SAINT LAURENT de Bertrand Bonnello **
Synopsis : 1967 - 1976. La rencontre de l'un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre. Aucun des deux n’en sortira intact.
Au match YSL-Lespert Vs SL-Bonnello, je dirais que Jalil Lespert sort vainqueur. A quoi ça tient ? Peut-être au fait qu'il soit arrivé le premier et que s'il avait vu la version de Lespert, Bonnello aurait peut-être évité les répétitions. De toute façon deux biopics sur le même personnage, aussi illustre soit-il, à 9 mois d'intervalle, on peut s'interroger !
Enfin, voilà, le mal est fait et même s'il se défend d'avoir fait un quelconque biopic, Bertrand Bonnello raconte quand même la vie d'Yves Saint Laurent en s'attardant il est vrai sur une décennie précise mais en s'autorisant des va et vient dans l'enfance et en nous assommant avec une agonie solitaire interminable absolument inutile. D'autant qu'en lieu et place de Gaspard Ulliel (plus que parfait), le réalisateur lui substitue Helmut Berger en Saint Laurent vieillissant. Était-ce bien utile ? Et suprême cruauté ou hommage maladroit, le pauvre Helmut, méconnaissable sous ses 70 ans, se voit contraint en YSL abandonné, de visionner le film Les Damnés de Visconti... dans lequel joue un certain Helmut Berger de 25 ans, alors déclaré plus bel homme de la planète...
Là où Jalil Lespert nous racontait le parcours saisissant d'un artiste, d'un créateur et surtout une histoire d'amour magnifique entre Saint Laurent et Pierre Bergé, Bonnello s'attarde voire s'appesantit sur les zones sombres de l'artiste tourmenté, sans doute à jamais fêlé par les électrochocs subis à l'adolescence, mais aussi sur son inconséquence (la mort de son chien...). Le sexe, l'alcool et la drogue comme seuls palliatifs aux affres de la création et à la fragilité. Yves Saint Laurent est déconnecté du monde, enfermé dans une cage dorée surréaliste. Sa mère le lui dit mais il s'en cogne. Ce qu'il ne sait pas faire, changer une ampoule, les autres s'en chargent.
Déjà particulièrement vulnérable, il tombe amoureux de Jacques de Bascher et entame avec lui une relation toxique dans tous les sens du terme. Ce mondain futile et libertin, "muse" de Karl Lagerfeld, sans doute aussi sincèrement amoureux de Saint Laurent l'entraîne davantage encore dans une chute dont ni l'un ni l'autre ne se remettront réellement. Tandis que Pierre Bergé est présenté uniquement comme un homme d'affaires froid et calculateur qui mettra fin brutalement à la liaison de Saint Laurent et De Bascher.
La réalisation est élégante, soignée. Quelques split screens nous renseignent sur l'état du monde des seventies pendant que les mannequins défilent avec des tenues et parures que quelques rares personnes au monde peuvent s'offrir. Sans doute pour préciser que pendant que Saint Laurent et ses équipes se cassent la tête pour une fashion week, se remplissent le pif et les veines, soignent leurs cirrhoses... le reste de la planète est à feu et à sang.
Certaines scènes sont intéressantes. Voire passionnante, telle celle où Pierre Bergé est aux prises avec des financiers, actionnaires et investisseurs américains pour "récupérer" la marque Saint Laurent. La transformation de Valeria Bruni Tedeschi (plus chuchotante que jamais !) est exceptionnelle : un thon se transforme en sirène sous nos yeux... bluffant. Le défilé de la collection superbe hyppie chic de 76 donne envie de ressortir les robes baba cool. etc, etc...
Mais tout cela manque cruellement d'âme et totalement d'émotion. Pourtant Gaspard Ulliel met le paquet tout en finesse pour nous bouleverser mais le réalisateur semble ne pas suivre son acteur habité. Un comble non ? Et si Jérémie Rénier ne fait pas le poids en Pierre Bergé, Gaspard Ulliel domine le film tout entier, pas uniquement par sa ressemblance incroyable avec son modèle, ni par son mimétisme (gestes, voix) ni par son exceptionnelle beauté (+ un full frontal de toute beauté !!!) mais par son interprétation fébrile, fiévreuse, exaltée. Son meilleur et plus beau rôle jusque là. On a hâte de le revoir dans un rôle un peu moins "marqué".
Commentaires
je l'ai vu hier et j'ai été déçue. Je l'ai trouvé beau, mais pompeux, avec ses ralentis... et assez vide. il ne se passe pas grand chose pendant 2h30! mais j'ai beaucoup aimé aussi la scène de la négociation et l'interprétation de Gaspard Ulliel.
Voilà, chic et toc !
Mais Gaspaaaard !!!
Je vais y aller, mais je sens la déception arriver par rapport au film de Jalil Lespert. En tout cas Bonnello a une campagne de pub bien orchestrée, à la radio cette semaine je n'ai entendu que lui dans toutes les émissions. Karl Lagerfeld, interwievé, disait qu'il ne le regarderait pas, il a connu l'histoire de l'intérieur et ça le fait rire, les deux films sont très loin de la réalité d'après lui.
Vu que Karl et Yves se sont partagés le même Jacques De Bascher... je pense que Karl ne l'a toujours pas digéré.
J'ai entendu Karl chez Augustin évidemment :-)
Quant à l'omni présence de Bonnello dans MA radio, c'était dingue. Et le plus dingue c'est qu'il ne parle jamais de Gaspard Ulliel qui sauve le film !