STARBUCK de Ken Scott ***(*)
A la fin des années 80 au Québec, non pour se faire un peu d'argent de poche mais pour une très jolie cause..., David Wosniak a été donateur très prolifique pour une banque de sperme. Pour chaque don il remportait 35 €uros. Il a complètement oublié cet épisode jusqu'à ce que 20 ans plus tard, un avocat lui annonce que sur ces 600 et quelques offrandes, 533 ont été suivies d'une naissance. Aujourd'hui 130 de ses rejetons se sont associés pour rechercher leur géniteur. David apprend en même temps que son amie est enceinte. Consciente que cet éternel ado est incapable d'élever un enfant, elle entend bien le faire seule. De son côté David fait intervenir son meilleur ami avocat pour que la justice lui reconnaisse le droit de continuer à préserver son anonymat.
Le titre n'a rien à voir avec une certaine marque de breuvage. Il s'agit du nom d'un légendaire taureau canadien à la génétique parfaite qui a révolutionné le monde de l'insémination artificielle. C'est aussi le pseudo choisi par David à chaque fois qu'il a donné son sperme. David n'entend pas donner suite à la requête de sa nombreuse descendance mais la curiosité lui fait ouvrir le dossier contenant la fiche de chacun de ses "enfants". C'est ainsi que l'un après l'autre David va rencontrer, avec un art consommé de la ruse, ces jeunes gens auxquels il va s'attacher au point de devenir pour eux un ange gardien, à défaut d'avoir pu être un père.
Quand on découvre ce genre de pépite improbable on se dit que l'imagination des scénaristes et réalisateurs est un puits sans fond et qu'on peut leur faire confiance pour continuer à nous surprendre. Quelle façon incroyablement insolite de traiter de la paternité ! Car malgré les contours épais mais hilarants de la grosse farce, c'est bien de cela qu'il s'agit. Comment être, devenir, rester père ? Les femmes ou plus exactement les mères sont curieusement absentes, même si dans une scène à la fois cocasse et terriblement réaliste, la future maman fait part de ses angoisses. Pourtant sans elles rien n'est possible, mais sans eux non plus finalement. Et c'est ce qui est bon ici, voir et comprendre comment ces garçons vivent et appréhendent cette paternité qu'ils n'ont pas la possibilité d'expérimenter au même titre qu'une femme, forcément. Un jour la petite bestiole apparaît et ils doivent se déclarer père de cet enfant !
Mais revenons-en à notre David, ce grand gamin mal dégrossi qui se fourvoie dans d'impossibles situations au point de devoir 80 000 dollars à des revendeurs de drogue qui viennent régulièrement lui faire goûter le fond de sa baignoire et le menacer de s'en prendre à sa famille. David comme ses frères travaille dans la boucherie familiale et même si son père lui assène : "tu repousses chaque jour les frontières de l'incompétence", il ne peut qu'ajouter : "malgré ça, on t'aime". Car oui, David est quelqu'un d'aimable, une espèce de gros nounours irrésistible, séduisant, charismatique. Un quarantenaire indécis, insouciant et irresponsable qui provoque les pires situations mais à qui on ne peut jamais en vouloir. Alors évidemment, il y a de bons sentiments, des pleurs, des étreintes mais à aucun moment ce n'est gnangnan. Bien sûr David va se révéler profondément bon, lui qui n'était jusque là qu'égoïsme et légèreté, son coeur va se multiplier au fur et à mesure des rencontres, mais les situations sont réalistes, intelligentes, tendres, émouvantes, fortes ! Et comme tout le monde, le spectateur ne peut que tomber dans le panneau, rire, être ému et finalement céder à David, attachant comme rarement un personnage peut l'être au cinéma.
Patrick Huard est David et c'est une révélation.