THE TRIBE de Myroslav Slaboshpytskiy ***
Un jeune homme, sourd et muet entre dans un internat. A peine arrivé, il découvre tous les rites de passages obligés pour intégrer l'école, un bizutage de l'extrême. Rapidement il comprend que pour avoir la paix il lui faut agir comme les autres. C'est-à-dire avec la plus extrême violence.
Pour une fois tous les superlatifs de l'affiche sont justifiés. Evidemment il y a deux "écoles" pour "apprécier" ce film. Ceux qui estiment que le réalisateur méprise ses spectateurs puisque ceux qui maîtrisent la langue des signes doivent être minoritaires, et ceux qui trouvent que cette expérience cinématrographico-sensorielle est une aventure inédite et plutôt exceptionnelle quoique la plupart du temps éprouvante.
On est prévenu, le film a été tourné en langages des signes. Il n'y a donc ni dialogue, ni musique, ni commentaires. Et franchement, c'est surprenant, mais passionnant. Et à aucun moment gênant ou décevant car les sons, les bruits que seul le spectateur entend le met dans une position différente des personnages, ce qui est rare. On ne comprend pas toujours ce que les personnages se disent mais cela demande une attention, une concentration que peu de films exigent. C'est certes parfois frustrant car certaines scènes restent absconses mais "l'aventure" est néanmoins fascinante. A de nombreux points de vue. Comme si l'on prenait conscience que la parole n'est pas nécessaire au ciné ce qui est évidemment très troublant. Et puis la gestuelle des sourds-muets est belle à regarder. C'est assez "drôle" de voir à quel point les filles sont des pipelettes !
Quant à l'histoire, elle vous maintient vissé au fauteuil. Les garçons plus âgés rackettent et terrorisent les plus jeunes et prostituent les filles. Celles-ci victimes à la fois consentantes et conscientes qu'il doit exister un ailleurs meilleur sont livrées chaque nuit à des routiers sur des parkings. Violence et cruauté sont le quotidien. Quant aux adultes, en plus d'être tous sourds et muets dans l'établissement, semblent également aveugles. D'ailleurs certains profs participent à la prostitution des filles !
En longs plans fixes, le réalisateur choque et installe un malaise avec des scènes d'une violence parfois insoutenables. J'avoue avoir dû fermer les yeux lors de la scène finale et avoir été proche de la nausée lors d'un avortement filmé en temps réel (Cristian Mungiu peut aller se rhabiller) où une jeune fille se fait charcuter par une bonne femme sans cœur et d'une brutalité sans nom.
Néanmoins ce film unique est une expérience à tenter et au milieu de cette déshumanité une histoire d'amour timide essaie sans succès de s'immiscer.
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A voir ABSOLUMENT :
Mommy de Xavier Dolan ****
Gone Girl de David Fincher ***
Commentaires
très étonnant, ce parti pris. un film en langue des signes (qui est une langue à part entière, on est bien d'accord), qui est donc projeté sans sous-titres pour les personnes qui ne connaissent pas la langue des signes ? penses-tu que le film aurait perdu en intensité/intérêt avec des sous-titres ?
Je ne pense pas qu'il aurait perdu en intensité mais en lisant les sous-titres on perdrait sans doute son attention vers les images et les gestes.
comme dans n'importe quel film en langue étrangère qu'on ne comprend pas, j'ai envie de dire. :-)
c'est vrai que le problème des films sous-titrés (dont la langue originale nous est inconnue) est que notre attention doit se focaliser sur les sous-titres pendant quelques secondes - mais si le sous-titrage est fait dans les règles de l'art, ça ne nuit pas au film.
je ne m'imagine pas aller voir un film japonais non sous-titré (et encore moins doublé). ;-)