UNE BOUTEILLE A LA MER de Thierry Binisti ***
La probabilité qu'un message envoyé dans une bouteille jetée à la mer reçoive une réponse est sans doute bien faible. Et pourtant, Tal adolescente française vivant à Jérusalem avec sa famille a demandé à son frère, militaire dans la bande de Gaza de faire ce geste infiniment romantique de jeter son message dans l'espoir qu'un palestinien lui réponde. Elle veut comprendre pourquoi un café de son quartier vient d'être détruit par un nouvel attentat. Et comme nous sommes au XXIème siècle, Tal a la prudence de noter son adresse mail. Elle reçoit un message bref et ironique signé de "Gazaman" qui lui propose de venir se rendre compte par elle-même de la façon dont les palestiniens fabriquent leurs bombes. Après quelques échanges moqueurs dans lesquels le garçon surnomme la jeune fille "Miss Peace", Tal réussit a faire comprendre à Naïm qu'elle souhaite un véritable dialogue qui s'engage effectivement.
Evoquer le conflit israëlo palestinie, régulièrement dans l'impasse, en se plaçant du point de vue de la jeunesse est judicieux. Cela permet de le faire sans alourdir le propos de considérations politiques trop complexes et qui nous échappent de plus en plus. Tal et Naïm ont la vie devant eux et même s'ils grandissent dans des régions du monde particulièrement agitées, ils sont jeunes et imaginent un monde meilleur où leurs rêves se réaliseraient. Il n'y a que 73 kms entre Gaza et Jésuralem. Mais les deux villes sont séparées par un mur infranchissable et une situation désespérante qui ne trouve pas de solution. Comment une juive et un palestinien vont-ils réussir à s'entendre, se comprendre et s'écouter malgré toutes les horreurs qui les séparent ? Tal a 17 ans, elle refuse de se rendre dans des cafés où des bombes peuvent exploser à tout moment, elle descend parfois rapidement d'un bus parce qu'un homme semble porter un paquet suspect. Naïm a une vingtaine d'années et rêve de faire des études, de partir en France. Il est vite soupçonné de trahison par le Hamas depuis qu'il se rend trop régulièrement dans un cyber café pour écrire des mails, quand il n'est pas terrorisé tout comme sa famille par les bombardements d'une nouvelle guerre en 2008.
C'est avec infiniment de délicatesse et une justesse impressionnante que Thierry Binisti nous fait pénétrer le quotidien de ce garçon et de cette fille que tout devrait opposer mais que leur intelligence et leur sensibilité vont rassembler dans une relation épistolaire captivante. La modernité, la "normalité" de Jérusalem parfois assombries par les attentats, s'opposent constamment à cette prison à ciel ouvert qu'est la Bande de Gaza, territoire de 41 kms de long où s'entassent presque deux millions de palestiniens. L'injustice et l'imbecillité de la situation, la terreur qui règne des deux côtés font que la relation de Naïm et Tal est constamment interrompue puis elle reprend pour s'interrompre à nouveau. Ils se rejettent puis se recontactent, s'inquiètent l'un de l'autre, l'un POUR l'autre, incapables d'interrompre ou de renoncer à leur étrange amitié. L'histoire des deux jeunes gens est ainsi perçue comme l'expression même des relations israélo-palestiniennes. On pourra parler de naïveté ou de superficialité, on peut plutôt y voir un message de paix et d'espoir et une foi absolue en la jeunesse.
Agathe Bonitzer et Mahmoud Shalaby sont parfaits !
Commentaires
Malgré parfois un peu trop de naïveté, j'ai aimé ce film qui montre l'absurdité de la situation et le piège dans lequel ils sont tous enfermés. Et il ne faut pas oublier que le livre dont le film est tiré était destiné aux ados, une petite bouffée d'espoir ne fait pas de mal dans un tel contexte. La jeune actrice est bluffante.
Ce n'est pas trop tôt!!:-) Oui, c'est vrai comme le dit Aifelle, la "naïveté" (encore qu'il n'élude aucun problème) peut aussi s'expliquer par le fait que le livre était destiné à un jeune public et puis au-delà de toutes les qualités du film et du message de paix, c'est aussi une leçon d'Histoire contemporaine...Pour moi, cela reste le meilleur film vu depuis ce début d'année.
Aifelle : oui c'est formidable de montrer la jeunesse sous cet angle plutôt que de nous montrer encore et encore une génération perdue. Même si c'est utopique. Rêvons un peu.
Sandra M. : je fais ce que je peux mais j'ai cédé à tes menaces. Je ne le regrette pas. C'est un beau film.