JOE HILL de Bo Widerberg (DVD) ****
J'ai découvert ce film en octobre dernier à Lyon le jour où je me suis fait une nouvelle amie. Il date de 1971 et bien qu'il ait obtenu un Prix Spécial du Jury à Cannes cette année là, reste méconnu. Il a bénéficié d'une ressortie relativement confidentielle en novembre 2015. Hélas, il n'est même pas arrivé dans ma contrée.
Aujourd'hui enfin il est paru en DVD et je vous invite à faire comme moi qui l'ai revu hier soir, à le découvrir d'urgence. En introduction Jean-Jacques Bernard présente le film et on découvre une interview réjouissante et pleine d'humour désabusé du réalisateur qui reproche à Bergman d'être l'arbre qui cache la forêt de talents suédois. Et en effet, Bo Widerberg n'a jamais atteint la notoriété vampirisée par celle du maître.
Si je ne parviens pas à vous convaincre de voir cette merveille, je vous invite à regarder la bande-annonce... mais elle spoile pas mal je trouve. Elle spoile complètement d'ailleurs, mais vous pouvez regarder jusqu'à 2mn sans danger pour avoir une idée de l'ambiance.
Personnellement je ne connaissais absolument pas Joe Hill qui est un personnage qui a réellement existé et la fin du film m'avait été spoilée par la personne (ma nouvelle amie :-)) qui présentait le film à Lyon. Connaître la fin, il faut bien le reconnaître, n'enlève rien au plaisir magique de découvrir cette merveille de lyrisme romantique qui malgré ses 45 ans semble avoir été tournée hier.
Un jeune suédois Joël Hillstrom et son frère Paulie, orphelins, débarquent à New-York en 1902. Ce qu'ils découvrent est loin de ce qu'ils imaginaient. La misère règne dans le quartier où ils vivent et les étrangers comme eux ne sont pas les bienvenus (ah bon ???). Paulie trouve un emploi dans un autre Etat tandis que Joël apprend la langue dans les livres, se passionne pour l'Opéra, rencontre une jeune émigrée italienne qui aura plus de chance que lui. D'ailleurs si la jeune dame n'avait été si opportuniste, le destin de Joe Hill en aurait sans doute été bouleversé...
Désabusé, sans travail, Joël prend la route seul à pieds. Il devient Joe Hill, un hobo comme beaucoup d'hommes à l'époque. Ces vagabonds se déplacent de ville en ville, seuls ou en groupe.
Jo fera équipe pendant un temps avec Blackie qui lui enseignera l'art de prendre un train de marchandises en marche. Puis il s'arrêtera quelque temps dans la ferme d'une jeune femme seule. Alors qu'elle en attend un peu plus, Joe reprend la route. Il vivra comme tous les hobos de travaux manuels saisonniers et d'expédients.
Il traversera les Etats-Unis d'Est en Ouest, « un pays si grand, dira-t-il, qu'on peut y perdre un frère », découvrira le syndicalisme en rencontrant des membres de l'Industrial Workers of the Word qui lutte pour l'union des travailleurs. Il en deviendra un des chantres car un jour que la police l'empêche de faire des déclarations publiques alors que près de lui des catholiques chantent leur prosélytisme sans être inquiétés, il se mettra à écrire ses discours sous forme de chansons.
Ce parcours initiatique d'un homme qui part de rien pour devenir le porte paroles de ceux qu'on écoute pas est passionnant de bout en bout. Malgré son style de vie précaire, Joe Hill est un homme heureux de vivre, solitaire mais capable d'empathie et de fraternité. Un être rare, intègre qui, victime d'une injustice écoeurante, révoltante se montrera gentleman comme il est rare d'en rencontrer. Et à quel prix !
L'acteur Thommy Berggren d'une beauté à tomber par terre, à tomber amoureuse, à tomber tout court, apporte sa candeur, sa douceur, sa poésie, son humour, son charisme époustouflants à ce beau personnage du début du XXème siècle peu glorieux des Etats-Unis où l'on découvre que le chemin de fer qui relie l'Ouest à l'Est est couvert de beaucoup de sueur mais aussi et surtout de racisme, d'exploitation et de sang.
Il faut en plus reconnaître au réalisateur un art et un sens du plan, la plupart sont somptueux et le choix d'une bande son magnifique. Un film à voir et à écouter donc, même s'il mérite beaucoup plus et beaucoup mieux que le petit écran, c'est toujours mieux que rien.
Passionnant, émouvant et BEAU.
Poème testament de Joe Hill :
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My will is easy to decide,
For there is nothing to divide,
-
My kin don't need to fuss and moan-
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"Moss does not cling to a rolling stone."
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My body? Ah, If I could choose,
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I would to ashes it reduce,
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And let the merry breezes blow
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My dust to where some flowers grow.
-
Perhaps some fading flower then
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Would come to life and bloom again.
-
This is my last and final will,
-
Good luck to all of you,
-
Joe Hill
- Mon testament est facile à décider,
- Car il n'y a rien à diviser,
- Ma famille n'a pas besoin de se plaindre et d'ergoter
- "Pierre qui roule n'amasse pas mousse"
- Mon corps? Ah, si je pouvais choisir,
- Je le laisserai se réduire en cendres,
- Et les brises joyeuses souffler
- Ma poussière là où quelques fleurs pousseront.
- Ainsi peut-être qu'une fleur fanée
- Reviendrait à la vie et fleurirait une nouvelle fois.
- Ceci est ma dernière et ultime volonté,
- Bonne chance à tous,
- Joe Hill
L'acteur Thomas Berggren au physique difficile :
Le vrai Joe Hill ou Joseph Hillström :
Pour l'anecdote, sachez que le fils de Stephen King s'appelle Joseph Hillstrom King en hommage à Joe Hill...
Commentaires
Je ne regarde pas la bande-annonce, mais ta chronique donne très envie de voir le film !
Oh oui, fais le :-) Tu peux regarder jusqu'à 2mn sans risque et tu te feras une idée !
Tu es si enthousiaste que je ne peux que noter le DVD, parce que je ne pense pas que le film arrivera non plus dans mes contrées.
Non la sortie était prévue et a eu lieu en novembre 2015 mais hélas pas dans les provinces reculées. C'est BEAU tu verras.