RENCONTRE AVEC LES INVITÉS DE LA COMPÉTITION - FESTIVAL INTERNATIONAL DU PREMIER FILM D'ANNONAY 2015
La traditionnelle rencontre a lieu pour la première fois à la MJC, lieu quasi mythique qui voit naître le festival chaque année.
De gauche à droite : Florence (chargée de la traduction anglais/français et réciproquement), Gaël (directeur artistique dont on ne voit que la main tenant le micro), Andrew Huculiak mon chouchou réalisateur de Violent (s'il n'a pas le Grand Prix, je fais un esclandre !), Sebastiano Riso réalisateur de Mezzanote les nuits de Davide (en gilet bleu, et son ami (pull clair) chargé de traduire), Hocine Choutri acteur de The Narrow Frame of Midnight, Eskil Vogt réalisateur de Blind, Fred Nicolas réalisateur de Max et Lenny,
Je vous propose ci-après un résumé de cet échange.
Andrew Huculiak
Sebastiano Riso et Hocine Choutri
Eskil Vogt réalisateur de Blind, Fred Nicolas
Gaël Labanti : le point commun marquant des films de la compétition semble être la volonté de construire des personnages d'outsiders qui se cherchent. Est-ce le point de départ de vos films ?
Fred Nicolas (Max et Lenny) : En effet, Lenny apprivoise le monde avec une lunette de chasse. Et cherche à s'intégrer dans un monde hostile.
Eskil Vogt (Blind) : Les outsiders sont plus intéressants. Ingrid est une femme aveugle mais elle est pour moi une femme forte, pas une victime.
Hocine Chocri (The narrow frame of midnigth) : En tant qu'acteur, je préfère jouer des personnages confrontés au monde et à des problèmes. Dans ce film, tous les personnages sont perdus et essaient de se trouver.
Sebastiano Riso (Mezzanote - Les nuits de Davide) : L'adolescence est un moment particulier de la vie que tout le monde connaît. C'est un moment de faiblesse et de manque d'équilibre. Davide est en état de déséquilibre majeur, dans la confusion des genres et son manque d'identité le place dans une instabilité encore plus forte. Tous les ados connaissent cette phase caractéristique, exacerbée chez Davide.
Andrew Huculiak (Violent) : Dagny est confrontée à des problèmes difficiles à gérer. Elle se débat avec des notions telles que la mort, la maturité, le fait de grandir.
Gaël Labanti : on prétend souvent que dans les premiers films la direction d'acteurs est négligée. Or on découvre cette volonté de révéler de jeunes acteurs. Quelle est pour vous la place du comédien ?
Fred Nicolas : J'aime l'idée de découvrir les acteurs de demain. Pour mon film, Max et Lenny, je voulais des filles qui soient déjà un peu les personnages afin de permettre un réalisme un peu cru, même si le parcours de Max et Lenny est inventé.
Lenny est sombre, torturée. Max est généreuse, solaire, joyeuse. Les deux actrices ont mis beaucoup d'énergie dans leurs personnages. La conquête et la découverte d'un monde nouveau pour elles étaient intéressantes à saisir.
Eskil Vogt : Pour Blind, j'ai mélangé des acteurs confirmés à d'autres qui le sont moins. Bien que j'avais l'idée de l'actrice principale dès le début de mon projet, j'ai quand même casté plus de 200 personnes pour revenir à mon choix initial. Ingrid est élégante, arrogante. Impossible de la réduire à une victime.
Hocine Chocri : Seule la petite fille a été trouvée lors d'un casting sauvage. Tous les autres acteurs sont confirmés. Les jeunes réalisateurs en France ont peur des acteurs. Ils cherchent souvent quelqu'un qu'ils ont croisé pour interpréter leur personnage principal mais il y a souvent un déséquilibre quand on utilise des amateurs. L'expérience est un atout.
Sebastiano Riso : Les acteurs sont faits pour se transformer mais parfois il faut trouver le visage exact qui correspond à ce qu'on attend. J'ai fait un casting de 9 000 jeunes pour trouver Davide et quand j'ai rencontré Davide, j'ai fait un transfert sur lui puisque l'histoire est autobiographique. Il a chanté Nina Simone alors qu'il n'a que 14 ans et que c'est ma chanteuse préférée. Il était l'alien que je cherchais.
Andrew : Je n'ai fait le film qu'en un mois. Avec la barrière de la langue il fallait être intuitif pour trouver les acteurs. Les norvégiens pensaient qu'il s'agirait d'une grosse production. En tout cas, coup de bol ou talent, les acteurs sont parfaits.
Hocine : L'acteur est un mélange de ce qu'il est dans la vie et de son travail. Il dose la composition et le naturel. Pour mon rôle de salaud dans The narrow frame of Midnight, je me suis inspiré de salauds que je connaissais.
Gaël : quelle est l'importance de la topographie dans vos films ? Auraient-ils pu se passer ailleurs ?
Eskil : mon film aurait pu se passer dans n'importe quelle ville. Olso est finalement devenue importante mais pas au moment de l'écriture.
Sebastiano : Une ville synthétise ce qu'est une population. Catane est aussi devenue un personnage du film. Cette ville a été très courageuse pendant le fascisme. Mussolini a expatrié les homosexuels dans une île. Si l'aspect que je montre de la ville paraît obscur, il est pour moi le plus authentique de la ville.
Andrew : Bergen est un choix intentionnel. La démarche était de tourner dans une ville et dans une langue étrangères. Cela aurait pu être au Japon ou au Mexique, mais nous sommes tombés amoureux de Bergen qui a sa propre pulsation.
Fred : Marseille aussi est un personnage. C'est un monde en elle-même. Un monde à conquérir pour les personnages. Max et Lenny partent à la conquête du Centre Ville après un aparté dans la nature. Elles vont vers l'inconnu.
Gaël : Connaissez-vous les réactions du public à vos films ?
Hocine : Les marocains voient le film au premier degré. Les italiens commentent pendant la projection. Les allemands sont silencieux. Les anglais discutent beaucoup après le film. En France mon personnage fait peur.
Sebastiano : mon film est censuré en Italie alors qu'il n'y aucune scène de sexe, aucun homicide. C'est l'homosexualité qui est toujours un tabou.
Andrew : Les critiques sont plutôt positives. En Espagne, des gens sortent pendant la projection. Au Mexique les gens ont ri quand ce n'était pas drôle. En France et au Canada, les gens rient aux mêmes moments, comme je l'avais envisagé.
C'est la responsabilité du réalisateur de faire au mieux, ensuite le film ne lui appartient plus et cela devient la responsabilité du spectateur.
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Evidemment, il ne s'agit que de quelques propos de cet échange qui a duré une heure et demie et c'est toujours un de mes moments favoris du Festival.
En tout cas, quelle belle conclusion !
Commentaires
C'est ce qui est chouette dans les festivaux, qu'ils soient de cinéma ou littéraires, ce sont les moments de rencontres.
Absolument.
Un festival, des festivaux :-)