Vous souveniez-vous qu'en octobre 1983, quelques illuminés qui croyaient encore en l'espèce humaine

avaient entrepris une Marche pour l'égalité et contre le racisme, surnommée plus tard Marche des beurs ? Pas moi. En fait, je crois que je ne me rendais pas compte, naïve que je suis j'étais, à quel point nous sommes entourés de haine, d'intolérance et de xénophobie. Et pour avoir été tout à fait récemment la destinatrice de vidéos racistes vomitives, je sens que plus que jamais le propos n'a rien de nouveau et n'a rien perdu, hélas, de son actualité.

En 1983 donc, un jeune homme des Minguettes (quartier de Lyon constitué de HLM abritant en majorité une population issue de l'immigration maghrébine) victime d'une "bavure" policière a reçu une balle dans la jambe. A sa sortie de l'hôpital, fasciné par Marthin Luther King et Gandhi (et notamment par le film de Richard Attenborough), encouragé par deux amis et un curé rock and roll, il organise une marche pacifique entre Marseille et Paris afin d'alerter la population. Ils partirent à 9 dans la plus grande indifférence  d'un quartier de Marseille où le crime raciste d'un gamin venait d'être perpétré, pour arriver 100 000 à Paris. C'était la première fois qu'une telle manifestation était organisée en France !

Hélas, aujourd'hui, trente ans plus tard comme à l'époque, l'islamisme, l'intégrisme et le terrorisme font l'objet d'amalgames navrants entretenus, stimulés même plutôt par la classe politique de quelque bord qu'elle soit, et amplifiés par les médias. Rien de mieux que d'instaurer la peur dans un pays qui connaît la crise et le chômage. Comme toujours, le citoyen ordinaire a besoin d'un coupable, d'un bouc émissaire ! La peur et la haine de l'étranger c'est du pain béni pour détourner l'attention.

C'est dans un contexte de haine et de violences urbaines que démarre cette marche et aussi ce film. Le pré-générique est une véritable Madeleine de Proust... Sans angélisme ni misérabilisme Nabil Ben Yadir réussit un sans faute et nous accroche aux baskets de ce petit groupe hétéroclite composé de français d'origine maghrébines, de franco-français qui n'ont connu que les Minguettes, d'un curé, d'une photographe, d'un journaliste. Le chemin sera semé d'embûches (la rencontre avec des chasseurs racistes et menaçants armés jusqu'aux dents), de violences, de découragement, d'engueulades mais aussi de beaux moments de comédie, de solidarité et quelques passages vraiment poilants. Comme ce moment, l'arrivée à Salon-de-Provence, où le Comité d'Accueil se compose d'une seule et unique personne... mais quel moment, quel accueil, quel comité !!!

Dans la réalité les "marcheurs" ont obtenu une rencontre avec François Mitterrand himself, l'obtention d'une carte de séjour valable 10 ans. Hélas leur mouvement a-politique a été récupéré par le PS et aucun des premiers "marcheurs" ne fera partie de l'association SOS Racisme créée ensuite...

Le film quant à lui est une réussite. Drôle parfois, émouvant de bout en bout. j'ai rarement eu le coeur serré pendant toute la durée d'une projection. C'est le cas ici. Hélas, je constate que le film qui n'a déjà plus que deux séances chez moi sera sans doute bientôt retiré de l'affiche. Je ne comprends pas. Réussir à conjuguer cinéma, comédie, engagement hautement politique sans faire de politique justement, historique même et sans être chapeauté par la religion, c'est beau, c'est grand, c'est magnifique.

Je trouve que ce film devrait être projeté dans toutes les écoles, tous les collèges et les lycées car il démontre à quel point la bonne ou la mauvaise volonté peut se trouver des deux côtés, à quel point parler, écouter, comprendre est vital, à quel point on peut se rassembler autour d'autre chose que du foot. Et à quel point les différences : blacks, blancs, beurs, feujs, homosexuels, filles, garçons... ne sont la plupart du temps que des prétextes à fustiger l'autre. Diviser pour mieux régner !

Les dialogues sont magnifiquement écrits. Les discours (notamment ceux de Lubna Azabal (enragée) et Olivier Gourmet*) sont limpides, simples, évidents !

Et le brillant et impressionnant casting arrive à exister : Olivier Gourmet, Tewfik Jallab, Vincent Rottiers, Lubna Azabal, Hafsia Herzi, Charlotte le Bon, Nader Boussandel, M'barek Belkouk, Corinne Masiero, Jamel Debbouze, Malik Zidi, Philippe Nahon (génial), Rufus, Simon Abkarian... et semble s'être totalement impliqué dans cette aventure hors du commun.

On sort du film (qui sera dans mon Top Ten 2013) bouleversé mais aussi dynamisé et plein d'admiration face à cette action, cette générosité, cette énergie, cet espoir...

Vous savez ce qu'il vous reste à faire ce week-end, Le Casse-Tête chinois patientera, il restera à l'affiche plusieurs semaines.

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* Le cas Olivier Gourmet : j'ai longtemps été sceptique face à cet acteur, mais depuis plusieurs films, il m'impressionne gravement : "Grand Central", "Violette", "L'exercice de l'Etat", "Le gamin au vélo"... et je suis obligée de reconnaître que je suis en train d'en tomber amoureuse. Et dans le film il fait une imitation de Jean-Marie Le Pen exceptionnelle :-)