LA GRANDE BELLEZZA de Paolo Sorentino ****
Jep Gambardella ne souhaitait pas simplement être un mondain. Il voulait être le roi des mondains...
Et c'est ce qu'il est devenu et sa vie n'est qu'une succession de fêtes toutes plus folles les unes que les autres. Journaliste réputé, il a écrit un unique roman "L'appareil humain" qui a conu un succès foudroyant et pour lequel il a obtenu un prestigieux prix littéraire. Mais cela remonte à 40 années en arrière et aujourd'hui alors qu'il fête ses 65 ans, Jep pose sur sa vie, sa ville et ses habitants un regard désabusé fait de cynisme, de regrets mais aussi infiniment nostalgique.
Et le film est tout ça à la fois : fou, cynique et mélancolique. Drôle aussi parce que cruel et lucide. Jep vit seul dans un appartement dont la terrasse domine le Colisée et c'est là, dans cet endroit de rêve qu'il reçoit toute la jet-set romaine ivre et imbue d'elle-même. Des gens sans talent souvent qui vivent de leur réputation acquise dans les soirées mondaines. Être là où il faut être vu et s'étourdir des nuits entières en bavassant les uns sur les autres. Pathétiques et pitoyables, chacun semble courir après une éternelle jeunesse et des rêves dont ils sont parvenus à se convaincre qu'ils les ont vécus. Mais tout cela est bien triste et parfois la réalité en rattrape certains.
Il est difficile d'énumérer toute la galerie de portraits dépeints ici et dont Jep (Tony Servillo, GENIAL tout simplement !) est le pivot. Mais il y a des femmes qui se rêvent intellos, ont des velléités d'écriture ou de réalisation, des mondaines dépravées, des artistes vaniteux et puants (scène hilarante d'interview ratée),² une ancienne révolutionnaire, un jeune homme suicidaire, un amoureux éconduit... il y a un mariage et quelques enterrements. Et surtout un homme qui se retourne sur un immense gâchis, un monde en déliquescence et découvre brusquement que la beauté, l'amour et la spiritualité l'appellent.
Tony Servillo avec son visage de Droopy triste est de bout en bout prodigieux, cynique, cruel (la scène où il démontre à une femme donneuse de leçons de morale à quel point sa vie n'a rien d'exemplaire est exceptionnelle bien que d'une cruauté sans nom), enfantin et l'instant d'après d'un cynisme choquant mais éclairé, d'une amertume émouvante. Et Sorrentino, décidément incontournable dorénavant, filme son acteur désabusé et la ville de Rome d'une beauté foudroyante avec le même amour inconditionnel, les rendant l'un et l'autre en tous points irrésistibles. Difficile de ne pas évoquer Lynch ou Kubrik pour les atmosphères parfois délétères mais aussi Fellini pour la folie et la démesure. Mais cela reste néanmoins un grand film personnel, différent, unique et inattendu, d'une grande beauté comme on n'en voit peu.
Commentaires
Il me tente beaucoup celui-là, je pense y aller la semaine prochaine. (cet aprèm, je vais écouter Denis Lavant dans la lecture du roman "Peste et choléra", j'ai hâte)
T'en fais des choses culturelles dis donc :-)
Mais la Bellezza devrait te plaire aussi.
J'ai rien vu d tout ça ! J'ai trouvé que ça manquait cruellement de lien, une succession de scènes absurdes sans intérêts. Le réalisateur a du retard, je trouve banal de dénoncer tout ça encore maintenant.
Dommage.
Moi aussi j'ai adoré ce film. Quelle tristesse de ne pas le voir au palmarès de Cannes.
B
Oui je le voyais palmable moi !
Un drôle de film, qui sous des airs de bric à brac donne à voir une nouvelle fois dans le cinéma fois dans le cinéma italien la fin d'une époque (j'ai pensé au Guépard, à Mort à Venise). J'ai pensé à Lynch aussi, à Kusturica par moment (ces grandes scènes de fêtes totalement folles) et à Fellini. Je ne savais pas à quoi m'attendre et c'est tant mieux, car je ne me serai jamais attendu à cela. Un très bon film !
Un grand foutoir jouissif et intelligent oui.