JOE de David Gordon Green ***
Dans une petite ville du Sud profond des Etats-Unis, poisseuse, oubliée, une ville de fin du monde, Joe la presque cinquantaine fatiguée est un ex-taulard que les flics ne parviennent pas à laisser vraiment tranquille.
Il n'aspire pourtant qu'à une chose : qu'on lui foute la paix. Alors il travaille. Il est responsable d'une petite entreprise chargée d'empoisonner les arbres afin de permettre à une entreprise plus importante de les abattre... Premier étonnement de découvrir ce "métier" à la lisière de la légalité on imagine. Mais Joe le fait consciencieusement et traite vraiment bien tous ses ouvriers. Le soir, il boit et fume, trop. Seul il regarde la télé et de temps en temps il se rend au bordel du coin où toutes les filles le connaissent.
Et puis Gary, un gamin de 15 ans vient s'installer dans les parages avec sa mère, sa sœur mutique et son père Wade. Le père est un cas. Affreux, sale, méchant, ivrogne et violent, il cogne Gary à tour de bras et est prêt à tout, vraiment tout pour une bouteille de gnole.
Joe engage Gary qui malgré son jeune âge se montre très courageux. Il s'attache à ce gamin quasi analphabète et tente de le protéger de son père imprévisible et brutal.
Et c'est beau comme l'antique. Bien sûr on peut trouver voire regretter que le réalisateur en ajoute dans le pathos et le sordide. Mais au final, on s'en fout car l'empreinte que le film laisse est grisante. Et puis il est sauvé par son ambiance cafardeuse, glauque, sinistre, sa musique hypnotique et ensorcelante qui ne nous fait pas douter un instant que le mal rôde, par ses paysages d'un sud déliquescent et pourtant actuel. Et puis, par ses acteurs. Et quels acteurs !
Le père, sombre ivrogne irrécupérable, est l'incarnation du mal comme on n'en voit rarement. Ce qu'il est capable de faire pour réussir à boire dépasse l'entendement. On se dit parfois que non, il n'ira pas jusque là, et il y va. Il est interprété par Gary Poulter, un SDF au destin tragique que je vous invite à découvrir ici. Nul doute que la cruauté de sa terrible existence l'a aidé à interpréter de façon aussi exceptionnelle ce type enragé.
Gary c'est Tye Sheridan. Ce nouveau petit prodige du cinéma a 17 ans et chacune de ses compositions tient du miracle. Il a déjà été le "fils" de Brad Pitt chez Terrence Malick, celui de Matthew McConaughey chez Jeff Nichols et aujourd'hui celui de Nick Cage. Prestigieuse filmographie en trois films et une présence magnétique, douloureuse, fantasque et entêtée.
Et puis Nicolas Cage démontre qu'être acteur, un bon, un grand, c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas. Inutile de jouer aux super héros dans des séries triple Z, et d'arborer diverses fantaisies capillaires, sa seule présence massive à présent suffit à l'imposer. Ce type peut-être doux, il protège Gary, recueille quelque temps une jeune femme perdue. Mais il peut être fou, nerveux, enragé et drôle et pathétique. Il est impressionnant, convaincant et sans le cabotinage épais dont il avait un peu fait sa marque de fabrique depuis quelque temps.
Ce film chez les bouseux du sud n'est pas une partie de rigolade (malgré une scène drôle et touchante où Joe apprend à Gary à avoir l'air triste tout en souriant : les filles ne résistent pas) mais il fait du bien là où ça fait mal, et surtout il est illuminé par un acteur de 17 ans incroyable.
Commentaires
J'y vais cette semaine, c'est certain.
Ce gosse m'avait subjugué tout pareil chez Terrence et Nichols, nul doute qu'il y aura la passe de 3.
Il est...
mais il est...
Tye quoi !
Bonsoir,
ce que j'ai aimé Tye Sheridan dans Mud, un regard bel acteur en devenir.
Bisous à toi et ton homme
Oui il est extraordinaire ce jeune garçon.
Quels choix de films !!!