5 sœurs, aussi belles et brunes qu'étaient belles et blondes les sœurs Lisbon de Virgin Suicid, fêtent la fin de l'année scolaire en s'amusant au bord de l'eau avec des garçons.

Ce moment de gaité innocent est mal perçu par une sorcière voisine qui s'empresse d'aller dire à la grand-mère qui élève les cinq filles depuis la mort de leurs parents, qu'elles se sont masturbées sur la nuque des garçons. En effet, les garçons les ont portées sur leurs épaules !!! La réaction de la grand-mère est violente mais n'a rien à voir avec celle de l'oncle que cette pustule crève en enfer* qui vit aussi dans la maison et ne trouve pas de mots pour exprimer la honte dont les filles ont couvert la famille.

Difficile de ne pas penser au film de Sofia Coppola tant le sort des cinq sœurs se ressemble par certains aspects. Mais les américaines, quoique dominées par une mère autoritaire et possessive, étaient saisies d'un mal existentiel désespéré alors que nos 5 héroïnes vivent dans un patelin loin de tout en Turquie et qu'elles portent sur leurs épaules le poids des traditions qui semblent encore vivaces dans les contrées reculées. Evidemment ce sont toujours les filles qui trinquent. Et elles ne rêvent que d'Istanbul qui se trouve à mille kilomètres.

Après leur méfait impardonnable, la maison se transforme en "usine à mariage" et toutes les vieilles du coin se succèdent pour venir leur apprendre la vraie vie : ménage, cuisine, couture... A la rentrée leurs copines s'étonnent de ne plus les voir au lycée. Des prétendants se succèdent et les mariages arrangés s'organisent. Si l'aînée a le bonheur de pouvoir épouser le garçon qu'elle aime et qui l'aime, les autres en sont réduites à se soumettre à des hommes et des familles qu'elles voient pour la première fois. Et c'est terrifiant. Peu à peu dans la maison, il restera 4 filles, puis 3, puis 2... Je vous laisse découvrir comment et pourquoi.

La réalisatrice, une toute jeune femme dont c'est le premier long métrage, pointe toutes les contradictions de cette société patriarcale où les filles vivent quasi nues barricadées dans leur maison, l'oncle ne cesse d'ajouter des barreaux et des grilles car elles ont plus d'un tour dans leur sac pour s'échapper, et doivent sortir vêtues dans la rue de robes de bure. C'est la plus jeune de 13 ans qui est animée par le plus vif désir d'indépendance, une soif de liberté. Sa révolte saine prête parfois à sourire mais quelle énergie elle déploie !

La place des femmes en Turquie semble poser un vrai problème à la société et surtout aux hommes turcs et ce film admirable, indispensable, drôle et tragique en fait la démonstration. Si seulement nos ados et les ados d'Un moment d'égarement pouvaient aller le voir !

Les cinq jeunes actrices sont toutes ensemble et individuellement FORMIDABLES.

* Ai-je bien compris ou cette ordure rejoint réellement ses nièces, qu'il considère souillées, la nuit dans leur chambre ???