QU'ALLAH BÉNISSE LA FRANCE d'Abd Al Malik **
Avant sa conversion à l'Islam, Abd Al Malik était Régis et il vivait dans une téci de Strasbourg avec sa mère et ses frères et sœurs. Après avoir raconté son parcours dans un livre Qu'Allah bénisse la France, le chanteur, rappeur français l'adapte au cinéma.
Et on peut dire qu'il revient de loin le jeune Régis, car ses fréquentations le destinent plutôt à la délinquance avec laquelle il flirte dangereusement entre vols de sacs et deal de drogues. Mais heureusement grâce à ses grandes prédispositions à la philosophie, à la littérature et soutenu par une prof' de français, du genre dont on rêve pour être bien orienté, il poursuit des études, rencontre l'amour, se convertit à l'islam soufi et devient l'artiste qu'on connaît.
On ne peut s'empêcher de penser à La Haine de Matthieu Kassovitz, un des premiers films sur la banlieue, presque 20 ans déjà... Même noir et blanc, même tentative de réconciliation, même discours sur les difficultés d'intégration, mêmes jeunes qui dealent et glandent au bas des immeubles, même tchatche fleurie et verlan savoureux. Hélas si le film est parcouru de beaux moments, on ne retrouve pas le beau discours humaniste des chansons du réalisateur. Je n'ai pas senti le message d'espoir mais plutôt vu un constat assez terrifiant et le parcours atypique d'un petit prodige qui s'en sort. Mais tout le monde, même avec la meilleure volonté, ne peut pas être surdoué et sortir de la banlieue par la grande porte.
Néanmoins certaines scènes comme celle où le jeune homme prend conscience qu'il est temps de prendre sa vie en main et que ses amis disparaissent de la photo (morts par overdose, par pendaison en prison, par accident, du sida...), toutes celles avec la lumineuse Sabrina Ouazani, celle où un islamiste lui explique qu'il est inutile de prétendre s'habiller comme le Prophète et que d'ailleurs le Prophète ne devait pas porter des Air Max, celle où un ami proche explique que les 10 prochaines années il les passera en prison... sont vraiment fortes et chargées en émotion ou en humour.
L'acteur Marc Zinga est parfait et les trop rares mais très réussis moments musicaux donnent envie d'écouter à nouveau le douloureux Soldat de Plomb et le parfait Gibraltar.