu'un" cauchemar, aussi terrible soit-il. A partir de là, dès que des situations nous paraîtront un tantinet hors normes, l'effet d'angoisse sera largement atténué. La scène où sa femme est seule trempée au milieu d'une pièce avec gros plans insistants sur un grand couteau de cuisine est à ce titre parfaitement ratée et ridicule. Il poussera même la maladresse jusqu'à nous faire sursauter en faisant apparaître des ombres imaginaires donc, devant une porte ou une fenêtre. C'est dommage. Même si on ne doute pas un instant que Curtis devienne de plus en plus dérangé dans sa tête par l'ouragan qui s'y installe, on ne tremble pas comme on aurait dû.
Néanmoins, il reste le traitement souvent original d'un film de fin du monde qui voudrait en général que chacun prenne soin de chacun. Pas de héros qui veut sauver l'humanité et même s'il est seul contre tous à affirmer que la tempête approche, il ne cherche qu'à mettre sa femme et sa fille à l'abri. Pas d'altruisme exacerbé chez Curtis, le sort de ses semblables lui importe peu. L'autre grande particularité est que Curtis ne s'isole pas dans sa "folie". Il reste conscient des changements qui s'opèrent en lui et cherche à les comprendre. Il ne tarde pas à consulter son médecin qui le dirige vers une psychologue. Il rend visite à sa mère enfermée depuis 25 ans dans une unité de soins spécialisés pour schyzophrénie paranoïde (la totale !) et craint l'hérédité de ses troubles. Il finit par en parler à sa femme dont, autre surprise, l'amour et la compréhension sont infaillibles. Et malgré l'énergie qu'il met à s'en sortir, rien ne l'arrête dans l'aménagement de l'abri. On s'affole parfois de constater à quel point la femme de Curtis lui garde sa confiance et continue de lui confier leur petite fille si fragile et cela met heureusement un peu de stress dans une approche parfois trop lisse de ce qui devrait être terrifiant.
MAIS, il reste les acteurs. La désormais parfaite mère américaine est une fois encore ici représentée sous les traits gracieux et doux de l'excellente Jessica Chastain. Et il y a Michaël Shannon, géant paumé et anéanti au visage de plus en plus tourmenté. Il incarne avec une intelligence rare les abîmes de perplexité qui peuvent ravager un homme brusquement rongé par un mal qui le domine et finit par l'envahir. Son impressionnant calme apparent, sa douceur contrôlée, ses larmes de panique, son unique scène de colère qui laisse tout le monde pétrifié sont la pièce maîtresse de ce film qui vaut surtout pour lui.
La tempête extrême va t'elle survenir ou n'est-elle que le fruit de l'aliénation d'un esprit anxieux ? Il faut aller voir le film pour le savoir !
Commentaires
Cà ne me dit rien, mais vraiment rien !
A part l'acteur, y'a pas de quoi s'afoller !
Mais on s'en cogne de savoir si va y avoir apocalypse ou pas, c'est pas ça qui compte ! Damned, Michael ! épouse moi !
t'énerve pas, pense à ta ride du lion !
Qu'elle ait lieu ou pas,
ça a l'air de préoccuper le ptit Jeff non ?
Beaucoup plus intéressant que Snowtown, pour ma part... ou je me suis ennuyé un peu.
Shannon est terrible, j'adore cet acteur... la scène ou il pète les plombs, du grand cinéma !
Take Shelter est mon film de ce début d'année,
Cette semaine : La colline aux coquelicots, et J. Edgar, qui pourrait passer devant.
Ben c'est pas du tout le même thème boubourse !
Pourquoi tu les compares ?
Bon la scène du pétage de plomb est THE SCENE, j'agree.
Mitou, je ne vis plus en attendant Edgar !
je compare pas les 2 films, je compare "comment que j'les ai trouvé et ce qu'ils m'ont apporté", babache.
mais c'est qu'il répondrait l'effronté !
un excellent film de part sa mise en scene, son intelligence, l'interprétation de ses acteurs! Un film long et assez lent, mais utile au final! A voir absolument.
Oui un tantinet TROP long par moments !
J'ai du mal à déterminer si je le préfère à Shotgun Stories, mais c'est du très bon cinéma américain pour commencer l'année.
BEn je ne me pose pas la question vu que Shotgun m'était passé sous le nez... mais ceux qui ont vu les deux, préfèrent le premier il me semble.