ELLE S'EN VA d'Emmanuelle Bercot ****
Bettie a la soixantaine, un restaurant et un amant.
Lorsque ce dernier l'abandonne pour une jeunette enceinte de lui, elle s'effondre. D'autant que l'indélicat n'a même pas eu le cran de lui annoncer la nouvelle. Elle l'apprend de la bouche de sa mère qui vit avec elle et tient la caisse du restaurant. Le lendemain, en plein service, Bettie lâche "je reviens". Elle monte dans sa voiture et part avec une seule urgence : trouver une cigarette ! Oui Bettie, contre l'avis de sa mère envahissante, et à cause de son gros chagrin se remet à fumer. En cachette d'abord, à la lucarne d'une petite pièce en haut de la maison, sa chambre d'ado sans doute, où elle gratte du bout de l'ongle un autocollant de Mike Brant collé sur la fenêtre.
Bettie s'en va et ne reviendra pas de sitôt. Bettie prend sa vie et son destin en main sans le savoir. Elle va parcourir la France et comme dans un film de Depardon, on la traverse avec elle au volant. Elle, Bettie ou Catherine... on ne sait plus trop bien tant l'une fait oublier l'autre et réciproquement. On ne sait plus parfois si l'on suit Bettie ou Catherine. En tout cas, quel film ! A nul autre pareil parce que jamais on a vu un film à ce point emporté par une actrice, magnifié par une interprétation tellement simple, naturelle, évidente. Voilà, Catherine Deneuve est l'évidence d'un film écrit pour elle par une réalisatrice qui a ressenti l'envie viscérale de la filmer. Et dès la première scène, elle s'accroche à sa chevelure et la filme de dos face à la mer. Bettie rêveuse ou perdue ou déçue ? Elle n'a jamais quitté sa province. Elle fut Miss Bretagne à 19 ans et n'a pas pu se rendre à la finale de Miss France. Son amour de jeunesse est mort dans un accident, elle en a réchappé et a fait sa vie comme on dit, avec un autre homme, mort bêtement lui aussi. Cette mort idiote la fait bien rire. Bettie est une gamine parfois.
Mais là, elle part. Sur un coup de tête. A la recherche d'une cigarette. Et à partir de ce point de départ fragile, Emmanuelle Bercot construit un road-movie accroché aux basques de Bettie/Catherine. Ce genre permet comme aucun autre de faire se succéder une multitude de personnages inattendus qui croisent la route de la voyageuse. Mais la réalisatrice y ajoute une histoire familiale forcément compliquée.
La rencontre avec un paysan aux doigts gonflés, déformés par l'arthrite, scène déjà culte est un sommet d'improvisation où l'actrice est à l'écoute, curieuse, étonnée. Le vieux bonhomme est chargé de rouler une cigarette à l'impatiente, alors ils entament une conversation, parlent de tout et de n'importe quoi pendant que Bettie/Catherine est au supplice de devoir attendre. A t'elle jamais autant fait rire que lorsqu'elle lâche : "c'est bon là, je vais la fumer. Collez-la. Tant pis, collez la." La scène est drôle, cruelle et tendre. Plus tard, elle se fait draguer par un toy boy dans un dancing. Les quelques scènes entre Catherine Deneuve et Paul Hamy (jusque là non professionnel) sont irrésistibles de drôlerie grâce à la disponibilité, la liberté, la folie de l'une et l'audace, l'aplomb de l'autre.
Puis on découvre que Bettie a une fille Muriel (la chanteuse Camille, très bien dans le rôle ingrat de la fille très en colère). Elles ne se voient pas mais Muriel a besoin de sa mère pour emmener Charly chez son grand-père. Bettie continue donc sa route encombrée d'un étrange paquet. Un petit fils, Charly (Nemo Schiffmann, parfait) un peu triste parce qu'il a le sentiment de gêner tout le monde.
Bettie se sait mère et grand-mère indignes, mais peut-être a t'elle délaissé sa fille pour avoir été surprotégée elle-même par sa propre mère. En réaction. Ou simplement parce qu'elle est une femme libre. Peu importe. Ces scènes familiales sont belles, fortes, réalistes, lucides.
