HER de Spike Jonze ****
Theodore est inconsolable depuis le départ de sa femme. Pour oublier son chagrin, il se consacre avec ardeur à son travail d'écrivain public chargé de rédiger des lettres personnelles, d'amour surtout. Et d'amour il en sera question exclusivement ici.
Il est des films (rares) dont on sort comme en apesanteur, léger, libre, triste et heureux. Celui-ci en est un. Et comme il se situe au XXIème siècle dans le futur pas très éloigné d'une ville futuriste, mélange élégant et glacé de Los Angeles et Shangaï, les nouvelles technologies ont encore fait un considérable bond en avant. Et Theodore fait l'acquisition d'un OS (operating system) programme informatique intelligent au point de s'adapter et d'évoluer en fonction de la personnalité de son utilisateur. Il choisit une voix féminine pour son OS qui décide de s'appeler Samantha. Et cette voix (celle de Scarlett Johansson, incroyablement présente...) est l'incarnation même de la féminité, de la gentillesse, de la gaieté, de l'intelligence, de la douceur, de la compréhension, de la drôlerie, de la patience... l'idéal féminin en somme. Mais aussi l'amie, la confidente, le double, l'alter ego. Et à force de se confier, de partager son quotidien avec Samantha, celle-ci se montre de plus en plus sensible, de plus en plus indispensable et attentive. C'est inévitable, Samantha et Theodore deviennent inséparables et tombent amoureux l'un de l'autre, éperdument.
Au lieu de nous soumettre un pensum sur l'ultra moderne solitude et l'avenir pas réjouissant de l'humanité qui s'isole de plus en plus avec ses oreillettes Spike Jonze nous conte les amours impossibles d'un homme lessivé et d'une Intelligence Artificielle, virtuelle donc mais irrésistible. Et réussit le plus beau film romantique de l'ère 2.0., la romcom geek incontournable, un grand mélo triste et fascinant avec des personnages justes, grands et beaux.
On comprend l'Oscar du meilleur scenario. Une telle originalité a de quoi mettre K.O. et grâce au talent perché d'un tel réalisateur on se dit avec bonheur et impatience que le cinéma peut encore nous réserver des surprises colossales. A l'instar du récent Only lovers left alive, Her doit se voir plusieurs fois parce qu'il bouillonne d'idées et de trouvailles. Pour évoquer le passé de Theodore et sa femme Catherine, pas de flash-backs aux pesants dialogues, mais de petites scènes muettes comme autant d'épisodes évidents de l'intimité du couple. Pas d'effets spéciaux bien que l'histoire prenne place dans le futur, juste un jeu holographique avec un personnage d'extra-terrestre assez tordant et grossier dans l'appartement de Théodore. Et le téléphone ou smartphone ou iPhone de Theodore finit par correspondre comme jamais à l'interrogation de Lamartine :
"Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?"
Et c'est finalement Samantha elle-même qui rêve de s'incarner, être un corps pour que Theodore l'enlace enfin et l'aime. Par quel artifice, quelle astuce va t'elle tenter de prendre chair !
Le réalisateur nous cueille littéralement et nous pétrifie avec tout cet amour si joyeux, si bouleversant et finalement si déchirant. Et nous donne à contempler un acteur, Joaquin Phoenix, balai brosse sous le nez, pantalons taille haute improbables, mais prunelle céruléenne irrésistible, charme et séduction inouïs, d'une douceur exceptionnelle qu'on ne lui connaissait pas, il est Theodore, amoureux transi, alangui, solitaire et abandonné, seul à l'écran la plupart du temps et époustouflant comme souvent.
Après un Max et les Maximonstres détestable, Spike Jonze signe une œuvre geek magnifique, romantique, rêveuse, désespérée et joyeuse. Ce qui n'est pas la moindre des contradictions de ce réalisateur un peu maboul.
Commentaires
Enfin un film culte "Her" est un film charnière qui marque la fin du couple traditionnel et l’avènement de l'intelligence artificielle. Cependant, heureux de constater que même la machine cherche l'amour. "all we need is love". Spike Jonze tisse une subtile "love story" entre un cadre dépressif et un programme informatique doté d'une voix hypnotique signée Scarlett Johansson. Chapeau spike! c'est du très très grand art. Joaquin Phoenix, tout simplement impressionnant et magnétique. Ah! que ferions-nous sans le cinoche?
Oui c'est magnifique.
La voix de Johansson, très envie d'aller l'écouter.
J'ai entendu le résumé à la radio, et j'ai repensé à un film que je croyais avoir oublié "I love You" de Marco Ferreri (1986) Tu l'avais vu ?
Oh oui je l'avais vu... J'avais eu envie de m'acheter un porte-clé :-)
Je me demande comment ce film peut tenir en VF sans la voix de Scarlett !
Cours y vite !
Et "La cour de Babel" aussi INDISPENSABLE !
Yeah.
Ce soir pour nous,
Je lis pas, car tu vas me spoiler :p
JAMAIS je spoile boubourse.
Tout à fait d'accord avec toi sur "Her". L'un des meilleurs films que j'ai vus cette année pour l'instant. Images magnifiques, BO à tomber, interprétations superbement engagées, thématique passionnante... Spike Jonze, merci !
J'espère qu'il va être vu par beaucoup de gens et obtenir la reconnaissance qu'il mérite. Dans son genre, c'est presque le film d'une génération.
Ravie de ton enthousiasme.
Grand film effectivement.
Très beau billet, qui me donne envie d'aller voir de plus près cette romance hors du commun, finalement bien dans son époque (l'oreillette semble faire partie intégrante du corps de bien de nos concitoyens, semble-t-il).
Merci
Et en ce qui me concerne, je me ferais bien une deuxième séance !
Le thème ne me tentait pas beaucoup, geekitude et moi ça fait deux, mais tu risques de me faire changer d'avis.
Ah oui mais la geekitude aussi bien traitée et pas pesante pour un kopek files-y vit !
Tu me tentes alors que j'étais réticente malgré Joaquim que j'apprécie beaucoup !
Si en plus tu aimes Joaquin...
comment hésiter ?
Quelqu'un sait si ceci est adapté d'une pièce de théâtre ?? J'ai cru avoir entendu cela. Non ? Merci
Je n'ai rien entendu de tel.
Ah quel film. Tout simplement parfait. J'ai beaucoup aimé en particulier la relation de Théodore avec sa meilleure amie, qui paraît secondaire et qui pourtant est tout à fait bouleversante. Je redoutais la fin, on ne pouvait rêver mieux. Un grand film unique. Ce Joaquin ne cessera jamais de m'étonner
Oui... J'ai craint que la relation amicale n'évolue mais heureusement : non.
Et Amy Adams, j'adore. Pourquoi n'en parlé-je pas ?
Je crois que le spectateur aura tendance à se concentrer sur l'histoire d'amour virtuel, alors qu'il existe également cette très belle histoire d'amitié (sans oublier sa relation avec son ex). Et oui, j'ai aussi eu peur qu'elle évolue. Une des plus belles conclusions filmesques qu'il m'ait été donné de voir. Amy Adams m'a stupéfaite ! Elle peut aussi bien jouer les vamps comme la "girl next door". En tous cas Pascale, tu as su rendre justice à ce bijou (rien de surprenant là-dedans en revanche).