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LE DERNIER DES INJUSTES de Claude Lanzman ***

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On pensait tout savoir ou presque du raffinement des barbares nazis

pour parvenir à la "solution finale" concernant les juifs durant la seconde guerre mondiale... et finalement non, Claude Lanzmann à 89 ans et infatigablement (qui se chargera de perpétuer ce souvenir lorsqu'il ne sera plus là ?) nous fait découvrir une des "fantaisies" hitlérienne, à savoir la création d'un "ghetto modèle". Créé en 1941 à l'initiative des deux Adolf, Heichmann et Hitler, le ghetto de Theresienstadt était présenté comme une colonnie juive modèle. Il s'agit en réalité  d'un véritable camp de concentration, mais aussi d'une sorte de camp de transit avant la déportation vers Auswitsch. Les conditions de vie y étaient particulièrement difficiles. Surpopulation, famine, maladies, beaucoup y moururent. Le règlement du ghetto était absurde et contraignant et tout manquement n'avait qu'une seule issue, la mort.

Comme pour son film Shoah, Claude Lanzmann ne se sert pas d'images d'archives, exceptés quelques somptueux dessins d'artistes témoins (notamment Bedrich Fritta) mais aussi un film de propagande totalement mis en scène par les nazis. Dans ce film Der Führer schenkt den Juden eine Stadt (le Führer donne une ville aux Juifs) on voit des enfants souriants qui jouent en mangeant des tartines, des adultes épanouis qui vont au travail. Ainsi la Croix-Rouge danoise (le Danemark étant le seul pays d'Europe à s'être intéressé au sort de leurs juifs) a pu visiter le camp dont certaines pièces furent repeintes pour l'occasion et donner ainsi l'impression d'une douceur de vivre !

A part cette incursion dans les archives, le réalisateur se repose uniquement sur les longs entretiens qu'il a eus à Rome en 1975 avec Benjamin Murmelstein, le seul "doyen des Juifs" survivant. Le fait d'avoir justement survécu à l'inverse des autres membres du Judenrat (Conseil Juif créé par Eichmann et composé de trois "anciens" dont Murmelstein) en fait un personnage controversé par la Communauté Juive. Mais Murmelstein, conteur hors pair, reconnaît avoir sauvé sa peau mais pas seulement. Et c'est avec infiniment de détails, de révélations, de faits, de dates, de chiffres, de noms qu'il relate quasi sans émotion mais avec une précision infaillible, les éléments de l'indicible. Il revient aussi sur son différend avec Hannah Arendt concernant sa théorie sur la banalité du mal. Pour lui Heichmann est tout sauf un homme banal et ordinaire : c'est un monstre inhumain et sanguinaire !

Claude Lanzmann revient sur les lieux des horreurs, des endroits qu'ils trouvent étrangement beaux mais le glacent toujours d'effroi. Il lit de sa voix fatiguée des extraits des ouvrages de Murmelstein dont Terezin, il ghetto modello di Eichmann (Theresienstadt le ghetto modèle d'Eichmann) et malgré le temps qui passe ne perd pas son infatigable et impressionnante capacité d'indignation.

Il faut être en éveil et parfaitement attentif pour suivre ce documentaire riche en précisions et si tout n'est finalement pas limpide on sort néanmoins de ces 3 h 38 mn de projection anéanti par ces nouvelles révélations et le souvenir encore affirmé des atrocités d'un régime bestial, sauvage, inhumain.

N.B. : Le titre du film reprend le surnom de Benjamin Murmelstein : "Le Dernier des Injustes". Un surnom adopté en référence au titre d'une oeuvre d’André Schwarz-Bart, Le Dernier des Justes. J'ai déjà recommandé ce livre à plusieurs d'entre vous car c'est le livre le plus beau et le plus bouleversant que j'ai jamais lu (et j'ai TOUJOURS un livre en route et je ne passe pas une journée sans lire) :

"Nos yeux reçoivent la lumière d'étoiles mortes. Une biographie de mon ami Ernie tiendrait aisément dans le deuxième quart du XXième siècle ; mais la véritable histoire d'Ernie Lévy commence très tôt, vers l'an mille de notre ère, dans la vieille cité anglicane de York. Plus précisément : le 11 mars 1185".
(Le Dernier des Justes, 1959, incipit)

Commentaires

  • Je note le livre car je ne le connais pas...

  • vertigineux... Mouche m'a retrouvée en larmes lorsque j'ai lu la dernière phrase !

  • Mes commentaires ne passent pas aujourd'hui ? Je disais que je venais d'entendre l'émission de Finkielkraut sur France-Culture, c'était Claude Lanzmann l'invité. La seule chose qui me retient pour le moment, ce sont les 3 h 40 et les horaires pas pratiques en salle, j'ai du mal à tenir sur la durée (j'ai lu "le dernier des Justes il y a longtemps, il m'avait marquée).

  • Ah oui, il vaut mieux ne pas le voir en fin de journée ou après un bon repas. Il faut être en alerte permanente :-)

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