Et Catherine Deneuve est le centre, l'âme, la raison d'être de ce film. Il aurait même été impossible puisqu'Emmanuelle Bercot l'affirme : "Si Catherine Deneuve ne donnait pas son accord pour "Elle s'en va", le film était abandonné". On la comprend. Sa voix, sa démarche, ses éclats de rire contagieux sont uniques et inimitables. Quelle star peut se faire traiter de "patate", de "vieille de 75 ans au moins" et éclater de rire ? On ne peut du coup s'empêcher de penser à d'autres, F.A. ou N.G. qui n'ont de cesse de tenter de prouver que le temps n'a pas de prise sur elles. Catherine Deneuve a presque 70 ans et lorsque Rebecca Manzoni lui demandait l'autre jour sur France Inter si elle était capable de tout jouer, elle répondait "non", et aussi quel rôle elle ne voulait surtout pas interpréter : "des rôles de dame. Je ne veux pas jouer une dame". Voilà Catherine Deneuve est une jeune fille, un électron libre, une rebelle, une anti-conformiste. Mais une grande dame quand même.
La réalisatrice se sert aussi de la filmographie de son actrice. Sa peur du noir évoque La sirène du Mississippi du temps où la regarder était une souffrance... une joie et une souffrance, et lorsqu'elle fume (encore !) devant le lac d'Annecy l'une des dernières scènes d'Indochine.
Et lui offre en final de son film un avenir radieux !
Comme Emmanuelle Bercot, je crois que j'aime Catherine Deneuve d'amour et comme elle je pense que "c'est une femme qu'on rêverait d'avoir comme mère, comme soeur, comme fille, comme amie. C'est la femme absolue." Et la prendre dans ses bras.
Ce film est à son image beau, éternel, libre !
Commentaires
ah bon, c'est pas moi tout ça ????
Chuis déçue !...
Comment ça ???
Décidément je comprends rien à ce que tu dis en ce moment.
Tu te prends pour Catherine ?
Tu sais bien que pour ne pas savoir quoi que soit sur le film avant de le voir, je ne lis que la dernière phrase (je lirai le reste après)et je pensais que c'était de moi que tu pensais ça:
"c'est une femme qu'on rêverait d'avoir comme mère, comme soeur, comme fille, comme amie. C'est la femme absolue." Et la prendre dans ses bras.
ah non je ne savais que tu ne lisais que la dernière phrase avant...
Mais toi j'ai pas envie de t'avoir pour mère... et pour sœur non plus !
T'inquiète, je lis le reste après !
Et ça tombe bien, j'ai jamais voulu de gosse. Alors, une fille comme toi !!!!
quant aux soeurs j'ai expérimenté : NON MERCI !
Z'êtes choutes toutes les deux là XD
Moi non plus, je lis pas ! Je vais voir le film mercredi et j'aime les surprises ;-)
Oui c'est l'amour vache ! Et avec un cheval c'est pas facile !
Oui, on a aimé, et tout découvert. A part qu'elle s'en allait (ben oui, le titre) je ne savais rien. Et j'ai été autant surprise, émue, triste ou amoureuse que l'héroïne du coup.
Ca nous a vraiment énormément plu, merci !!!
Et t'as lu mon article du coup après coup ?
Ben oui, of course ! Tu racontes bien ! :-)
C'est pas ma fête pourtant ?
Un grand moment, ce film !
J'ai redécouvert La Deneuve, avec qui j'étais un peu fâchée.
Le gamin est formidable aussi.
Mon mari et moi te remercions pour cet agréable moment ;-)
Tant mieux si vous avez aimé. je suis contente.
Yes !!! J'ai adoré La Deneuve - mes moments préférés Avec Charlie - et aussi j'ai bien aimé la France qu elle dépeint - j y ai vu des tableaux ... Si si ... T as raison Notre Carherine nationale Une vrai ado et putain c'est bon la fin quand même
Oui tout est bon dans ce film et si juste.
ET quelle Catherine !!!!!!
Comme d'hab j'arrive tard, mais après 25 h d'avion...
Et j'ai vu Elle S'en Va, qui m'a fascinée pour Deneuve qui est divinement filmée, et joue avec un naturel totalement détaché.
Elle est grandiose.
J'aimerais voir la tête du gamin lorsqu'il aura 20 ans et qu'il réaslisera qu'il a traité Catherine Deneuve de "patate" avec autant de désinvolture !
Quelques longueurs parfois, mais film vraiment splendied.
ah oui patate :-)
fallait oser !