SUMMERTIME de Matthew Gordon ***
Surpris en train de voler par le Principal du collège dans le casier d'un élève, Robbie 14 ans ne sera pas dénoncé à condition qu'il remette, à la rentrée, une dissertation dans laquelle il évoquera ses vacances d'été. Robbie n'écrira pas une ligne mais exprimera sa rage en voix off. Il faut dire que Robbie a peu de temps et d'occasion pour écrire. Il vit seul avec sa grand-mère, une très vieille femme réduite à l'état de légume et son tout jeune demi-frère Fess qu'il protège et dont il s'occupe avec tendresse et beaucoup d'attention. Son père, il ne le connaît pas et sa mère est partie soigner son spleen en Californie. Elle envoie des cartes postales dans lesquelles elle promet de revenir. Et ne revient pas. C'est cependant le seul rêve de Robbie, celui d'une vie "normale", en famille. Le frère aîné Lucas, un parasite sans envergure, vient parfois squatter la maison délabrée sans pour autant y amener l'espoir.
L'été est accablant et poisseux dans le Mississippi qui est paraît-il la région la plus pauvre des Etats-Unis. Le rêve américain semble en effet avoir désherté l'endroit, sauf le coeur et la tête de Robbie, solide gaillard de 14 ans toujours à la lisière de la délinquance. Mais il résiste tant bien que mal, parfois aidé à son insu ou à sa surprise par des adultes qui, sans réellement lui venir en aide, ne l'accablent pas ! Tels le Principal du collège, l'obèse shérif qui semble comprendre le désarroi du garçon ou encore les parents d'une copine qui ne porteront pas plainte bien que Robbie lui ait dérobé tout l'argent reçu à son anniversaire. Pour son propre anniversaire Robbie aimerait simplement pouvoir emmener sa grand-mère et son petit frère adorés au restaurant.
Lorsque Lucas le grand frère refait surface, une nouvelle conquête pendue à son bras chaque jour, Robbie croit en une embellie possible. Mais Lucas, branleur patenté annoncera la couleur à son frère : "Il faut que je retrouve mes esprits. Et si tu trouvais un job d'été pendant que je réfléchis ?" Une fois encore, c'est Robbie qui va assurer le quotidien en faisant office d'esclave dans une station-service paumée au milieu de nulle part. Pendant ce temps, Lucas passe ses journées affalé sur le canapé du salon à cuver, et ses nuits à sortir et détrousser de charmantes jeunes femmes pas farouches. Cette situation inadmissible et la façon dont Lucas, erreur suprême, va rejeter Fess leur demi-frère, vont contraindre Robbie à commettre un acte pour le moins surprenant de la part de ce garçon qui semblait jusque là prêt à tout endurer. Et alors que Lucas était jusque là le connard tête à baffes irrécupérable, sa révélation (très belle scène cruelle) d'un déterminisme implacable et inéluctable s'abat comme une nouvelle injustice.
Premier film âpre, tendre et parfois angoissant sur une enfance sacrifiée, ce Summertime est aussi une chronique à la fois douce, triste et amère d'un été après lequel plus rien ne sera comme avant. Et ce malgré les efforts insensés de ce gamin buté (formidable William Ruffin dont c'est le premier rôle), solide et finalement désarmé face au cours inexorable des choses !
Commentaires
Tout arrive, je viens de le voir et j'ai beaucoup aimé. Voilà un film qui ne se la pète pas et qui montre tant de choses sans démonstration. Le gamin est rudement coriace et j'ai aimé la lueur d'espoir de la fin. Aimé aussi les petits moments de contemplation devant la nature, qui équilibre le reste. Réalisateur à suivre ...
Oui tu as tout bon. A suivre de près.