CHORUS de François Delisle ***
Irène et Christophe ont connu le pire drame qui puisse arriver à des parents. Un jour,leur fils Hugo n'est jamais rentré de l'école. Leur couple n'a pas survécu à cette disparition.
Christophe a fui au Mexique où il vit de petits boulots au bord de la mer, tandis qu'Irène est restée au Canada où elle poursuit sa carrière de chanteuse dans une chorale. Et aujourd'hui, un pédophile emprisonné depuis plusieurs années fait des aveux. Il raconte sa rencontre avec Hugo et révèle l'endroit où il l'a enterré 10 ans plus tôt. Alertée la première, Irène reprend contact avec Christophe et le supplie de ne pas la laisser vivre seule cette nouvelle et décisive étape. Le couple va donc se revoir, revivre et découvrir le pire.
Encore un film qui parle infiniment bien du deuil, cette notion terrible, absconse et finalement simplissime dès qu'on l'a comprise et intégrée. Le deuil, je sais je me répète, n'implique en rien une démarche et encore moins un "travail" qu'il y aurait à faire. Il est un fait. Il signifie que quelqu'un que l'on aime est mort et que cette perte nous plonge dans une affliction abyssale que chacun, s'il continue à vivre, surmonte à sa façon.
La mort d'un enfant est une tragédie sans nom qui n'entre pas dans la logique naturelle de l'existence, les parents étant sensés "partir" les premiers. A première vue Irène et Christophe semblent avoir "choisi" des façons opposées de survivre à ce drame, à ce manque. Lui en s'éloignant de tout et de tous, elle en tentant de continuer à faire comme si... Finalement, on découvre que leur comportement n'est pas si éloigné et différent l'un de l'autre. Quoiqu'on fasse, quel que soit l'endroit où l'on se trouve, le chagrin inconsolable, le manque indescriptible, la sensation d'injustice, la culpabilité d'être encore là, l'envie et le besoin de parler de l'absent opposés à l'envie et au besoin de ne pas déranger... sont les mêmes, irrépressibles, incontrôlables, sous la chaleur du Mexique ou dans le froid vif de l'hiver canadien. L'un comme l'autre parle à l'absent, a la sensation de se réveiller à ses côtés, de pouvoir le toucher ou lui parler et finalement revit à chaque fois un peu plus inconsolé, démuni, la déchirure, la détresse de l'absence.
Pour nous faire vivre ce drame intime, le réalisateur s'appuie sur l'interprétation solide, sans simagrées ni hystérie de deux acteurs, Fanny Mallette et Sébastien Ricard avec qui on entre en empathie tant leur digne souffrance nous touche. Si on comprend moins pourquoi la mère de l'une est présentée comme un boulet froid, maladroit et parasite (comme si les filles étaient forcément en conflit avec leur mère) et que le père de l'autre (comme si les garçons avaient forcément un invisible lien de complicité avec leur père) comme un être de lumière et de compassion, cela ne parasite en rien l'histoire de la belle relation des parents d'Hugo qui n'ont peut-être jamais cessé de s'aimer tout en ne réussissant pas à se soutenir dans cette insurmontable épreuve.
La scène délicate où les parents suivent sur un écran les aveux détaillés du monstre est impressionnante. Celle où ils se retrouvent à un concert avec l'ami d'Hugo qui serait lui aussi âgé de 18 ans, d'une beauté apaisante malgré la (très bonne) musique rock. Cette autre où Christophe se laisse bousculer, malmener par les flots de l'Océan, sublime. L'ensemble, dans un beau noir et blanc, orné de voix off qui s'interrogent en écho et de musique sacrée, offre un bel écrin sonore et visuel à ces actes de résilience menés par un couple anéanti.
Commentaires
Je ne peux plus voir ce genre de films, aussi bons soient-ils.
Je n'y arrive plus.
Moi j'en ai besoin.