LES MISÉRABLES
de Tom Hooper ****
Jean Valjean, prisonnier 24601 purge une peine de 19 ans de bagne pour avoir volé un pain puis avoir tenté une évasion. Son geôlier Javert lui remet à contre-coeur sa libération conditionnelle et ne cessera de le poursuivre convaincu qu'un criminel le reste toute sa vie. Rejeté de tout côté à cause du fameux passeport jaune des bagnards, Valjean est recueilli par un évêque qui lui offre le gîte et le couvert. Valjean lui vole son argenterie, se fait arrêter par la police mais l'évêque le sauve en assurant qu'il ne s'agissait pas d'un vol mais d'un cadeau. Dès lors Valjean rompt sa conditionnelle et à force de travail et de bonté devient entrepreneur puis Maire de Montreuil sous le nom de Monsieur Madeleine.
Alors qu'il regarde ailleurs, Fantine se fait injustement virer de l'atelier par le contremaître. Jetée à la rue, elle est contrainte de vendre ses cheveux, ses dents puis son corps pour envoyer de l'argent aux cupides Thénardier à qui elle a confié sa petite Cosette. Plus tard, Valjean découvre le calvaire de Fantine mourante et lui promet de prendre Cosette sous sa protection. Les années passent...à Paris, Valjean toujours contraint de fuir devant Javert protège Cosette qui le considère comme son père. La jeune fille croise le regard de Marius Pontmercy. Les jeunes gens tombent immédiatement amoureux mais ne peuvent se revoir car Valjean et Cosette doivent à nouveau fuir Javert qui les a retrouvés. Marius étudiant, sera avec ses amis sur les barricades parisiennes au déclenchement de l'insurrection de 1832 suite aux obsèques du Général Lamarque... Et je ne vous parle pas de Gavroche, Eponine, Enjolras, Fauchelevent. Et pourtant tous sont ici présents, même s'il aurait fallu quelques heures supplémentaires pour évoquer l'intégralité de l'oeuvre colossale. En effet, rien sur la bataille de Waterloo et d'ailleurs on s'en fiche car ici, comme récemment pour le magnifique Homme qui rit de Jean-Pierre Améris, il ne s'agit pas d'adapter Hugo mot à mot mais de faire une proposition de cinéma.
Comment parler de misère, de combats, d'injustice, d'honneur, de bonté, de charité, de compassion, de lutte, de justice, de doutes et d'amour en chantant ? Il faut voir ce film unique, inédit, audacieux pour le croire et le comprendre. Jamais l'entreprise n'avait été osée. Car ici, les acteurs au lieu de jouer en faisant mine de s'égosiller en play-back, chantent en direct sur le plateau de tournage. Ce sont eux qui avaient l'ascendant sur la musique et pouvaient se permettre toutes les respirations et émotions qu'ils souhaitaient. Leur interprétation en est absolument surprenante et magique. C'est magnifiquement expliqué ici.
L'esprit d'Hugo plane sur le film et j'ose prétendre comme d'autres assurent l'inverse qu'Hugo, en bon agitateur qu'il était, aurait adoré cette interprétation fièvreuse, audacieuse et respectueuse. Comment avec un titre aussi terrible, Les Misérables, réussir une oeuvre empreinte d'un tel romantisme ? Hugo l'a fait, et Tom Hooper réussit l'exploit d'embarquer le spectateur dans une épopée lyrique et exaltée qui happe le spectateur dès la première scène et ne le lâche plus. A condition de se laisser emporter par la fougue. Comme le suggère une chanson connue, il semblerait que la misère soit moins pénible au soleil. Ici, j'affirme que la misère est plus supportable en chansons. Devant l'avalanche d'épreuves qui s'abattent sur les personnages, le calvaire de Fantine, la douleur d'Eponine, le chemin de croix de Valjean... il est difficile de rester froid face à l'interprétation supra sensible des personnages. Rarement autant de larmes auront été versées sur un écran. Et moi dans mon fauteuil, j'étais une flaque.
