MANGE TES MORTS - TU NE DIRAS POINT
de Jean-Charles Hue ***
Fred est une boule de nerfs, de rage. Il aboie beaucoup et mord très peu : "15 ans au mitard ça t'a pas oxygéné le cerveau !" lui balance un copain lorsqu'il sort de prison.
En effet Fred n'avait que 19 ans quand il a commencé à purger sa peine. Mais il n'est pas du genre à apprendre de ses erreurs passées. Il n'a pas changé et il répète à qui veut l'entendre qu'il est toujours le même. Il retrouve sa mère, une brave femme débordante d'amour pour ses grands gaillards, son frère Mickael et son demi-frère Jason qui n'a que 18 ans. Le jour même de son retour, il embarque ses deux frères et un copain dans une histoire délirante de vol d'un camion de cuivre. Car Fred n'a qu'une idée en tête, reprendre la même vie qu'avant. Il s'autoproclame le sauveur de sa famille de gitans sans admettre que pendant ses quinze années d'absence, elle s'en est parfaitement sortie sans lui. Fred est pathétique, ridicule, dangereux, impulsif mais aussi très attachant et surtout l'aîné, à ce titre les autres l'admirent et sont prêts à le suivre dans n'importe quel guêpier.
Mange tes morts n'est pas un documentaire, c'est une fiction, mais il s'appuie sur l'histoire vraie de la famille Dorkel que le réalisateur suit depuis 10 ans. D'ailleurs les acteurs/personnages portent leur vrais noms. Alors on embarque pied au plancher pour cette folle journée alcoolisée faite de "chourav", de courses de voitures dans la tradition de la Fureur de vivre... on démarre en laissant trois cms de gomme sur le bitume et on fonce.
Le film est comme le sale coup mal préparé par Fred : débridé, désorganisé, frénétique. Une folle journée et une folle nuit parfois hilarante... Fred est incapable de trouver la route de Creil et trop fier pour le reconnaître et quand son frère s'écrie "c'est par là, j'ai vu le panneau", il s'agit de Créteil. Les quatre lascars parlent beaucoup, énormément, passionnément, parfois pour ne rien dire, parfois pour dire tout et son contraire dans la même minute et c'est un régal si comme moi vous aimez les langages, les patois, les dialectes.
Les mœurs, les coutumes, le style de vie, l'entraide, le sens de la famille, les codes de l'honneur donnent à ce film des airs de western, western urbain évidemment. Le film comme les personnages sont des ovnis.