C'EST LE WEEK END IL FAIT FROID IL FAIT MOCHE.
SAUVEZ CE FILM QUI LE MERITE ET QUI VOUS SURPRENDRA JE VOUS LE PROMETS. IL Y A URGENCE. ET SI JE NE PARVIENS PAS A VOUS CONVAINCRE, ECOUTEZ CET ENTRETIEN QUI VOUS FERA CRAQUER (http://www.franceinter.fr/emission-eclectik-jean-pierre-ameris)
Et évitez soigneusement les trois autres dont je parle avant, et ne me remerciez pas des économies de temps et d'argent que je vous fais faire.
L'HOMME QUI RIT de Jean-Pierre Améris ****
Le film est inspiré de l'oeuvre dense, complexe, passionnante et intimidante de Victor Hugo. Une histoire terrible et incroyable. Celle de deux enfants. L'un Gwynplaine défiguré dès son plus jeune âge par une cicatrice qui donne à son visage un sourire permanent, victime des comprachicos qui a l'époque enlevaient ou achetaient les enfants, les mutilaient pour les exposer comme des monstres. L'autre Déa, une fillette aveugle que Gwynplaine a sauvée de la mort une nuit de tempête. Les deux enfants abandonnés, orphelins sont recueillis pas Ursus, un saltimbanque, philosophe et guérisseur. Sous des dehors rugueux et misanthrophe le vieil homme dissimule des trésors de tendresse et de bonté. Incidemment, il découvre que le visage du garçon provoque l'hilarité et c'est ainsi que le spectacle de "L'homme qui rit" voit le jour. La petite troupe sillonne alors avec bonheur les routes d'Angleterre. Gwynplaine et Dea s'aiment et deviennent inséparables, sous l'oeil bienveillant et inquiet d'Ursus qui sait que pour vivre heureux il est préférable de vivre cachés. Les foules se pressent pour découvrir Gwynplaine, lui assurent une célébrité sans cesse croissante jusqu'à arriver aux oreilles de la Cour...
D'emblée il faut écarter l'idée de l'adaptation à la lettre d'une oeuvre littéraire grandiose et colossale. Il s'agit ici de la vision d'un réalisateur à propos d'une histoire qui le hante depuis ses quinze ans. L'histoire de deux adolescences meurtries par la différence. Alors que le handicap de Dea aveugle semble vécu sereinement, Gwynplaine souffre de son apparence. Comment en étant à ce point différent, monstrueux, trouver sa place dans ce monde et être heureux ? Rien que l'idée d'évoquer cette douleur, celle de ne jamais se sentir à sa place suffit à me bouleverser. Et le film l'est, bouleversant, par la grâce de cette vision personnelle qui transforme l'oeuvre, sans jamais la trahir, en un conte horrifique, terrifiant sans pour autant négliger un humour apaisant alors que le drame pèse inéluctablement. Et par celle d'acteurs véritablement habités par la beauté et la puissance de leurs personnages. Chacun semble avoir compris que "La vie n'est qu'une longue perte de tout ce qu'on aime". Malgré cette menace qui les nargue, Gwynplaine s'abandonne un temps à l'illusion d'être accepté sans masque, malgré sa différence et à celle encore plus folle de changer le monde puisqu'il obtient soudainement le pouvoir de siéger au Parlement. Sa diatribe face à la Reine et aux parlementaires : "Ce qu'on m'a fait, on l'a fait au genre humain", puissante, bouleversante vire à la farce. Des bouffons ridicules le remettent à sa place, trop tard.
Dans un décor de carton pâte assumé, revendiqué, Jean-Pierre Améris ne cherche pas la réconstitution historique. On ne verra donc pas de "carrosses rouler devant des châteaux du XVIIIème siècle". On restera plutôt concentrés sur les personnages principaux et leurs visages, même si l'ambiance "timburtonnienne" évoque Edward aux Mains d'Argent et la mer synthétique celle admirable du Casanova de Fellini. Mais qu'on ne s'y trompe pas, le sublime, génial, inoubliable Joker composé par Heath Ledger s'inspire totalement de l'Homme qui rit de Victor Hugo (et non l'inverse). Il n'y a donc rien de paradoxal à ce que le "masque" de Gwynplaine l'évoque de façon aussi troublante. Mais alors que le Joker blessé aussi au plus profond de sa chair n'aspire qu'au mal, Gwynplaine est d'abord un jeune héros courageux qui a sauvé une fillette, puis un homme honnête qui rêve de justice et d'amour. Marc-André Grondin incarne avec une belle présence inquiète et naïve cet être meurtri, aimé au-delà de ce qu'il espère et totalement ébloui par cet amour.
Emmanuelle Seigner belle et cruelle Duchesse se servira un temps de Gwynplaine pour surmonter un ennui abyssal et l'utilisera comme une distraction. Elle verra en lui le véritable miroir de son âme noire. "Ce que tu es dehors, je le suis dedans". Et l'actrice offre à son personnage une intensité et une fêlure touchantes qui évoquent la Madame de Merteuil des Liaisons Dangereuses.
