de Boo Junfeng ***

Avec Fir Rahman, Wan Hanfi Su, Ahmad Mastura 

Aiman officie dans une prison de haute sécurité. Rahim, le bourreau en chef, y accompagne les derniers jours des condamnés. Rapidement, il prend le jeune gardien sous son aile et lui apprend les ficelles du métier.

Aiman s'avère être un exécutant très appliqué, mais sa conscience et ses véritables motivations le rattrapent peu à peu...

En fait le jeune homme n'est pas là par hasard. Il a tout fait pour intégrer cette prison, se rapprocher du "bourreau", l'impressionner et lui devenir indispensable. Dès lors on ne peut que s'interroger : comment peut-on choisir ce métier ? D'autant que l'on sait qu'à Singapour, on condamne à mort pour de simples petits trafics de drogue ! Que cherche donc Aiman ? A apprendre, à se venger, à expier une faute ? On découvrira peu à peu ses motivations sans pour autant les comprendre car le réalisateur ne cherche pas absolument à nous donner de réponses. D'ailleurs il semble que finalement Aiman dépasse ses propres motivations pour réellement intégrer cette profession.

Aiman vit avec sa sœur aînée. Leur relation est faite d'amour, de complicité mais aussi d'une forme de devoir qu'ils ont l'un envers l'autre. La grande sœur s'étant attribué le rôle de veiller sur son petit frère. Mission qui finit par lui peser à force de ne plus comprendre son frère.

Quant au bourreau, il fait preuve d'une infinie compassion et accompagne les condamnés avec beaucoup de douceur. Mais lors d'une scène à la cafétéria, on l'entend faire des blagues douteuses à propos du poids des condamnés auprès de ses collègues. Sans doute pour donner le change et faire croire que la lourdeur de sa charge ne pèse pas sur son humeur. Alors que dès qu'il sort de la prison, il roule à tombeau ouvert à travers les rues de la ville.

En faisant d'Aiman le futur bras droit de Rahim, le réalisateur ne nous épargne aucune explication sur la façon de procéder afin que le condamné ne souffre pas : longueur de la corde par rapport au poids du condamné afin que la colonne vertébrale se brise à coup sûr, emplacement du nœud au plus près de l'oreille pour rompre les cervicales etc... C'est glaçant et chirurgical. Il nous fait même "vivre" une exécution depuis le réveil du condamné, la traversée lente d'un long couloir, la dernière fois que l'homme respire l'air extérieur et l'arrivée dans la salle la tête couverte d'un sac !

Ce qui surprend aussi, et il faut supposer qu'il s'agit de faits observés, c'est l'extrême propreté de la prison, l'ordre et la rigueur qui semblent y régler, la docilité des détenus. Contrairement à ce qu'on connaît des prisons occidentales (à travers les films) pleines de bruits incessants, de cris, d'insultes, de bagarres, ici tout est calme, presque silencieux et les prisonniers ressemblent plus à des ouvriers qu'à des délinquants.

Le psychologie et les desseins des personnages peuvent paraître un tantinet confuses, opaques mais au bout d'un moment, on admet que finalement l'être humain n'est pas toujours d'une logique implacable. Et puis le film est admirablement réalisé et il vient de Singapour ce qui est suffisamment rare pour ne pas le laisser échapper.