L'ODEUR DE LA MANDARINE de Gilles Legrand ***
Eté 1918. Angèle, se rend avec sa petite fille dans la propriété de Charles pour devenir son infirmière à domicile. L'amour de la vie d'Angèle et père de son enfant vient de mourir au front et Charles y a perdu une jambe.
Entre ces deux éclopés de la vie et plus encore de la guerre se noue quasi instantanément une amitié fofolle qui permet à chacun d'eux de se relever en douceur. Leur complicité, leur humour, leur complémentarité sont terriblement stimulants. Hélas, Charles fait une proposition à Angèle qu'elle transforme en marché malgré sa crainte justifiée que leur belle amitié en pâtisse.
Et bien voilà un film revigorant vraiment inattendu. La nature, les animaux, les métaphores et les sous-entendus sont au programme, et la relation entre Charles et Angèle gorgée de joyeuses grivoiseries est de celle, évidente, dont on rêve. Au loin, le canon gronde encore, la guerre n'est pas encore finie. Un type étrange, sans doute déserteur fait irruption dans le duo. Ce n'est pas la partie la plus réussie mais elle ne nuit pas à l'effet positif et énergique du film.
La première demi-heure malgré le chagrin inconsolable d'Angèle qui voue un culte à son amour défunt et la douleur de Charles d'être devenu infirme est étonnamment gaie et l'on rit plusieurs fois aux éclats de voir ces deux énergumènes vivre ensemble sans être un couple ! Leurs beuveries autour d'un billard, les moqueries d'Angèle "n'exhibez pas votre moignon devant les femmes, cela pourrait les effrayer", sa façon de réapprendre à Charles à monter à cheval "j'étais officier de cavalerie, je ne savais pas que je finirais en amazone !", leur mariage hilarant, la rédaction du contrat de mariage tordant... tout est prétexte à s'amuser, badiner, batifoler. Et le spectateur dans son fauteuil est convié à la rigolade.
Hélas, tout se gâte quand intervient les notions de désir et de plaisir qui ne se révèlent pas évidents et surtout pas partagés. Et que Charles se met en tête de faire jouir sa compagne, femme d'un seul homme à qui elle reste fidèle et qui ne ressent strictement rien aux assauts répétés de son partenaire. Dommage que le réalisateur n'ait trouvé que la jalousie pour faire évoluer les relations des personnages de son film très sexuel. Ah les hommes et leur entre-jambe !!!
J'imagine que toute actrice doit rêver d'obtenir un jour un tel rôle, tellement positif, optimiste et Georgia Scallet belle comme le jour porte le personnage d'Angèle, femme libre dans un monde d'hommes, solidement, avec beaucoup d'ardeur et d'audace. Elle illumine le film de bout en bout, le vampirise, l'engloutit et le porte haut. Charles ne s'y trompe pas qui voit en elle la vie !
Olivier Gourmet suit le mouvement avec charme, prestance et douleur. Et Hélène Vincent, actrice éternellement juvénile est un spectacle. Regardez-la, même quand elle ne doit pas jouer, elle joue quand même.
Un film tonique, vivifiant, réconfortant. Rare donc.