Dea est la jeune fille pure qui aime et protège Gwynplaine, parfois malgré lui. Elle connaît l'essentiel invisible pour les yeux. Elle ne peut comprendre que Gwynplaine craigne qu'elle ne l'aime plus si elle venait à découvrir sa laideur. "Comment peux-tu être laid puisque tu me fais du bien ?". Christa Théret, une nouvelle fois surprenante incarne avec une grâce magnifique cet ange aveugle, simple et vertueux. Elle est d'une expressivité réellement impressionnante empruntée aux grandes actrices du muet. Et ici comme une réincarnation, jusque dans ses gestes de la Virginia Cherril des Lumières de la ville de Charlie Chaplin.
Quant à Gérard Depardieu, jamais aussi bon que dans les grands classiques qui ont contribué à sa gloire, il est ici exemplaire de sobriété. D'une présence forcément imposante, il laisse néanmoins toute la place à ses partenaires et à cet ange fragile et gracile qu'est ici Christa Théret. Et pourtant chacune de ses apparitions alternativement drôles ou bouleversantes le rendent une fois encore inoubliable dans ce rôle de père déchiré, impuissant à sauver ses enfants de leur destin.
Jean-Pierre Améris nous saisit donc dès la première image implacable et cruelle et ne nous lâche plus jusqu'au final poignant. Il concentre son histoire en une heure trente, sans digression inutile accompagnée d'une musique ample et idéale. Et c'est à regret que l'on quitte ces personnages follement romanesques et romantiques.
et évitez soigneusement les trois
Commentaires
Oui, oui, oui,. Ecoutez votre Pascale (pas toujours, elle peut parfois "(A) perdre la raison" quand il s'agit de certains films) mais là oui, allez-y les yeux fermés (sans oublier de les ouvrir devant le film, quand même, ce serait dommage de vous priver de ces splendides images. Allez voir ce film, un des meilleurs de l'année à côté duquel il serait plus que dommage de passer et écoutez cette interview, (Si vous avez un coeur, mais oui, si vous aimez le blog de Pascale), vous ne pourrez qu'avoir envie de voir le film ensuite.
Comme tu le disais si justement, on aura fait tout ce qu'on aura pu.
J'irai pour Jean-Pierre Améris.
Mais j'espère qu'il y aura des sous-titres, même si j'ai fait du russe dans ma jeunesse...
Ah ce que c'est drôle ! Il faut distinguer le vrai du faux. Ici c'est un rôle de composition et il y est prodigieux crois moi. Merci pour Jean Pierre.
Mais c'est bien ce que je dis dans ma blague. Cet acteur qui sait faire son boulot quand il est bien dirigé avec un bon scénar, est assez con pour faire perdre des entrées et du fric à quelqu'un de valeur qui lui a pourtant fait confiance. Et j'ai bien dit que j'irais, pas besoin d'en rajouter une louche.
euh j'ai le droit de dire que j'attends le DVD sans me faire lapider ?
j'ai plein de trucs à gratter là
Ed : j'en rajoute une louche si je veux. Mais tu as raison... oui tu as bien lu TU AS RAISON... son incommensurable coup d'éclat hyper médiatisé (bien que je n'en ai vu AUCUNE image) a bien aidé au capotage.
Fred : pas de lapidation, mais en DVD c'est pas la peine. De toute façon tu n'aimerais pas.
Déjà vu, Pascale, merci, et bientôt chroniqué. Il est dans mon top de l'année aussi - c'est un scoop que je te donne !
Je te remercie également, car c'est à toi que je dois d'avoir découvert Jean-Pierre Améris et son travail. Après "Les émotifs anonymes" et "L'homme qui rit", j'espère avoir l'occasion de voir tous ses autres premiers films.
Bon dimanche ! Je vais quand même aller voir "L'odyssée de Pi" ;-)
Si tu le dis.
Tu me connais si bien
Bon.
OK
ne me remercie pas !
sur tes conseils j y suis allée cet après-midi meme avec un grand soleil dehors (oui je suis barjo)
j avoue avoir été déroutée au début et j ai eu un peu de mal à rentrer dans le film
Mais au final beaucoup de messages tellement vrais
et comme dirait Déa on a été heureux mais il est trop tard
Les images de la fin - éblouissantes
ils jouent tous bien et Depardieu un grand un très grand AH merde il s est tiré en russie
Je l'ai vu aujourd'hui ! J'ai été happée dès les premières images, c'est un bien beau film qui nous entraîne complètement ailleurs pendant 1 h 1/2 et ça fait un bien fou. La petite Théret est encore très bien et le Gégé (l'acteur, pas l'autre) est vraiment excellent, on en guette ses apparitions et ses discours avec gourmandise. A mon grand regret j'étais toute seule, j'espère qu'il y a plus de monde le soir, c'est tout de même très au-dessus de ce que j'ai vu récemment (à part Renoir qui vaut le coup aussi). (j'ai reçu le livre ce midi, merciiiiiiiiii ; je crois que je vais me le réserver pour un moment de vacances, plus de 800 pages quand même ..)