LE LABYRINTHE DU SILENCE de Giulio Ricciarelli ***
Dans les années 60, un jeune procureur de Francfort dont le travail consistait jusque là à condamner les infractions routières, incité par un journaliste dont un ami a reconnu un de ses bourreaux du camp de concentration où il a séjourné, se met en tête de poursuivre ceux qui n'ont pas été jugés comme criminels de guerre.
L'Allemagne amnésique semble avoir bien réussi sa reconstruction et chacun a apparemment repris une vie "normale". Mais savoir que les anciens nazis occupent à nouveau leurs postes d'avant guerre est intolérable pour Johann Radman qui va mener un combat contre l'oubli en accumulant les témoignages implacables des survivants.
Réalisé de façon classique, ce Labyrinthe du silence n'en est pas moins un vibrant plaidoyer pour un devoir de mémoire que les allemands de l'époque préféraient évidemment passer sous silence. Quel traumatisme pour tout un peuple de vivre parmi ceux à l'origine d'un des plus terribles holocaustes de l'histoire de l'humanité ! Quelle surprise de constater que la plupart des allemands et surtout les plus jeunes, n'avaient pas eu connaissance de l'existence des camps de concentration et d'extermination ! Comment imaginer que chaque famille abritait pratiquement à coup sûr un ancien nazi ? Cela ne pouvait forcément qu'arriver à l'autre !
De façon intransigeante et organisée, aidé par un collègue et une secrétaire rapidement concernée par l'horreur de ce qu'elle découvre, le procureur va faire défiler dans son bureau quelques survivants. Et le réalisateur a la bonne idée de ne pas s'encombrer de flash-backs, ni même de nous faire entendre les témoignages. Des plans fixes sur les visages ravagés des rescapés, coupables d'être encore vivants suffisent. Les années ont passé, notre imagination et ce que l'on sait et que l'on a vu de cette époque suffit à nous représenter le pire.
Peu à peu obnubilé par Josef Mengele, l'une des pires ordures barbares que la terre ait portée, coupable d'expérimentations sur les enfants et surtout les jumeaux, le jeune procureur y laissera quelques plumes, perdra aussi quelques certitudes mais aussi sa naïveté, sa foi en l'être humain.
Remarquable d'intelligence et de dignité, cet étonnant premier film passionnant réussit aussi à ne pas sombrer dans le sentimentalisme avec une histoire d'amour nullement convenue. La belle métaphore (moi qui ne comprends souvent rien aux métaphores) de la veste déchirée puis réparée mais pas tout à fait... est vraiment belle et inédite.
Commentaires
J'ai beaucoup apprécié ce film, captivant de bout en bout. J'ignorais l'existence de ce procès-là et la ténacité qu'il avait fallu pour le mener à bien. Tout cela sans sacrifier l'aspect fiction. La scène de la veste est très réussie en effet, toute en finesse (et en promesse).
Je ne connaissais pas non plus.
Je me demande si le vrai Johann Radman est aussi choupi que l'acteur du film.
La scène de la déchirure... c'est vraiment canon :-)
Le vrai Johann Radman n'existe pas ; le réalisateur a fait un mélange des trois jeunes procureurs qui s'occupaient du procès. Et ils n'étaient certainement pas aussi séduisants.
Mais oui c'est vrai je l'avais lu.
Il est trop chou cet Alexander mais cette langue... !!!
Un film que tout le monde devrait aller voir ! Je suis toujours révoltée quand j'entends des remarques du style "bof, on en parle trop de la 2ème guerre mondiale, il est temps de passer à autre chose". C'est justement la réflexion du jeune avocat : aller jusqu'au procès, ou laisser tomber ? Son ami lui fait remarquer avec pertinence : "nous le devons aux victimes, d'aller jusqu'au bout".
J'ai beaucoup apprécié la sobriété de l'ensemble. Comme quoi, on peut encore en apprendre sur la 2ème guerre !
Oui c'est un puits sans fond !
Mais passer à autre chose ? Tu crois qu'ils veulent dire qu'il faut passer à la troisième ???
Et il t'a pas donné envie de faire du droit le proc' ?
Passer à la 3ème, ça doit être ça... ;)
Même pas donné envie ! Le droit, bien qu'essentiel, m'a toujours paru fastidieux. Heureusement que certains ont la carrure pour!
Idem.
Salut Pascale.
J'ai beaucoup aimé ce film. Il est très académique, mais il est des choses d'une très grande importance, aussi. Et il larmoie pas, ce qui est tout à son honneur.
Ni larmoyage ni manichéisme, un exploit !
Il n'est jamais trop tard pour inscrire les événements dans les livres d'histoire. J'ai beaucoup apprécié ce film, en live avec Pascale !, et déjà ce jour-là, je lui ai dit que l'Allemagne n'était pas la seule à être "amnésique". Il a fallu beaucoup de temps ici aussi pour que les déportés revenus aient le droit d'être écouter et qu'ils arrivent à en parler.
Et puis quand je lis ceci :
http://www.liberation.fr/monde/2015/05/05/algerie-la-chasse-est-ouverte_1291997
et ceci :
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20150506151212/
Je me dis que la France aussi aurait eu des procès à faire !
Quel film et quel bel hommage! C'est souvent difficile de ne pas faire un film manichéen quand on aborde la 2nde guerre mondiale. Or Johann Radman, avec ses doutes, ses peurs et ses maladresses est vu comme un humain et non pas un héros invincible dans un film où tout serait "tout noir ou tout blanc". Le décore juridique renforce aussi la portée du film.