LES OGRES de Léa Fehner *
Avec : Adèle Haenel, Marc Barbé, François Fehner
Synopsis : Ils vont de ville en ville, un chapiteau sur le dos, leur spectacle en bandoulière.Dans nos vies ils apportent le rêve et le désordre. Ce sont des ogres, des géants, ils en ont mangé du théâtre et des kilomètres. Mais l’arrivée imminente d’un bébé et le retour d’une ancienne amante vont raviver des blessures que l’on croyait oubliées. Alors que la fête commence !
Hélas je ne vais pas m'associer à la dithyrambe unanime quitte à me faire "traiter" de morte par certains critiques : "Alors bien sûr, les raisonneurs, les culs-pincés, les curistes, les sédentaires, les fans de cinéma congelé et les abonnés des salles en velours rouge trouveront ces ogres trop exubérants, trop rabelaisiens, trop felliniens, trop hurleurs, trop partageurs, trop généreux. Mais on les plaint. Ils sont déjà morts, et Léa Fehner est vivante. Applaudissements."
Evidemment ce film est épuisant, bien sûr la vie en communauté est une expérience que j'espère ne jamais avoir à vivre, mais j'aime aussi voir arriver les saltimbanques dans ma ville et parfois assister à leurs spectacles et je suis aussi capable de voir des films hystériques et j'ai d'ailleurs jadis été très friande des bastringues tapageurs et turbulents d'Emir Kusturica ou Federico Fellini. Mais ce film frénétique et fatigant m'a exaspérée du début à la fin.
J'ai failli plusieurs fois remballer mon barda et sortir de la salle mais chaque fois je me laissais happer par Adèle Haenel et Marc Barbé qui sont les seuls à m'avoir retenue jusqu'au bout. Chacune de leurs trop rares scènes est un moment de grâce dans un tourbillon de hurlements. Adèle, enceinte jusqu'aux yeux, fumeuse et toujours énergique, belle, grande gueule, avance comme un matador dans cette famille cabossée qui se fissure de toute part. Et Marc Barbé (quelle originalité de faire de lui un alcoolique !!!) livre ici une performance exceptionnelle qui m'a complètement époustouflée. Notamment lors d'une scène sidérante, impressionnante où décidé à mettre fin à ses jours, il renonce à la toute dernière seconde et se précipite sur scène en hurlant "Heureux, je suis heureux". A ce moment là, j'ai eu l'impression d'avoir la démonstration de ce qu'était un Acteur. Plus tard, alors qu'il a proféré une phrase terrible, ses larmes sont un crève-coeur. Sans parler de la scène où il explique à des enfants curieux ce qu'est une sodomie ou celle où il raconte l'histoire du roi qui se croyait tout puissant... Cet acteur se révèle ici immense et bouleversant.
Pour le reste, il semble que la réalisatrice romance quelque peu la vraie vie qu'elle a connue enfant puisque ses parents et sa sœur (la pauvre !) qui jouent leurs propres rôles ici, ont été et sont toujours des comédiens itinérants. Pourquoi a-t-elle donc choisi de ne traiter que ce qui perturbe les représentations, que ce qui oppose les différents membres de la troupe ? Mystère ou alors est-ce pour donner plus de nerfs à cette vie qui est peut-être finalement beaucoup plus monotone et routinière qu'on ne pourrait se l'imaginer nous autres, pauvres sédentaires. En tout cas cela donne la manifestation d'une grande dispute permanente où chacun hurle, s'explique, se lamente, pleure, se justifie, se plaint et c'est fatigant, inintéressant au possible. Chaque épisode où chaque personnage apparaît un peu plus antipathique que le précédent est la démonstration d'un foutoir infernal où l'on se réveille avachi dans son vomi avant de tout nettoyer pour la représentation suivante. Et où l'humour douteux des représentations ne me "parle" pas du tout. Ah comme j'aimerais, au prétexte que le public doit participer, qu'un comédien vienne me dire que je n'ai pas mis les bonnes chaussures pour participer à la fête du mariage ou qu'il me recoiffe parce que ma coiffure ne convient pas !
Que dire aussi d'une scène aussi improbable qu'inutile où la mère jadis trompée et toujours jalouse de la comédienne qui a rejoint la troupe, se trouve vendue aux enchères et se rend sur le bateau d'un type qui passait par là et l'a achetée 100 €uros. Nue et manifestement très gênée de l'être, elle joue la scène comme si elle était brusquement atteinte de débilité mentale profonde ! Déplaisant et ridicule.
Au milieu de tout ce bazar exténuant et peu convaincant, Marc Barbé et Adèle Haenel donc et aussi une scène de grâce comme il convient de dire, où deux comédiennes en coulisse miment la scène en train de se jouer sur scène.
Mais ce bric à brac filmé énergiquement, je ne peux le nier, dure quand même près de 2 heures et demi et c'est très pénible.
Commentaires
J'étais déjà ressortie du film Belgica exténuée, je risque de repartir sur une civière après ce film si je te comprends bien ? Euh j'hésite beaucoup du coup, même si j'ai conscience que ce soit le genre de film qu'on aime et qu'on déteste.
Belgica ? C'etait d'un calme !!!
Ce film n'est vraiment pas aimable
Tu confirmes tout ce que je pressentais. Tant de critiques dithyrambiques sont souvent suspectes !
Oh parfois c'est justifié. Aucune empathie pour moi vers cette famille. Ni envie de partager leur vie, ni admiration .. La pièce qu'ils jouent est à leur image, bordélique, bruyante et fatigante.
Sortie fatiguée, pour ne pas dire épuisée, de ce film où je me suis obligée à rester jusqu'au bout, je me suis demandée si je n'avais pas rêvé les commentaires excessivement élogieux qui m'ont amenée à guetter la programmation du film dans ma salle favorite d'Annecy.Je me suis dit qu'il serait bon de lire ton avis, Pascale, toi dont j'ai apprécié à Annonay les commentaires sur les films projetés. Et ce fut un vrai plaisir de te lire: je partage ton point de vue et,sans mentir, quand je suis sortie je me suis dit: " tant pis si on me trouve cul pincé mais je dirai à tous mes amis de ne pas partagé le délire enthousiaste de certaines critiques"
Bonne nuit
Raymonde
Epuisant en effet... En y repensant, j'étais encore exténuée et agacée.
Ouvrons le club des "culs-pincés, curistes, sédentaires, fans de cinéma congelé et abonnés des salles en velours rouge", on rigolera bien je crois !