ARRÊTE OU JE CONTINUE de Sophie Fillières ***
Pomme et Pierre se sont sans doute aimés. Mais les années ont passé et nous pénétrons dans l'intimité de leur couple au moment où plus grand chose ne va. Où l'incompréhension s'est installée durablement dans les moindres recoins du quotidien.
Où chaque réflexion de l'un amène une remarque désobligeante de l'autre et réciproquement. Où aucun sujet de conversation ne fait consensus. Où les sorties communes virent au cauchemar. Et pourtant chaque week-end, Pomme et Pierre partent randonner en forêt, sac à dos, pique-nique et longue marche. Mais là encore, la nature et le grand air n'y font rien. Sans compter que même en forêt on peut faire des rencontres indésirables.
Jusqu'au jour où arrive la réflexion désobligeante superflue, destinée à faire mal, l'agacement de trop. D'une manière pour le moins radicale et totalement inattendue, alors que Pierre semble s'accommoder de ce désastre permanent et ne rien vouloir changer, Pomme sans ménagement, sans préavis, sans explication, calmement met un terme provisoire à cette relation aigre. Quelques jours de solitude et de réflexion pour l'une, de colère, mauvaise humeur puis inquiétude et peut-être manque pour l'autre.
Deux films en un en somme. D'abord la longue scène de ménage, mais sans cri, sans hystérie, juste les petits agacements de plus en plus insupportables, les petites piques de plus en plus blessantes, l'indifférence à la souffrance de l'autre. Puis la solitude d'introspection, de retour sur soi dans des conditions inimaginables.
Pour être à l'écran ce couple si intime, si évident et pourtant si mal assorti, Sophie Fillières choisit deux stradivarius capables de jouer ensemble comme ils respirent. Ils sont servis par des dialogues fins, intelligents, drôles et cruels comme les situations qui alternent le burlesque et le dramatique. Sans cet humour décalé, bienheureux qu'Emmanuelle Devos (plus que parfaite comme à l'accoutumé) et Mathieu Amalric maîtrisent avec gourmandise, le naufrage de ce couple serait insupportable.
Il n'en demeure pas moins que ce film parfois gai est d'une tristesse déroutante et imprévue.