L'IVRESSE DE L'ARGENT
de Im Sang Soo ***
Le jeune Youngjak est l'homme à tout faire de Madame Baek, richissime coréenne à la tête d'un empire industriel qu'elle dirige avec une poigne énergique et autoritaire. Le jeune homme est parfois chargé de porter des valises pour régler des affaires douteuses. L'argent circule abondamment sur des parkings, dans des coffres de voitures. Le fils de la famille est régulièrement arrêté pour suspicion de corruption, la fille sirote du vin en robe de soirée dans des poses alanguies, le père a épousé la fortune plus que la femme et organise des parties fines pour amadouer ses clients et collaborateurs, et le grand-père paralytique continue de régner avec sa fille. Autant dire qu'il y a quelque chose de bien pourri au royaume des puissants de Corée et que l'atmosphère délétère qui emplit cette immense demeure musée, froide et clinquante est irrespirable. Les domestiques circulent et se croisent, se saluent sans se parler. Et pourtant tout le monde semble s'épier. On comprend vite qu'il vaut mieux en savoir le moins possible sur les us et coutumes des habitants de l'endroit qui ne font pourtant rien pour être discrets. D'ailleurs la toute puissante Madame Baek a truffé sa demeure de caméras et observe tout son petit monde. C'est ainsi que l'infidélité de son mari lui sera révélée. Elle en hurlera de rage et nullement de douleur.
Il est tout à fait fascinant d'observer ce microcosme composé de personnes uniquement animées par l'appât du gain, le pouvoir procuré par l'argent et le sexe. Youngjak se refuse d'abord à empocher une liasse de billets comme son patron l'encourage à le faire mais il ne pourra se soustraire aux avances de sa patronne. Peut-on vraiment parler de viol ? En tout cas on en est pas loin. Par ambition, il préfère céder avec dégoût à cette "vieille peau" plutôt que perdre sa place. Madame Baek se sent invulnérable et surpuissante, tellement sûre de sa supériorité grâce au pouvoir que son argent lui confère. Jusqu'à ce que la machine s'enraye... Mais chut ! Le film prend alors une tournure beaucoup plus romanesque mais tout aussi intéressante.
Jusqu'où cette femme vulgaire, immorale et antipathique est capable d'aller est surprenant. Rarement il a été donné de voir au cinéma une femme aussi irrémédiablement mauvaise. Le réalisateur semble néanmoins placer un peu d'espoir et de confiance dans la jeunesse de son pays.