L'HERMINE de Christian Vincent ***
Michel Racine est Président de cour d'assises à Saint-Omer. Son surnom est "le Président à deux chiffres" car avec lui, on en prend toujours pour plus de dix ans.
Froid et antipathique avec son entourage professionnel, tout ce qu'il fait semble être mécanique comme s'il était dénué de la moindre émotion. Mais le jour où Racine découvre Ditte Lorensen-Coteret parmi le jury qui va devoir juger un homme accusé d'homicide sur son bébé de 7 mois, sa carapace se fendille. Racine a jadis aimé cette femme en secret. Cet amour n'ayant pas été payé de retour, revoir cette femme lui donne toutes les audaces et aussi quelques faiblesses.
J'ai trouvé très beau de voir cet homme et cette femme tomber amoureux l'un de l'autre. Rien ne s'oppose à ce qu'ils le fassent. Ni contrainte, ni obstacle. Deux adultes consentants qui ont déjà vécu. Et le réalisateur a la bonne idée de ne nous monter que les prémices d'une éventuelle relation à venir. Fabrice Lucchini aussi odieux et désagréable qu'il peut être dans son travail se transforme en loukoum dès qu'il est face à Sidse Babett Knudsen. On le comprend, cette femme est d'une beauté incroyable, douce, lumineuse, rassurante.
Mais l'histoire d'amour à venir se situe à la périphérie de ce qui préoccupe le réalisateur qui se concentre davantage sur les coulisses d'un tribunal et les étapes successives d'un procès. Et encore plus au rôle absolument déterminant, tellement difficile et ingrat de juré. A ce titre, j'ai trouvé que le film était particulièrement documenté et parfaitement réaliste.
J'ai été moi-même choisie pour faire partie d'un Tribunal d'assise en octobre 2010. C'est un tirage au sort et c'est OBLIGATOIRE. Chaque jour il faut se présenter au Tribunal, le Président tire au sort des noms et les avocats des deux parties doivent vous récuser ou pas. Je n'ai pas été récusée. J'ai même été Premier Juré. J'ai donc assisté pendant toute une matinée à la lecture des faits d'actes de barbarie reprochés à un type sur six enfants pendant plusieurs années. Les enfants, devenus ados ou jeunes adultes étaient tous là... face à ce type, leur père ou leur beau-père. C'était éprouvant et je me demandais vraiment comment je vivrais le reste de la semaine. Je n'ai pas été déçue... c'était le 8 octobre 2010. Et lorsque je suis rentrée chez moi le premier midi (il y avait deux heures de coupure avant la reprise de l'audience), Mouche avait reçu les résultats d'une analyse de sang et je me suis fait remplacer par mon suppléant. Je n'ai donc pas vécu cette aventure de juré mais j'en ai vécu une autre...
Cet aparté n'est sans doute pas forcément utile, mais peut-être un peu... car j'imagine que l'on peut trouver ce film étrange alors que je me suis vraiment sentie replonger 5 ans en arrière dans l'atmosphère très particulière de cet endroit où se joue la vie de certaines personnes et si je n'ai aucun souvenir de mes co-jurés, je me souviens parfaitement du Président qui était un homme, à l'opposé de Michel Racine, d'une douceur, d'une humanité, d'une empathie, d'une proximité avec nous qui étions là comme des cheveux sur la soupe, exceptionnelles.
Le film montre et démontre à quel point ce rôle est capital alors que sont désignés pour rendre cette justice des gens ordinaires de n'importe quel âge, sexe, milieu social. Comment ne pas se laisser influencer par ses propres convictions, ses certitudes et aussi par l'attitude de l'accusé, le récits des différents témoins ? Là encore, Christian Vincent aborde avec beaucoup de justesse la façon dont les jurés vont exercer leur mission, avec leur personnalité, leur vécu et c'est en tout point passionnant. Mettre ensemble des hommes, des femmes, des intellos, des ouvriers, des chrétiens, des musulmans, des juifs, des jeunes, des vieux pour convaincre de leur intime conviction et décider du jugement d'un homme, c'est fort, et ce film le montre comme jamais.
Commentaires
J'attendais ton avis sur ce film que j'ai vu vendredi. Je me demandais justement si le côté cour d'assises était crédible, j'ai ma réponse. Les acteurs sont vraiment bons, j'ai apprécié aussi que la fin soit ouverte et laissée à notre imagination. Je me souviens de ton billet de 2010 comme si c'était hier et du choc ressenti.
Plus que crédible donc. Je m'y suis vraiment retrouvée, sauf que Notre Président était une crème...
Ce jour là est inoubliable à plus d'un titre. Je devais avoir mes antennes branchées pour être rentrée le midi au lieu de rester avec mes co-jurés...
J'ai adoré ce film où le moindre détail sonne juste et où est palpable une certaine joie malgré les horreurs de la vie, ton billet en rend bien compte.
(Et puis, on était 4 dans la salle. Alors que les block-busters à côté remplissaient par centaines...)
On peut pas lutter contre un block-bust'
Ce film fait presque docu-fiction par moments !
J'arrêtais pas d'alterner, c'est lui qui a fait le coup, non c'est elle, non c'est lui...
J'hésitais , à cause de Lucchini qui parfois m'agace (alors que j'adore Sidse Babett Knudsen) et aussi parce que je croyais qu'il s'agissait seulement d'une comédie romantique, mais entre ton avis et celui des copines de blogs, c'est bon, je suis partante !
Moi j'adore Lucchini et je n'avais vu Sidse que dans After the wedding. Elle est extra cette fille ! Et la romcom est vraiment accessoire, on quitte peu le Tribunal.
Je l'avais découverte dans "Borgen" ( mais je sais que tu n'as pas vu tant de séries que ça) et vue ensuite dans "After the wedding". Elle est très connue au Danemark et avait fait des études de théâtre en France quand elle était jeune.
Je ne suis pas étonnée qu'elle parle si bien le français alors.
Oui effectivement, je n'ai pas vu Borgen mais toujours entendu grand bien.
j'ai adoré. J'aime Lucchini, même si parfois il est un peu trop la caricature de lui-même. Là il est juste parfait et montre son art. Il m'a carrément émue le pauvre bougre détesté de tous.
Oui moi aussi je l'aime d'amour.
Si tu veux voir un autre pauvre bougre détesté de tous, file sur le Pont des Espions.