UNE HISTOIRE DE FOU de Robert Guédiguian **
Berlin 1921, Talaat Pacha, principal responsable du génocide Arménien est exécuté dans la rue par Soghomon Tehlirian dont la famille a été entièrement exterminée. Lors de son procès, il témoigne du premier génocide du 20ème siècle tant et si bien que le jury populaire l’acquitte.
Soixante ans plus tard, Aram, jeune marseillais d’origine arménienne, fait sauter à Paris la voiture de l’ambassadeur de Turquie. Un jeune cycliste qui passait là par hasard, Gilles Tessier, est gravement blessé. En fuite, Aram rejoint l’armée de libération de l’Arménie à Beyrouth, foyer de la révolution internationale dans les années 80. Avec ses camarades, jeunes arméniens du monde entier, il pense qu’il faut recourir à la lutte armée pour que le génocide soit reconnu et que la terre de leurs grands-parents leur soit rendue.
Gilles, qui a perdu l’usage de ses jambes dans l’attentat, voit sa vie brisée. Il ne savait même pas que l’Arménie existait lorsqu’Anouch, la mère d’Aram, fait irruption dans sa chambre d’hôpital : elle vient demander pardon au nom du peuple arménien et lui avoue que c’est son propre fils qui a posé la bombe.
Pendant que Gilles cherche à comprendre à Paris, Anouch devient folle de douleur à Marseille et Aram entre en dissidence à Beyrouth… jusqu’au jour où il accepte de rencontrer sa victime.
J'aurais aimé aimer davantage ce film de Guédiguian qui fait toujours alterner grand bonheur cinéphile et petite déception. Ici je me suis sentie frustrée car en multipliant les histoires, les points de vue et les "dossiers", aucun ne m'a semblé totalement approfondi et abouti. J'aurais aimé pouvoir me "consacrer" davantage à l'un ou l'autre des personnages. Et pourtant la partie évoquant ces jeunes gens menés, voire influencés et manipulés par des hommes beaucoup plus âgés qu'eux, qui vont en quelque sorte se radicaliser dans un pays étranger pour revenir frapper en France a un écho particulièrement vibrant ces jours ci. Mais il y a aussi le "devoir de mémoire", la reconnaissance du premier génocide du XXème siècle, celui des arméniens, la vengeance des descendants, la justice, le pardon et encore le sort des victimes collatérales qui n'ont que le tort de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Cela fait beaucoup, cela fait trop.
Et d'ailleurs, la longue exposition en noir et blanc située en Allemagne en 1921 qui reconstitue l'assassinat de Talaat Pacha puis le procès de Soghomon Tehlirian responsable de l'exécution est celle que j'ai trouvé la plus passionnante. Portée hautement et fièrement par Robinson Stévenin, émacié, sérieux, sévère, rigoureux, l'acteur impressionne dans cette froide et très instructive évocation. Et l'incroyable procès est davantage l'occasion pour la communauté internationale de lever le voile sur l'impunité des responsables du génocide que sur l'auteur de l'attentat. On reproche à Guédiguian l'aspect didactique de son film. C'est ce que je lui préfère.
Ensuite, l'histoire de la famille d'Aram dont le père est un modèle d'intégration puisqu'il est devenu commerçant à Marseille et la mère et la grand-mère plus radicales et qui entretiennent le permanent souvenir du drame de leur peuple, est moins touchante quoique sans doute plus universelle.
Je me suis trouvée en permanence à me dire : j'y crois, j'y crois pas. La générosité, l'altruisme, la sincérité de Guédiguian n'est pas mise en cause. Mais lorsque la mère d'Aram s'impose à l'hôpital pour aller demander pardon au jeune Gilles Tessier dont les jambes et la vie sont brisées puisqu'il passait à vélo lorsque la bombe a explosé, je n'y ai pas cru. Est-ce qu'une mère irait en quelque sorte exposer son fils, le dénoncer ? Une famille, même accablée par l'acte commis par son enfant, accueillerait-elle la victime au point de la loger dans la propre chambre du bourreau ? La victime peut-elle vivre avec la famille de son bourreau, même involontaire ? Peut-on ou pouvait-on aussi aisément se rendre au Liban pour séjourner non loin du camp d'entraînement des futurs terroristes ? Peut-on y retourner, passer un barrage d'hommes surarmés et aller déposer des fleurs ? Et toutes les petites choses semées de ci de là où l'on frise l'agacement... Gilles découvre dans la chambre d'Aram précisément le disque de France Gall dont il fredonnait une chanson lorsqu'il a sauté sur la bombe. Et j'en passe et des too much.
Robert toujours amoureux de son Ariane la filme toujours aussi langoureusement... Les acteurs sont très bien et je pourrais écouter Simon Abkarian me lire les pages jaunes sans broncher. Mais...
Commentaires
Bon, et bien Bond alors. Tant pis.
Ben ya du bon quand même !