Mixer Hugo, ce génie, et Alain Boublil créateur de la comédie musicale des années 80, pourquoi pas, pourquoi jouer les vierges effarouchées, crier à la trahison et surtout refuser de se laisser submerger par l'émotion ? La passion mélo hugolienne est là. Oui ce film est chanté, intégralement et c'est somptueux, pour les oreilles comme pour les yeux.
Et moi qui aime tant les performances d'acteurs. Ils sont ici affolants d'intensité et tous excellents chanteurs. Hugh Jackman en tête (ce sacré bonhomme avait déjà fait ses preuves ici). Valjean, d'abord rongé par la haine et un légitime désir de vengeance face à toutes les injustices dont il est la victime passera définitivement du côté du bien après sa rencontre avec l'évêque qui lui sauve la vie. L'acteur, totalement habité par l'âme tourmentée de Valjean, restitue avec une force insoupçonnée toute "la tempête sous un crâne", tous les tourments, les hésitations et la bonté sublime du personnage. Ce qu'il exprime et déclenche comme émotions dans ce film vaut pour moi une belle statuette en or car il est à des années lumières au-dessus de son collègue à échasses.
Anne Hathaway, bouleversante Fantine, est parfaite et ne volerait pas son petit Oscar non plus, Russel Crowe (impeccable et troublant Javert, loin des habituels et vils corbeaux noirs des autres adaptations), Amanda Seyfried (adorable et touchante Cosette), Eddie Redmayne (fougueux Marius), Aaron Tveit (Enjolras exalté), Samantha Barks (douloureuse Eponine)... sont parfaits.
Je sens que pour être tout à fait crédible vous réclamez une petite réserve... la voici : les Thénardier, tortionnaires de Cosette, parents indignes d'Eponine et Gavroche sont ici deux pantins burlesques totalement éloignés de la noirceur des personnages du livre. Etrange.
La fièvre romanesque, le lyrisme, l'ampleur et le romantisme dévastent tout pendant 2 h 30 mais au-delà des larmes, du bruit et de la fureur on n'entend que le calvaire, le cauchemar, la bonté, l'honneur et la conscience de Valjean.
Emmenez vos ados, ils vont adorer j'en suis convaincue. Et vous, comme moi, peut-être ne résisterez-vous pas à l'appel des mots... Car je vais m'attaquer une nouvelle fois aux 1 700 pages de ce roman dont l'auteur disait "« Ma conviction est que ce livre sera un des principaux sommets, sinon le principal, de mon œuvre ». Ce film lui rend hommage.
Commentaires
Ah ben j'attendais ton avis ........ 4 étoiles !! WAOUW ! Emylou lit le bouquin en ce moment, on devrait pas tarder à y aller :))
Super :-)))
Je viens de recevoir le bouquin... J'ai voulu le commander en un seul volume !!!
1651 pages... ça tient même pas dans mes mains, que j'ai pourtant grandes !!!
Tiens, voilà presque l'exemple dont je te parlais la dernière fois au sujet de Lincoln et de la différence de perception selon le sujet : on se sent plus concernés quand c'est Victor Hugo, la France, etc...
Pendant que j'étais aux US j'ai lu des critiques incendiaires, que le truc est glauque, noir, misérable (hum, c'est en me relisant que je vois l'allusion à 2 balles, sachant que là bas ça s'appelle "Les Mis'"), Anne Hathaway ne joue pas, Russel Crowe chante faux, mais que diable allait-il faire dans cette galère, pourquoi avoir tiré ce film naze de l'excellente comédie musicale qui a eu et continue à avoir tant de succès à NY - bref, la cata la plus totale, vu de leurs yeux.
