LES HABITANTS
Synopsis : Raymond Depardon part à la rencontre des Français pour les écouter parler. De Charleville-Mézières à Nice, de Sète à Cherbourg, il invite des gens rencontrés dans la rue à poursuivre leur conversation devant nous, sans contraintes en toute liberté.
J'avais adoré Journal de France et La vie moderne. J'adore la façon dont Depardon rencontre les français. Il se balade, ici au volant d'un vieux camping-car et s'arrête où bon lui semble. Le dispositif impose un choix forcément subjectif et on ne peut pas dire que le constat, en écoutant ces conversations, soit particulièrement réjouissant mais Depardon a la bonne idée de terminer son film sur une note souriante d'espoir de deux amoureux qui se dévorent des yeux, se sourient et se déclarent leur amour !
Pour le reste, c'est assez effrayant car j'ai trouvé beaucoup de tristesse et de désenchantement dans tous les témoignages. J'ai eu l'impression tenace et permanente que chacun se bat mais que finalement personne ne lutte. On ne sent pas ces personnes mues par un désir d'action mais plutôt accablées de désillusions avec beaucoup de fatalisme. La vie est dure, c'est un fait, point. Aucun discours politique ou engagé mais énormément de résignation.
A part ce couple relativement âgé qui parle de la beauté des bâtiments de leur ville, en se coupant beaucoup la parole, c'est surtout le désarroi des femmes qui s'impose. Deux jeunes filles, nouvellement en couple, découvrent amèrement que le prince charmant s'est immédiatement transformé en affreux macho. Elles ne sont plus que leur esclave domestique. Une autre toute jeune, enceinte assure au futur père que leur futur enfant ne sera habillé qu'en "marques". L'échange immonde entre deux jeunes types qui ne voient chez les filles que des objets de consommation utiles pour assouvir leur libido, fait froid dans le dos. Je ne suis pas sûre (mais ai quand même bien peur) d'avoir compris tout ce dont il parlait... Trois mots de vocabulaire et un seul objectif : pécho. Un autre, pas bien armé intellectuellement non plus, dit que ses parents l'ont mis dehors. Consternant aussi de voir une mère dire à sa fille de 25 ans remarquable d'intelligence et interne en médecine que les études c'est une chose, mais trouver un bon mari et lui faire des petits enfants c'est beaucoup plus précieux. Le chantage affectif auquel se livre les quelques parents que l'on écoute est d'ailleurs assez désolant.
Heureusement, il y a quelques respirations drôles et joyeuses. Ce couple d'âge mûr qui cherche un compromis pour vivre ensemble alors qu'ils n'ont rien en commun et que la dame est incapable de passer toute une nuit à deux dans un lit. Et surtout ces deux femmes "désamianteuses" sur les chantiers de St Nazaire, fières de leur métier d'hommes, courageuses et en lutte permanente contre leurs ex maris.
Est-ce que ce défilé de "personnages" dont n'émerge aucune culture et aucun engagement est représentatif ? Mystère.