De Victor Hugo, il n'a jamais été question dans aucun commentaire que j'ai pu lire là bas. Donc, je me suis demandé quelle légitimité et quel niveau de culture ils avaient pour imaginer que Les Misérables n'était juste qu'une comédie musicale.
En tout état de cause, je ne pourrai pas me faire mon opinion par moi-même, car j'ai horreur des comédies musicales, et encore plus des films chantés.
Oui, même Mama Mia, alors que je fuis fan d'ABBA.
ps : attention, je ne discute pas le fait que tu l'aies trouvé super et je ne dis pas que ta réaction n'est pas la bonne ; je fais confiance à ton immense expérience cinéphile et si j'aimais les films chantés, tu m'aurais convaincue d'aller le voir. Je voulais juste mettre en avant le fait que la perception n'est pas nécessairement la même pour un sujet qui nous touche de plus près.
Moi j'adore les comédies musicales, mais je trouve que ce n'en est pas vraiment une... dans les comédies musicales généralement ça chante ET ça danse. Pas ici. J'ai trouvé que c'était une nouvelle expérience de cinéma et j'ai adhéré à 300 %.
Et les critiques sont aussi assassines en France. Et je t'assure que c'est passer pour TOUT sauf une cinéphile que d'apprécier ce film.
Et si Anne Hathaway ne joue, je me demande ce qu'est joué !
Quant à Russel, il ne chante pas faux (et c'est une musicienne qui parle). Il a une voix tout à fait en rapport avec son physique.
Par contre Anne Hathaway et Amanda Seyfried et Samantha Barks chantent super bien.
Et Hugh Jackman est prodigieux.
Justement j'avais la critique assassine de Studio Ciné Live sous les yeux. Aie aie aie je ne sais pas, la bande-annonce m'a donné envie de fuir, moi qui adore les comédies musicales (même si ça n'en est pas une selon toi). J'ai peur de me retrouver avec une longue série de plans fixes sur des personnages larmoyants qui chantent non-stop alors qu'on pense plutôt souffle épique, plans larges et dialogues entrecoupés de chansons.
Alors pour le souffle épique, les plans larges : tu seras servie.
Par contre pas de dialogues et franchement tant mieux. Comment peut-on être en train de discuter et brutalement se mettre à chanter. Ici tout est cohérent.
Et pas d'interminables plans fixes je t'assure. Mais beaucoup de larmes par contre. En même temps, ça s'appelle les Misérables et pas les Youplaboumtralala. Maia l'amour triomphe à la fin :-)
Promis, j'essaierai quand même, mais je vais attendre qu'il passe à la télé.
Aucun intérêt à la télé. Ce grand spectacle réduit ne vaudra rien. Passe ton tour.
Critique vibrante et flamboyante qui donne envie de voir le film ET de relire le livre avant même qu'on n'en soit arrivé au bout !
oh ben merci :-)
Le croiras-tu, j'ai loupé le coche :(
La belette et moi étions au taquet, j'avais tout programmé même le diner des minis que Léo n'avait plus qu'à réchauffer en attendant le retour de Chéri et PAF, les Misérables ne passe plus au grand cinéma de la ville d'à côté.. un méga CGR quand même, moi pas comprendre...
Quant à ma petite ville, je ne l'ai même pas vu passer à l'affiche ! Mais vu qu'ils viennent de sortir Alceste à bicyclette aujourd'hui même (si si) je ne désespère pas de voir les Misérables dans un mois !
En attendant, je vais aller me consoler avec Alceste tiens...
Je n'ai qu'un mot à dire :
nul,
NUL,
N.U.L.
Et
Adieu !
naaaaaaaaaaaaaaaan !!! j'ai dit qu'il allait peut être passer plus tard dans mon petit ciné !! ne m'abandonne paaaaaas !!
Comment peut-on aller au cinéma une fois par an et ne pas se renseigner des horaires et aussi, accessoirement, si le film passe dans ce cinéma !
Je veux bien dire au revoir mais c'est contrainte et forcée !